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L’homme est un loup pour l’homme

Le journal de Nidra Poller


L’homme est un loup pour l’homme
Parc de Lafayette, à côté de la Maison blanche à Washington, le 2 juin 2020. ©AP Photo/Evan Vucci/20155065438569//2006030349

Épisode 12 : Nuit américaine, paradoxe noir


L’homme est un virus loup pour l’homme
[« Chiner en temps de pandémie » / reporté]

6-13 juin 2020

Rappel

La timide sortie du désert de confinement a suscité plus de questions que de réponses. En s’imaginant le monde après, avec plus ou moins de clusters, de retrouvailles, de rayons de circulation, a-t-on une seule fois posé la question: et si, à Minneapolis, un policier blanc … Bref, Mister Trump voulait faire la guerre à la Chine, exportateur du G5 et du virus tueur de son miracle économique, mais c’est l’Amérique qui se fait la guerre à présent.

Omaha beach

Le 6 juin, D-Day, l’débarquement, les boys fauchés dans les flots, à peine sortis des landing craft, les GIs zigouillés sur les sables d’Omaha Beach. J’ai visité les plages et les cimetières avec un ancien combattant, fier d’avoir inscrit sur le dos de son blouson, à l’intention des Nazis, « un gars juif de Brooklyn ». A l’époque, on affrontait, corps à corps, le mal. Ils avaient la vingtaine. Les soldats noirs risquaient leur vie … dans des unités ségréguées. C’est une nation éclairée par la victoire dans une guerre juste qui s’est adressée aux problèmes de racisme et de l’antisémitisme.

Black Lives Matter n’est pas l’appel au respect de la vie d’un Noir au titre de valeurs universelles, c’est un mouvement opportuniste qui exploite, pour de noirs desseins, un défaut réel de nos démocraties

Aujourd’hui un général noir témoigne, par son rang, des progrès réalisés et par sa parole, d’une indignité qui persiste et blesse.

I can’t breathe

Capté par l’œil d’un téléphone mobile, Derek Chauvin (d’origine française ?) écrase le souffle d’un homme noir menotté. Le policier blanc pâle, aux yeux vides, les traits composés dans une expression d’indifférence abyssale, la main dans la poche, accumule dans la pression cruelle de son genou des siècles d’histoire. Comme s’il résumait la totalité du mal fait aux Noirs, depuis l’esclavage et jusqu’au moment où, de façon distraite, il en a tué un, comme ça, par hasard. All in a day’s work.

L’icône est créée. Rien ne pourrait l’entamer. Le portrait de George Floyd en casquette, avec des ailes d’ange et un halo, est plus vrai que le document attestant de sa condamnation à cinq ans de prison pour vol armé en réunion avec effraction. La mort atroce, visible par le monde entier, efface les forfaits d’un homme égaré.

La question est de savoir quel culte est voué à cette victime sanctifiée.

Black Lives Matter

C’est l’allahou akhbar [allah est le plus grand] de la suprématie noire. Black Lives Matter n’est pas l’appel au respect de la vie d’un Noir au titre de valeurs universelles, c’est un mouvement opportuniste qui exploite, pour de noirs desseins, un défaut réel de nos démocraties. Vous ne trouverez pas de cellules BLM en Mauritanie, où Biram Dah Abeid est emprisonné parce qu’il milite contre l’esclavage. L’esclavage actuel, pas celui du 17e siècle qui a justifié le déboulonnement de la statue d’Edward Colson à Bristol. Il n’y a pas de militants BLM au Nigéria, dressés entre les brutes de Boko Haram et leurs proies, des étudiantes, noires comme eux. Pas de cellule de Black Lives Matter au Burkina Faso pour protéger les albinos pourchassés et torturés à mort.

Non, mon frère, les BLM, sur le campus et en ville, sont dressés contre les sionistes. Ils militent main dans la main avec les Students for Justice in Palestine, aux cris de « from the river to the sea, Palestine will be free. » « No Justice No Peace » est un slogan des Palestiniens en guerre contre l’occupation … d’Israël … par les Juifs. Les BLM s’opposent, au niveau municipal, à la « formation » des forces de l’ordre par des Israéliens mais ne rechignent pas à s’allier aux Islamistes consacrés à l’occupation des Etats-Unis.

Black Lives Matter marqué en majuscules jaunes sur le sol de la Place BLM dédiée par la maire noire de Washington DC. Des journalistes blancs se confondent en bénédictions, des élus blancs mettent un genou à terre en allégeance féodale, des policiers noirs et blancs s’agenouillent en soumission, tous persuadés d’agir pour le bien. Tous repérés pour élimination ou dégradation si jamais BLM, le mouvement, prend le pouvoir.

Peaux noires / gilets jaunes / BDS

Depuis une semaine, des visages noirs de toutes les nuances relaient, dans les éditions spéciales de CNN Intl, les revendications de la foule. Journaliste, avocat, procureur, écrivain, militaire, universitaire, maire, gouverneur, chef de police, militant, législateur … Des gens doués, compétents, reconnus. J’ai grandi dans la conscience de l’injustice faite au Noirs. Aux années quarante, un Noir diplômé—déjà un exploit—avait la chance d’être aux manettes d’un ascenseur au lieu de manier un balai. Les progrès réalisés de haute lutte et au prix de sacrifices énormes sont indéniables et je m’en réjouis. Le vécu noir n’est pas, pour moi, une abstraction politique ou sociologique : il fait partie de ma vie. Et de mon œuvre.

