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Les Verts entendent «dégenrer» les cours d’écoles

« Débitumiser, dégenrer, végétaliser et potagiser... »


Les Verts entendent «dégenrer» les cours d’écoles
Eric Piolle © ALLILI MOURAD/SIPA Numéro de reportage: 00970154_000036

Les cours de récréation sont accusées par les élus EELV d’être conçues pour favoriser les activités des garçons, au détriment des filles. Avec leur sens des priorités bien connu, les mairies vertes entendent y remédier.


Alors que les dernières élections municipales ont montré à quel point notre démocratie était malade et à quel point le président qui devait la renouveler était rejeté, les commentateurs ont essayé de faire croire à un phénomène politique émergent : l’existence d’une vague verte, alors que les chiffres montrent à peine un clapotis. Du coup, puisqu’en politique, ce qui est cru peut fort opportunément occulter ce qui est réel, Europe-Ecologie-Les-Verts entend bien occuper le terrain qui lui est ainsi cédé et mettre en avant ses solutions pour l’avenir. Histoire de prendre date, comme on dit. Le parti veut donc mettre en avant ses expériences innovantes.

L’aménagement urbain comme moyen de rétablir l’égalité femmes/hommes apparait pour ce qu’il est: une escroquerie intellectuelle

La dernière en date : les cours d’école « dégenrées ». Selon Eric Piolle, maire écologiste de Grenoble : « Les cours d’école de nos enfants ressemblent à des parkings en bitume, brûlantes en été et trop réservées aux pratiques des garçons. La solution : débitumiser, dégenrer, végétaliser et potagiser! ». On ne sait pas trop si cela signifie que les femmes appartenant plutôt à la nature et les hommes à la culture – selon d’anciennes distinctions genrées – créer un potager au centre de la cour devrait les amener à réoccuper l’espace le plus visible. Et puis le potager, c’est l’étape avant la cuisine. Cela permet aux filles de s’adapter en douceur à leur futur biotope. À moins que la fille relevant de l’espace domestique, elle ne puisse trouver son bonheur qu’en faisant de la décoration végétale d’extérieur. En tout cas il est manifestement impensable qu’elle puisse aimer les jeux de ballon.

La stupidité le dispute à l’inefficacité

Autre problème, d’après la lecture « genrée » de la cour d’école, les garçons en occuperaient le centre et les filles, la périphérie. Or cette vision qui voit ceux qui sont en périphérie comme écarté du pouvoir ne serait-elle pas affreusement masculino-genrée ? la position de l’observateur est souvent décentrée, décalée pour être plus pertinente et recueillir le maximum d’informations. Le pouvoir ne s’exhibe pas toujours, et se décentrer peut être plein d’avantages. Mais surtout cette vision est marquée par un manque de nuance et de finesse qui amène à des positions politiques dont la stupidité le dispute à l’inefficacité. Il suffit de lire la présentation de cette question dans un organisme de formation pour élus à visée progressiste, monmandatlocal.fr. Au moins la présentation assume-t-elle sans complexe généralisation hâtive et simplification abusive : « La ville est faite par les hommes, ce qui a pour conséquence d’en faire un espace dédié aux pratiques masculines. Cela n’est pas surprenant dès lors que l’on considère que l’urbanisme reflète notre société et consiste en fait en la prescription inconsciente des rôles genrés. »

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Or pour qui est femme, le problème n’est pas tant l’urbanisme que l’éducation des hommes et leur environnement mental. Selon que ceux-ci ont été élevés et ont grandi dans un milieu pour qui l’égalité en dignité humaine et en droit des êtres humains est la base, ou selon qu’ils se sont construits en estimant qu’un sexe doit dominer l’autre, les réalités que les femmes auront à affronter seront différentes. Refuser l’égalité aux femmes, c’est en faire d’éternelles mineures, à jamais propriété de leurs pères, frères ou époux. C’est cette infériorité qui explique que dans certains quartiers seuls les hommes occupent l’espace public. Etant vouées à l’intime, les femmes n’ont rien à faire dehors. En revanche ce constat ne se vérifie pas partout, il suffit de se promener au cœur de Paris. Face à cette réalité, l’aménagement urbain comme moyen de rétablir l’égalité femmes/hommes apparait pour ce qu’il est : une escroquerie intellectuelle qui permet aux politiques de se laver les mains des droits des femmes tout en revendiquant un investissement féministe. Ils élèvent la tartufferie au rang d’art.

À Paris, les mêmes voulaient élargir les trottoirs

C’est ainsi que la recommandation de certaines féministes françaises, confrontées au harcèlement de rue que subissaient les femmes aux alentours de la Porte de la Chapelle – harcèlement lié à la présence de migrants et d’hommes éduqués dans un milieu où la femme n’est pas l’égale de l’homme mais sa servante ou sa proie – fut de proposer que l’on élargisse les trottoirs… Or le problème venait de mentalités archaïques, inadaptées à nos libertés civiles et réactivées par la montée d’un islam politique qui a fait du refus de l’égalité de la femme, le cheval de Troie de son attaque contre la démocratie et la laïcité. On voit donc que pour défendre l’égalité femme/homme, il ne suffit pas d’arracher le bitume des cours d’école. La dégradation de la condition de la femme dans certains territoires est d’abord liée à la réalité de sa condition d’inférieure dans la plupart des pays d’Afrique ou du Maghreb et est encore accentuée par l’emprise croissante d’une idéologie politico-religieuse qui la considère comme impure, fait du refus de l’égalité une prescription divine et lui demande d’exhiber son acceptation de sa condition inférieure par le port du voile.

Or ces exigences qui pèsent sur certaines catégories de femmes ne cessent de se renforcer. C’est cela qui devrait poser question aux politiques. Mais justement, sur ce dossier faire preuve de courage est coûteux, surtout en matière de clientélisme.

De la poudre aux yeux

Voilà pourquoi Eric Piolle « dégenre » à tout va à coups de pelleteuse, mais confronté à une offensive liée à l’islam politique et s’attaquant directement à l’égalité entre les hommes et les femmes dans sa ville, il s’est révélé parfaitement veule. En effet, Grenoble a été la cible de ces activistes d’Alliance citoyenne qui, de d’Aubervilliers à Lyon, essaient d’imposer le port du voile partout et jusque dans les bassins. Leur combat visant à installer par la force et le refus du règlement le burkini dans les piscines publiques a été très médiatisé et, là, le maire n’a rien eu à dire sur le sexisme revendiqué par ce signe qui fait de la femme un être sale et inférieur.

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Tout comme les écologistes politiques trichent en faisant du nucléaire, le mal absolu alors que les trajectoires identifiées par le GIEC pour lutter contre le réchauffement climatique s’appuient sur une part de nucléaire dans la stratégie énergétique, l’écologie politique se fourvoie en croyant qu’elle fera progresser la cause des femmes en réaménageant les espaces urbains et en faisant la promotion de l’écriture inclusive. Le pire c’est qu’elle le sait parfaitement et c’est justement parce qu’elle a renoncé à mener la lutte pour l’égalité qu’elle s’achète une conscience en tenant un discours sur le genre. Et si pour EELV la volonté de « dégenrer », loin d’être une étape dans la lutte pour l’égalité, n’en symbolisait que l’hypocrite abandon ?

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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