Accueil Société Lettre ouverte d’un camarade motard au Soviet de Paris

Lettre ouverte d’un camarade motard au Soviet de Paris

La mise en place erratique du stationnement payant des motos à Paris


Lettre ouverte d’un camarade motard au Soviet de Paris
D.R.

Non contente d’avoir mis la Ville-Lumière en faillite, une junte d’idéologues écologistes prétendument de gauche se venge sur les deux-roues d’une métropole de 12 millions d’habitants, dont la Mairie de Paris ne contrôle, depuis son fortin, qu’un dixième du territoire… 


Combien de motards, de retour de congés, se sont vus piégés par la tonitruante machine à sous installée sur le viaire parisien, pour l’unique profit du casino Mairie de Paris ? Gigantesque arnaque sous l’alibi écologique, doublée d’un chantage :  sous couleur d’équité, un contingent armé de revolvers numériques tente de rallier l’automobiliste à une cause qui n’est pas la sienne. Ne voulant rien savoir de l’existence réelle du parisien de base, les potentats de cette oligarchie politico-administrative vivent dans l’abstraction. De sorte que, du jour au lendemain, cette engeance détruit sans scrupule la vie quotidienne de centaines de milliers de citoyens : une prise d’otages de masse. 

Tout est dit sur le site www.paris.fr, usine à gaz (plus de 30 pages !) commise par ce comité d’apparatchiks. Sans compter les innombrables cas particuliers, PDF téléchargeables.  

En clair ? Vous aviez acquis une petite moto ou un scooter 50 ou 125 cm3, dit « thermique » (2RM en langue bureaucratique), engin qui vous sert chaque matin à vous rendre au turbin. Ce deux-roues (à « moteur à explosion », comme on disait), vous le gariez scrupuleusement, soit entre deux autos sur les emplacements payants par horodateurs (pour une fois, c’était une idée bienvenue de la part de notre édile que cette tolérance de simple bon sens), soit sur les épis dédiés, quand par miracle il restait une place libre (il en faudrait le triple). 

Mais voilà ! Depuis le 1er septembre 2022, vous déplacer en 2RM dans Paris intra- muros est devenu une pénitence rançonnée : pour stationner, 2 ou 3€ de l’heure selon l’arrondissement –  allez savoir en vertu de quels critères. L’hydre municipal se targue d’un tarif moitié moindre que celui acquitté par les bagnoles. Ne lui en déplaise, primo si l’on achète un 2RM c’est, souvent, faute d’avoir les moyens d’acquérir et d’entretenir une voiture. 

La moto ou le scooter, c’est aussi le véhicule du pauvre. Qui dit voiture à Paris dit nécessairement place de parking (140€ par mois au bas mot, à la location) : la majorité des Parisiens s’en passe donc. Deuxio, le deux-roues, bien moins cher à assurer, infiniment moins gourmand en carburant, signifie mobilité, souplesse, rapidité. Du moins, au cœur d’un trafic saturé par les quatre roues (issus de banlieue pour la plupart, ils n’ont pas le choix) et des voies dévolues au vélo qui ont poussé comme le chiendent. Voyez la rue Rivoli : trois couloirs cyclistes en parallèle, un seul pour les bus, taxis et la desserte locale. Un enfer.  Sans compter l’invasion des trottinettes et autres machins roulants prétendument « alternatifs » qui, eux, circulent de façon anarchique, sont abandonnés sur la voie publique, constituent un péril constant et jamais sanctionné. À l’inverse, une moto, ça circule sur des parcours strictement balisés. Et au moindre écart, la prune tombe. 

Opération de communication d’Anne Hidalgo à vélo, juillet 2019 © ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Le Parti écolo-facho aux manettes ne connaît rien à la vie des pauvres – souvent les jeunes. Ceux-ci s’en sortent, justement, parce qu’une petite moto ou un scooter, c’est économique et pratique. Leur usage ne coïncide en rien avec celui d’une auto. Outre qu’il fait gagner beaucoup de temps, le 2RM vous évite d’attraper le Covid, la grippe ou la gale dans des transports en commun dégradés et congestionnés. C’est à ce peuple-là que le Soviet de Paris s’attaque, avec un cynisme terrifiant.  

Ce n’est pas tout : la bureaucratie rose-rouge prétend, de surcroît, taxer le 2RM d’une gabelle exorbitante, dite « résident » : abonnement à 22,50€ l’an, 45€ pour trois ans. Usure propre à ré- irriguer la trésorerie à sec de la ville la plus endettée de France. Pire, si par malheur vous êtes « visiteur » (sic), c’est-à-dire si vous n’avez pas le privilège de loger dans Paris intra-muros, vous voilà puni d’un octroi démentiel : de 25€ à 37,50€, selon la zone (pour encore plus de commodité, le montant varie selon l’arrondissement). Six heures de stationnement maxi ! Au-delà, le banlieusard qui « visite » Paris se met en infraction. Qui peut payer près de 40€ par jour pour poser son deux-roues en ville ? 

Quatre siècles que Paris n’a plus de murailles (hors le périph). Cette chefferie inconséquente érige un nouveau Mur des Fermiers généraux, numérique celui-ci. Aurait-elle oublié que la Révolution française est partie de là ?    

La clique à l’œuvre n’y va pas du dos de la cuiller. Car une fois payé son abonnement « résident » –  obligatoire ! – le détenteur d’un 2RM est tenu de raquer 0,75€/jour sauf le dimanche pour stationner en bas de chez lui (ou 4,50€ par semaine). Calcul fait, il se rend à l’évidence : à ce tarif, son 2RM, quelle utilité ? Il n’a plus qu’à le mettre dare-dare en vente. S’il trouve preneur ! Résultat, les motards (il y en a 450 000 à Paris), depuis l’oukase du 1er septembre, bradent en masse leur 2RM.  Le couteau sous la gorge. 

Le bougre songe alors à se reporter vers l’électrique – obéissant en cela, à ses dépens, au vœu municipal.  Puisque l’électrique (dit « 2RM basse émission », en sabir bureaucratique) s’il faut en croire le Soviet, c’est gratos. O motard, tu n’as pas bu la lie du calice ! Car d’abord, il te faut l’acheter, ce scooter électrique. Pas donné. Beaucoup plus onéreux que le « thermique ». Oui, on sait, il y a des aides. Reste que le marché de l’électrique est tout sauf mûr : très peu de modèles disponibles. Et à des prix pour la plupart inaccessibles au commun des mortels.  

On vous garde le meilleur pour la fin. Gratuit, vraiment, l’électrique ? Là encore, l’usine à gaz concoctée par le Soviet édifie. Une fois votre « véhicule basse émission » (VBE) obligatoirement référencé, droit vous est acquis de stationner gratuitement « en surface, à Paris », exclusivement sur les emplacements dédiés.  Mais lisez la suite : « Attention ! (sic ) il faut (je souligne) prendre un ticket quotidien sur les applications mobiles ». Et ensuite : « 1 à 6 jours pour le stationnement résident ou pro dans les zones autorisées, quotidien pour le stationnement en dehors de ces zones ou le stationnement visiteur ». Puis, en rouge, le Soviet précise : « il faut donc avoir accepté la transmission des données personnelles dans le service numérique ». 

En clair, l’heureux détenteur d’un 2RM – VBE est, chaque jour que Dieu fait, pisté par le Soviet. Tenu qu’il est de disposer à tout moment d’un smartphone sur lequel actionner son ticket quotidien via l’application mobile ! Jusqu’à présent, on se garait sagement sur les emplacements autorisés, et basta. Autre époque : désormais, le Soviet sait, au millimètre, en temps réel, 24h sur 24, où tu as posé ton 2RM -VBE.  Question : tu t’absentes une petite quinzaine à l’étranger, tu fais quoi ? Tu actionnes ton ticket-jour depuis ton portable, à 3000 km de distance ? Tu pars en vacances une semaine dans les montagnes cévenoles, tu fais quoi ? Tu fais léviter ton engin par téléportation ? Interrogée, une préposée a la réponse : « vous demandez à un ami de déplacer votre moto. Au-delà de 6 jours, vous êtes en infraction et risquez l’enlèvement du deux-roues ». 

Dans la panique, tu cherches la solution.  Mettre ton 2RM-VBE dans un box avant de faire ta valoche ?  Là encore, le Soviet a tout prévu : si tu optes pour un abonnement dans un « parc de référence » (sic) c’est-à-dire dans un garage partenaire « affilié au dispositif Pass 2RM » (sic) ça te coûte, tiens-toi bien fort à la rampe, entre 770€ et 990€ l’an, selon l’arrondissement où tu crèches. Une paille ! Résultat, depuis septembre, les locations privées de parking partagé pour 2 roues explosent, trois fois moins chères que via le Soviet. Éliminés sur leur propre champ de bataille, les stratèges de l’écologie punitive devront s’accommoder du réel : il leur revient en boomerang.  

Le peuple de Paris, ou ce qu’il en reste, car voilà dix ans qu’il fuit en nombre sous l’amoncèlement des contraintes, en a ras le pompon des « mobilités douces ». Il pressent que, sous la férule d’une sombre pythonisse –  Michel Foucault ne se trompait pas ! – la société de contrôle est à l’œuvre ; que, sournoise, l’hydre horodatrice soumet la capitale française à son despotisme d’airain, aveugle à tout ce qui rendait jadis Paris délectable, unique entre toutes les villes du monde, et qu’elle fait consciencieusement s’évanouir : cette insouciance, cette alacrité, cette forme d’anarchie joyeuse dont sa beauté sans pareil était l’emblème et le reflet.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Abécédaire de la laideur contemporaine (A-O)
Article suivant Montluçon: curieux rendez-vous chez le pédiatre

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération