Il me semble que le long conflit du JDD, sa parution avant la date prévue et les critiques que son contenu a suscitées justifient qu’on revienne sur l’étrange climat intellectuel et médiatique qui règne en France.
Je ne peux pas m’en tenir à mon billet du 8 juillet ayant pour titre : « Avoir plus d’humeurs que de convictions, un drame ? » Je suis infiniment sensible au malaise que je perçois et qui relève presque, le terme n’est pas trop fort, d’une guerre civile sur le plan des idées et de la dégradation du débat démocratique. Sans doute à cause du registre judiciaire qui m’a marqué et m’a rendu insupportable l’absence d’une authentique contradiction et le caractère totalitaire des idéologies.
Il est en effet clair que la pensée conservatrice telle qu’elle se développe depuis quelque temps, avec une assurance et souvent un talent indéniable, constitue un système de valeurs très structuré, une vision de la France, de la société et du monde suffisamment précise et articulée pour qu’on puisse avoir parfois l’impression d’un discours niant toute alternative.
C’est sans doute sur ce point que je me sens déphasé par rapport à cette conception de la vie intellectuelle et à sa traduction médiatique. Je n’ai jamais pu considérer qu’il y avait des idées si impérieuses dans leur justesse qu’elles coupent court à toute discussion. L’idée est ce qui peut et doit être contredit, parfois pour retrouver une vigueur renouvelée.
Cette approche n’est en rien battue en brèche par ce qui se rapporte à une défense salubre et nécessaire de toutes les hystéries que, dans la forme, on déverse sur Vincent Bolloré et les médias dépendant de Vivendi, notamment CNews. Et plus globalement, sur cet insupportable culot de refuser de se satisfaire d’un progressisme qui va d’un Mélenchon délirant au quotidien Le Monde d’une partialité distinguée, en passant par Libération et Mediapart qui ne font même plus semblant de respecter ce qu’il faut d’honnêteté pour une information crédible ! Comment par exemple ne pas faire un sort à la dérision honteuse de Nejma Brahim (Mediapart) sur les JMJ, au prétexte d’Eric Zemmour et du JDD ?
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Il y a un devoir de réactivité dont je ne surestime pas l’importance mais qui au moins apporte sa pierre à cette lutte contre les ignominies banales… Je m’honore d’avoir modestement mais constamment pourfendu ces donneurs de leçons et ces cracheurs de feu se complaisant à avoir, pour l’éternité, leurs mêmes coupables et leurs mêmes victimes.
Mais une fois cette mission accomplie, on a le droit d’exiger davantage de la droite et de l’extrême droite médiatiques (puisqu’il semble que ce terme simpliste, se substituant à l’argumentation même minimale et ne signifiant plus rien car mis à toutes les sauces, soit devenu courant) que la seule volonté d’opposer leur bloc au bloc de la gauche et de l’extrême gauche subtilement ou ostentatoirement dominant dans la plupart des médias.
Une telle démarche peut donner certes l’impression d’une victoire conjoncturelle et faire du bien grâce à une résistance bienvenue surgissant après un trop long hiver mais elle ne pourra pas constituer un exemple pour la liberté de l’esprit. Il faut prendre garde au fait que rien ne ressemble davantage au conformisme de gauche que le conformisme de droite, l’obsession de ne jamais dévier de sa ligne gommant les différences de fond. Si on veut bien définir le conformisme comme le discours obligé que prescrit la logique partisane contre les dangereuses surprises que l’exigence de vérité risque d’engendrer…
Ce n’est pas parce que la gauche et l’extrême gauche, sur les plans politique, culturel et médiatique ont pris les devants pour s’offrir une hégémonie dont la récusation était quasiment un péché mortel, que la cause conservatrice doit adopter le même processus hémiplégique. Il ne faut pas qu’elle traite, de manière lassante, des mêmes thèmes : l’immigration et l’identité sont certes des problématiques essentielles mais la pensée politique et les desseins opératoires ne tournent pas qu’autour d’elles. En tout cas il ne faudrait pas qu’elles stérilisent les réflexions de droite prêtes à s’aventurer ailleurs.
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Il y a mille manières d’avoir raison : les pires ne convainquent pas quand elles n’ont écouté personne et qu’elles sont parfumées de cette arrogance que j’ai trop souvent perçue chez nos adversaires pour ne pas en redouter l’apparition dans notre monde.
J’ajoute que l’esprit d’ouverture est aussi et surtout de tenter, voire de mener à bien des sorties hors de son camp en ne stigmatisant pas par principe, comme étant des vents mauvais, les influences dont d’autres pensées complexes, même fortement engagées, pourraient nous enrichir. Probablement serions-nous les seuls à user d’une telle intelligence et de l’autre côté nous ne serions certainement pas suivis ? Et alors…
Il serait dramatique que droite et extrême droite médiatiques, à force de prévisibilité, suscitent le pire des effets, l’ennui, réservé jusqu’à aujourd’hui aux sempiternels propos progressistes ne se questionnant jamais eux-mêmes et sourds aux apports extérieurs. Combien de fois, face à certains débats, la fatigue est quasiment immédiate parce que le citoyen, le téléspectateur savent au mot près ce qui sera dit ! L’écoute n’est pas interdite qui laisse un peu de place à la présence d’autrui dans son propre univers.
À la conclusion de ce billet, je devine le reproche que d’aucuns ne vont pas manquer de m’adresser. En confondant mon adresse bienveillante aux conservateurs largement entendus avec un vague centrisme, une molle tiédeur alors qu’elle aspire à être exactement l’inverse : une force intellectuelle, une défense sans relâche, une inventivité permanente si sûres d’elles-mêmes qu’elles n’ont pas peur d’ouvrir leurs fenêtres au grand air.
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