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LFI: qui veut faire l’ange fait la bête… à deux dos

La gauche morale prête à sourire


LFI: qui veut faire l’ange fait la bête… à deux dos
Le député du Nord Adrien Quatennens à la fête de l'Humanité, Bretigny-Sur-Orge, 10 septembre 2022 © Gabrielle CEZARD/SIPA

À l’extrême gauche, le feuilleton des « violences sexistes et sexuelles » est sans fin


Adrien Quatennens est dans la tourmente.

Après les rumeurs et accusations portées sur Taha Bouhafs et Eric Coquerel, une nouvelle affaire de violences faites aux femmes secoue la galaxie des « Insoumis ». Suite à la fuite dans la presse de la main courante déposée par son épouse dans le cadre d’un divorce houleux, le député du Nord était soupçonné de violences conjugales. Dans un communiqué diffusé sur Twitter, Adrien Quatennens reconnait et dit très clairement les faits qu’il a commis : une gifle, une bousculade et une tentative de s’approprier le téléphone portable de son épouse. Il fait un mea culpa clair, s’excuse publiquement auprès de son épouse. Il dit son désarroi et sa difficulté à accepter une séparation qu’il ne désirait pas, tout en reconnaissant la légitimité de sa femme à prendre une telle décision.

Arroseurs arrosés

Je comprends que l’on puisse se gausser de voir les donneurs de leçons de LFI se retrouver en situation d’arroseurs arrosés. Ils ont théorisé le fait que la vie privée était politique et sont les premiers à payer le prix de leur hypocrisie. Tout comme ils théorisent la souveraineté populaire tout en organisant le mouvement le plus soumis à l’autorité du chef que l’on connaisse. Avec statut opaque et fonctionnement nébuleux. Ce type d’organisation où le discours est en contradiction avec les actes dans sa structuration interne favorise les comportements douteux et explique le réflexe clanique : au nom de l’importance de la cause et parce qu’il n’existe plus d’autres repères, on couvre toutes les turpitudes individuelles. Je comprends donc très bien que l’on puisse être très énervé par le tweet de soutien scandaleux de Jean-Luc Mélenchon: « La malveillance policière, le voyeurisme médiatique, les réseaux sociaux se sont invités dans le divorce conflictuel d’Adrien et Céline Quatennens. Adrien décide de tout prendre sur lui. Je salue sa dignité et son courage. Je lui dis ma confiance et mon affection. » Mais, ce tweet pétri d’arrogance et de déni ne reflète pas la teneur du communiqué d’Adrien Quatennens. Lui ne se fait pas passer pour une victime expiatoire qui prendrait tout à son compte. Pas plus qu’il ne cherche d’excuse en brodant sur la violence systémique… Les vrais donneurs de leçon ne font pas de mea culpa et au contraire se victimisent sans vergogne. Là, ce n’est pas le cas et cela change des habitudes du milieu politique où le mantra « n’avoue jamais » est une règle d’or, avec le fameux « on ne sort de l’ambiguïté qu’a ses dépends ».

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Il est ainsi rare que les politiques reconnaissent une faute, qu’elle soit d’ordre public ou privé. Adrien Quatennens le fait et va au bout de sa confession. C’est honnête et courageux. Il dit avoir mal agi, reconnaît avoir du mal à gérer son divorce, avoue des fautes importantes et se met en retrait car il ne s’estime plus en capacité de gérer sa situation personnelle et ses obligations à l’intérieur de son parti. Toute personne qui a vécu la passion amoureuse et/ou la fin d’une relation sait que cela peut être un séisme intime. Cela n’enlève pas le fait qu’être violent est une faute lourde et qu’une bonne raison n’est pas une excuse. Mais être dépassé par une situation et commettre une faute, ce n’est pas être structurellement violent. En l’occurrence, je connais quelques femmes qui ont mis des gifles bien senties à leurs maris dans des situations similaires ! Celles-ci n’étaient pas des femmes violentes et n’ont pas recommencé mais elles n’ont pas pensé qu’elles avaient commis l’irréparable… même si elles étaient un peu honteuses. D’autres hommes ou femmes, dans des circonstances similaires n’ont pas cédé à la violence mais l’ont ressenti et ne savent pas parfois comment ils y ont résisté ni pourquoi.

Gauche morale et folie Twitter

Être dépassé par ses émotions conduit souvent à des erreurs, les regarder en face et reconnaître sa honte peut amener à ne jamais les reproduire. Adrien Quatennens et sa femme vivent une période difficile et déstabilisante. Un moment de crise existentielle comme tout le monde peut en traverser. Le communiqué du député est sincère et touchant. Mais tenter de rester tempéré face à ce type d’évènement est de plus en plus difficile. Sur les réseaux sociaux, nombreuses sont les personnes qui font comme si soutenir un homme public qui reconnaît avoir mal agi signifie que l’on soutient les hommes violents qui battent leurs femmes. Cette interprétation est tellement stupide qu’elle ne vient pas immédiatement à l’esprit d’une personne saine mais elle est fort répandue sur Twitter. Or être incapable de faire des distinctions pour transformer tout évènement en illustration de la monstruosité masculine finit par avoir le même effet que crier au loup quand il n’y en a pas. Il y a en effet une différence entre des prédateurs qui abusent de la jeunesse des femmes et de leur inexpérience ou qui utilisent leur pouvoir pour mettre en place une emprise délétère et un couple qui se sépare et connaît de fortes tensions. Il y a une différence entre un homme violent qui bat sa femme parce qu’il considère qu’elle est sa chose et une personne qui perd pied momentanément quand une relation se termine. Le fait que l’histoire des relations tendues entre Adrien Quatennens et son épouse soit sortie aura peut-être un effet positif pour le député : les crises intimes enferment souvent les gens dans une bulle de ressenti qui leur fait perdre tout sens du réel et de la mesure. Le retour du réel, même par le biais d’un scandale, agit comme une douche froide qui remet les idées en place. La confrontation avec le jugement du monde extérieur permet de s’extraire de sa spirale intérieure, de retrouver le sens commun. Cela a eu l’air de fonctionner sur Adrien Quatennens. Ne reste plus qu’à laisser à leurs névroses ceux qui font semblant de penser que ne pas sauter à la gorge d’Adrien Quatennens, c’est cautionner la violence envers les femmes. Il n’en reste pas moins que regarder le feu purificateur du wokisme toucher les structures qui le propagent est réjouissant. Après LFI, c’est maintenant EELV qui est touché avec les nouvelles rumeurs sur Julien Bayou, propagées par Sandrine Rousseau. Le PS a pris aussi une balle perdue avec le tweet d’Aurélie Filippetti rappelant aux instances du parti qu’ils invitaient régulièrement l’économiste Thomas Piketty, accusé lui aussi d’avoir commis ce type de violences.

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Décidément, dans la gauche morale, qui veut faire l’ange fait surtout la bête à deux dos. Quant au feu purificateur qu’adulent ses adeptes, ils n’ont toujours pas compris qu’il finirait par servir avant tout à allumer leurs futurs bûchers. Croire que l’on incarne le Bien aboutit souvent à s’accorder tant de licence pour accomplir le mal nécessaire (censure, police du comportement et de la pensée, élimination de l’adversaire, procès permanent fait à ses compagnons et alliés) que l’on finit par croire que l’absence de scrupule et la chasse en meute est la forme la plus élevée de l’engagement. On se condamne ainsi souvent à finir sur la table du dîner.

C’est une fin banale : quand on joue sur le ressentiment et la morale sans avoir de projets d’avenir, il faut jeter régulièrement des têtes à la foule. A défaut de propositions, il faut bien  offrir des coupables. Et c’est comme cela que les loups se dévorent entre eux.



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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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