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Les vœux du commentateur

Le billet de Dominique Labarrière


Les vœux du commentateur
Voeux à la télévision du président de la République, 31 décembre 2024 © Jacques Witt/SIPA

Lors de ses vœux, entre un mea culpa rapide et des promesses de référendum sans jamais dire le mot, le président Macron a prouvé qu’en politique il faut parfois savoir danser le moonwalk: avancer en reculant.


On attendait la prestation. On se disait : « Que trouver encore à dire quand on n’a plus guère la main sur rien ? » Certes, on connaissait le goût du président pour l’oralité. Nous avons eu des heures et des heures de discours au fil des sept années de sa présence à l’Élysée. Mais chaque fois, nous pouvions nous dire que les mots que nous entendions avaient une chance de s’inscrire dans le réel, dans la vie politique, sociale du pays. Mais là ? Là, dans ce moment crépusculaire de fin de règne, qu’inventer, quelle formule saillante fourbir pour, non pas soulever l’enthousiasme, mais seulement espérer susciter l’intérêt ?

Le président a choisi une stratégie. Il s’est fait commentateur. À la manière de ceux que nous avons à la télévision et qui, d’une voix off, nous racontent ce que l’image nous montre. C’est ainsi que le président nous a proposé une sorte de film des grands moments de l’année, les commémorations du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement, en juin, puis la grande parenthèse enchantée des Jeux Olympiques de cet été, et enfin la réouverture fastueuse, splendide, émouvante de Notre-Dame. C’était beau, vraiment. « Impossible n’est pas français », commenta le locuteur. On ne le voyait pas à l’écran, preuve s’il en est que l’heure était bien, comme l’Élysée en avait fait courir le bruit dans la journée, à l’humilité. Suivit de près une exhortation, de celles qu’on entend traditionnellement dans la bouche de chef au réveil du camp scout : « Restez unis, déterminés, solidaires. » Là, probablement, étions-nous quelques-uns à attendre une marque de solidarité, justement, avec nos otages encore détenus par le Hamas et notre écrivain Boualem Sansal, arbitrairement emprisonné dans les geôles algériennes, agressions qui constituent, qu’on le veuille ou non, une grave humiliation pour notre pays. Mais l’humilité et la lucidité en ce soir de vœux présidentiels n’allaient pas jusque-là, de toute évidence.

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Commentateur, le chef de l’État se le fait encore – mais bien visiblement cette fois – pour aborder la dissolution de l’Assemblée nationale et ses très regrettables conséquences. Cela n’a pas donné le résultat escompté, constate-t-il dans une esquisse de mea culpa. Sous-entendu « J’ai redonné la parole aux Français, et voilà ce qu’ils en ont fait. » (Là, on se dit qu’on ne le changera jamais tout à fait…) À ceci près que, la parole, les Français venaient de l’avoir aux européennes et on ne voit pas très bien comment ni pourquoi ils se seraient exprimés dans un autre sens. Cependant, cette parole précisément, il n’exclut pas de nous la redonner afin que « chacun d’entre nous étant utile », puisse « trancher telles ou telles questions ». Referendum ou convention nationale, c’est-à-dire parlotte grand format et à peu près inutile ? Cela reste flou.

Redonner la parole au peuple pour un référendum n’est évidemment pas sans risques, vu le niveau de cote dont l’intéressé dispose désormais dans l’électorat. Mais peut-être bien, que, amateur de théâtre – et de théâtralité – comme il l’est, il se verrait bien un destin à la De Gaulle afin de sortir malgré tout du jeu avec une once de panache. Poser une consultation, la perdre et replier ses gaules pour se retirer sous sa tente au Touquet ? Cela aurait certes meilleure allure qu’une destitution ou un limogeage quasi constitutionnel. Est-ce à un scénario de ce type qu’il songeait en évoquant la nécessité de mettre de l’audace dans les décisions en 2025 ? On ne peut savoir. Les choses restent peu claires aujourd’hui comme hier. Les vœux, il est vrai, étaient courts, plus courts que les fois précédentes. Et l’année qui vient sera longue. Bien longue. Au Vive la République, Vive la France de la fin, on se prenait à se demander si, de nous ou du président, ce n’était pas ce dernier qui était en plus grand besoin de bons vœux pour ces douze mois.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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