Mais qu’allait-elle s’extraire de cette galère ? Libre, Ingrid Betancourt est en train de tout gâcher. Ses adorateurs les plus éclairés ont été profondément désorientés par ses déclarations. Pour l’heure, un flot de communiqués submerge encore écrans et kiosques. Mais passées les festivités de la Libération (la sienne, pas la blague de 1944…), la question ne manquera pas d’être posée : l’icône a-t-elle trahi ses fidèles ?
Il était tard dans la nuit et dans la jungle – colombienne qui plus est. On pouvait donc, on devait même, mettre sur le compte d’une joie pour le moins hallucinée ses premiers mots : « Accompagnez-moi d’abord pour remercier Dieu et la Vierge ! » Ce qui fut fait, amen. