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Lettre à tout le monde sur n’importe qui


Mea maxima culpa ! Julien avait raison : Pierre Desproges n’a jamais dit « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui », mais seulement « … pas avec tout le monde ». Nuance !

« Ca change quoi ? » diront certains esprits légers (que je salue au passage). Eh bien désolé, mais en l’occurrence ça change tout, esprits légers que vous êtes ! Dans le vague « tout le monde », il n’y a pas trace du mépris qui suinte du « n’importe qui ».
Or la tradition orale dont on nous tympanise depuis plus de vingt ans insiste unanimement sur ce « n’importe qui » desprogien, y compris la presse commémorative que j’ai colligée pour vous servir.

Bref, maintenant que j’ai reconnu mon erreur, permettez-moi d’expliquer en un mot (comme en cent) pourquoi j’ai eu raison d’avoir tort.
Qu’est-ce qui compte le plus pour la postérité, d’après vous ? Une phrase authentique et oubliée, ou un apocryphe devenu canonique ?
Henri IV n’a jamais dit « Paris vaut bien une messe ! », ni Louis XIV « L’Etat c’est moi ! », ni même Sarkozy « Si tu reviens j’annule tout. » Ça n’empêche qu’on les résume volontiers à ces formules controuvées. Tout le problème est de savoir si ces faux-là traduisent quelque chose de vrai.

Dans l’affaire Desproges en tout cas, je réponds oui sans hésiter à ma propre question. Et pour le prouver, rien de tel que de replacer la phrase dans son contexte, n’est-ce pas ?

Donc « recontextualisons » ! Il en restera toujours quelque chose…
Et d’un, Desproges s’adresse au Pen, qui n’est pas exactement M. Tout le Monde, surtout en 1984. Et de deux, l’humoriste cite trois exemples de « méchants » avec lesquels il n’aurait pas envie de rire. Or parmi ceux-ci deux sont purement virtuels : sauras-tu deviner lesquels ?

1. les « staliniens pratiquants » (une race alors déjà éteinte en France – et même en URSS, maintenant que j’y pense) ;
2. les « terroristes hystériques » (qu’on se le dise ! Desproges ne plaisantait qu’avec les terroristes équanimes, voire ataraxiques…) ;
3. les « militants d’extrême droite » (qui, on l’aura noté, n’ont même pas besoin d’une épithète péjorative, tant la diabolisation va de soi).

Tu as coché la case 3 ? Bravo ! Mais ne juge pas pour autant Pierre… Le talent n’interdit pas le besoin de reconnaissance – même s’il passe sous des fourches caudines.

En tant qu’anar de droite contrarié par l’époque, notre P.D. a cru avoir besoin de ce brevet d’antifascisme à deux balles. Et qui sommes-nous pour juger ce gland ? Après tout il faut bien vivre, comme disait le mec juste avant de crever.



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