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L’Homme de Picardie

Un écrivain d’inspiration bistrotière


L’Homme de Picardie
Philippe Lacoche photographié en, 2019 © Guillaume Clément

Sur tous les fronts éditoriaux, Philippe Lacoche, écrivain et critique littéraire des Hauts-de-France, est actuellement d’une productivité remarquable. En plus d’une pièce de théâtre coup de poing sortie en novembre, il vient de publier un roman buissonnier et un essai régional.


Drôle de zèbre que ce Picard à galurin, aussi fugace qu’une truite arc-en-ciel, toujours prêt à dégainer un livre de saison, au printemps ou à l’automne, et parfois même trois à quelques semaines d’intervalle, graphomane libertin des provinces du Nord de la France, frayant dans les bibliothèques, le museau à l’air libre, entre Roger Vailland et Jacques Perret, entre le communisme cheminot et l’anarchisme de droite, un jour Gaulliste social, un autre, marquis empourpré. Insaisissable gentilhomme ouvriériste qui a débuté sa carrière dans la presse musicale. Bringuebalant et laborieux. Gamin et sentimental. Matou et marlou. Rocker et glaiseux. Séducteur et perdu. Se moquant des modes et des procès en illégitimité. Refusant les cases et les camisoles ; ne faisant pas carrière dans les Lettres comme on grimpe les échelons dans la fonction publique ; n’écoutant que ses élans du cœur forcément contradictoires. Capable d’aimer sincèrement deux France qui s’ignorent ou qui s’opposent habituellement dans les manuels et les cénacles. Nous sommes loin des écrivains à plans de carrière, cochant toutes les cases d’un progressisme asphyxiant et s’agenouillant devant la première victime venue. Philippe Lacoche est l’un des derniers mohicans de la presse régionale. Il officie au Courrier Picard et y tient un feuilleton depuis des années, il y parle des livres sur le ton badin qui sied aux grands spécialistes, il s’aventure dans les bars d’Amiens à la découverte d’un groupe aux sonorités nouvelles, court les expos et les scènes ouvertes, s’enthousiasme, peste, tombe sous le charme d’un auteur réprouvé ou fustige un décret liberticide.

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Il est entier comme le sont les enfants tristes ; bienveillant sans être mièvre ; attentif au style et aux fragrances originales, c’est-à-dire à une forme d’écriture qui tend à disparaître sous l’édredon du confort intellectuel. Il se méfie des donneurs de leçon et des livres à vocation inquisitoriale. Il est intrinsèquement de gauche, sans être sectaire, ce qui en fait un spécimen plutôt rare dans le biotope du monde culturel actuel. Tous les gens qui publient à Paris, savent que, du côté d’Amiens, il existe un critique qui regardera leur œuvre avec discernement sans œillères idéologiques, sans morgue et sans fatigue morale. Croyez-moi, chers amis, c’est précieux en ces temps de ségrégation éditoriale de rencontrer l’Homme de Picardie sur son chemin de croix. Il appartient à une longue lignée ancienne qui traite encore l’actualité littéraire dans les colonnes de la PQR. Il y a quelques années, nous avions Gérard Guégan à Sud-Ouest ou l’ami Christian Authier à Toulouse. Ne subsistent que Christian Laborde, le Bahamontes des Pyrénées, et Philippe Lacoche qui, de Creil aux frontières belges, promène son carnet à spirales « à l’encre bleue aux vertus sympathiques ». Nombreux sont les écrivains, académiciens ou jeunes loups germanopratins, à se damner pour avoir quelques lignes de Lacoche sur leur CV. Ça vaut sauf-conduit et légion d’honneur à la boutonnière. Avant l’été, sa productivité a été, semble-t-il, décuplée par les événements extérieurs, il se venge des confinements et des désordres sociaux, en publiant un roman d’errance (sur la liste de Printemps du Prix Renaudot), un essai spirituel sur son identité picarde, préfacé par le regretté Philippe Tesson, et une pièce de théâtre outrancière et fracassante.

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On ne peut rien lui refuser car il possède une courtoisie d’ancien régime, une bienséance que l’on ne retrouve que dans les familles aimantes et la noblesse d’épée. Pourquoi le lire dans ses différents exercices assez éloignés les uns des autres ? Parce que son ton est inhabituel dans le concert des larmoiements et des bonnes consciences. Parce que sa veine populiste a été, peu à peu, exclue des catalogues. Parce qu’il est d’inspiration bistrotière, il fait ronronner les mobs sur une route poussiéreuse. Parce qu’il n’instrumentalise pas sa prose et qu’il tente le mariage contre-nature entre la fraternité du zinc et une langue souple aux accents d’éternité. Parce qu’il n’a tout simplement pas peur des mots.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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