L’Etat du Minnesota, solidement démocrate, n’est pas un bastion blanc. Melvin Carter, le maire de St. Paul et Medaria Arradondo, le chef de la police de Minneapolis, sont noirs. Ainsi que la représentante d’origine somalienne, Ilan Ohmar et le Procureur Général General Keith Ellison, noir et musulman qui, élu à la Chambre de Représentants en 2006, avait prêté serment sur le Coran. Le maire de Minneapolis, Jacob Frey, est juif.

A lire aussi, Reportage: Derrière les émeutes, une cible: l’Amérique de Trump

Robert Kroll, président du syndicat de police, en t-shirt rouge « Cops [flics] for Trump », a pris la parole lors d’un meeting électoral, en octobre 2019. Il s’est engagé à maintenir l’ordre dans sa ville de Minneapolis, sans se laisser intimider par des accusations de racisme.

Et le soulèvement international est parti de là.

Defund the police, pas un sou pour les salauds, RIC intégral, dégagez les élus, Occupy Wall Street, abattre les frontières… ces slogans d’insurrection factice visent à remplacer une démocratie imparfaite par une dictature des impulsifs. L’élan international déclenché par le meurtre de George Floyd mènera, lui aussi, à l’impasse si les contradictions ne sont pas confrontées. Les iconoclastes primaires qui décapitent Christophe Colomb et exigent l’expulsion de Cecil Rhodes du campus d’Oxford cherchent-ils la lumière ? Ou bien à frapper des coups dans une guerre tribale ?

Dans la « famille »Traoré je demande Kobili

On a raison de dire que la France n’est pas les États-Unis et que le mimétisme agressif déployé ici par des intérêts douteux est regrettable, mais on ne calmera pas un mouvement de masse international sans aborder le problème multiforme, interactif, grossièrement désigné comme le racisme. On cherche, dans nos pays, à gérer nos différences en respectant des valeurs nobles.

Malheureusement, ces valeurs sont dévoyées par l’intersectionality et trahies par un antisémitisme noir. Ce n’étaient pas 8 minutes 46 secondes mais plus de trente minutes de supplice infligées par Kobili Traoré à Sarah Halimi, réduite à une masse de chair sanguinolente et d’os fracassés avant qu’il ne la jette du balcon à sa mort. Dans une version perverse de « brutalité policière», les forces de l’ordre dépêchées sur place, sont restées l’arme au pied, en laissant faire. Pourquoi ? Par peur d’affronter un dangereux terroriste ? Par souci de ne pas stigmatiser une communauté à fleur de peau ? Ou simplement pour obéir aux ordres ? La juge d’instruction donne l’impression de tout faire pour protéger l’assassin, trop « déséquilibré » pour répondre de ses crimes. Déséquilibré comme Grafton Thomas, qui a attaqué à la machette des Juifs fêtant Hanoukka à Monsey New York. Ce n’est pas 8 minutes 46 secondes, mais trois semaines de tortures qu’a subies Ilan Halimi aux mains du gang de barbares. Mutilé, affamé, brûlé et laissé pour mort par le chef Youssouf Fofana près d’une ligne de chemin de fer.

Il ne s’agit pas là de « violence policière » mais d’une criminalité qui pose problème dès qu’on regarde la crise à 360°. La majorité des Juifs américains penchent à gauche et soutiennent la cause des Noirs sans demander la réciprocité.

Guerre de religion

Entre les deux, il n’y a pas photo: Trump devant l’église St. John, brandissant la Bible comme une boîte de corn flakes et le Révérend Al Sharpton, vieux de la vieille, faisant vibrer jusqu’à la transe les brothas n’sistas endeuillés. On a beau connaître les failles du militant rafistolé, sa performance était spectaculaire. Le président, lui, a aggravé son cas en mêlant l’annonce d’un début de reprise économique à la promesse d’un plus jamais ça. Il s’imagine George qui nous regarde d’en haut, heureux de voir qu’il se passe quelque chose de merveilleux dans notre pays. C’est un beau jour pour lui, pour tout le monde, c’est un grand grand jour pour l’égalité.

Le Covid-19 fait ses courses 

Lockdown bordélique aux States, confinement strict suivi d’allègement prudent chez nous, on fait des acrobaties pour garder ses distances sur le trottoir et soudain, les digues sautent. Des manifestations monstres. Plus de 29 000 morts côté cour et plus de 20 000 indignés criant justice pour Adama côté rue. Lors des cérémonies religieuses en l’honneur de George Floyd, on chante, on crie, on enlève le masque pour essuyer le visage en sueur, en s’embrasse, on pleure. Dans les villes où les contaminés poursuivent leur chemin vers la mort, on défile, on s’agglutine, on hurle, on chante. C’est la débauche du postillonnage. Qui paiera la note ?

A suivre… Refaisons le chemin de la pandémie aux Usa, au Japon, en Israël, en visant cette fois-ci « la question noire ». Avec votre permission, on commencera avec une plage littéraire. Episode 13 : un extrait de Karimi Hotel & autres nouvelles d’Africa.

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