L’Europe victime de l’acédie


L’Europe victime de l’acédie

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De tous les péchés capitaux définis par l’Eglise, l’acédie est sans doute le plus funeste. La paresse intellectuelle, le vague à l’âme, l’incapacité à émettre des idées ou à formuler des projets sont sans doute à l’origine de biens des dérèglements humains.

Ce mal difficilement curable frappe nos gouvernements depuis plus de trente ans. C’est l’Europe en tant qu’idéologie qui en est la cause. Car l’idée d’Europe est une idéologie totalitaire. Non pas dans le sens liberticide, mais dans le fait qu’elle investit tout le champ politique, tout l’espace sociétal et même pour certains le domaine spirituel. 

Voici quelques jours, sur France Inter, une émission réunissait quelques experts pour parler de la lutte contre le virus Ebola. Ces experts, au lieu de formuler des propositions, d’envisager des scénarios, ont passé la majorité du temps à déplorer l’impuissance des institutions européennes à s’opposer au virus… Si le virus Ebola progressait, c’était selon eux parce que l’Union européenne avait failli dans son projet.

Cette anecdote peut sembler caricaturale, mais elle est symptomatique d’un état d’esprit général. La dengue frappe le sud de la France ?… Que fait l’Europe ? Les paysans ont de graves difficultés ?… C’est parce que l’Europe ne permet plus d’avancer dans la PAC (Politique agricole commune). La France est empêtrée en Centrafrique ?… C’est parce que les Européens ne veulent pas y mettre les pieds. L’Ukraine est sens dessus-dessous ? … C’est parce que l’Europe ne s’oppose pas avec assez de virulence à Poutine. Notre économie affronte de graves difficultés ?… Négocions avec Junker.

Les espoirs mis dans la construction européenne ont créé une telle bulle d’espérance parmi les peuples qu’ils ont subjugué tout le personnel politique. Pour ou contre l’Europe, tous ne jurent que par l’Europe. La déflation nous menace, les souverainistes dénoncent l’Euro… Les déficits se creusent, les partisans d’une politique de l’offre veulent que l’Europe relance la croissance…

Nos politiques sont comme frappés d’acédie face aux changements du monde. Incapables de penser en dehors du logiciel européen, ils ne savent plus penser aucune alternative économique, aucune politique visionnaire, aucun projet mobilisateur. Et comme l’Europe s’empêtre dans ses contradictions et s’enferme de plus en plus dans une logique technocratique, l’horizon intellectuel est bouché : l’Europe nous empêche d’avancer, alors on stagne. Chez les esprits les plus faibles, l’Otan joue un rôle comparable dans le domaine stratégique. Incapable de penser en dehors du « logiciel atlantique », François Hollande n’a pas su prendre en main une politique bilatérale réaliste avec la Russie. Et il s’aventure en Irak sans savoir où il va ni ce que la France peut tirer comme avantage de cette aventure.

Faut-il être pessimiste ? L’acédie européenne est un refuge face aux basculements du monde. Les défis à relever, dans la mutation énergétique, dans la transition énergétique, dans la recrudescence du fait religieux, sont très inquiétants. Et l’Europe est un « prêt à penser » facile à utiliser. Mais en même temps, le poison européen distille son propre antidote : à mesure que les désastres se profilent, les yeux commencent à s’ouvrir.

*Image : Anne-Louis Girodet-Trioson, L’Enlèvement d’Europe.



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Xavier Théry travaille dans un grand groupe de communication.

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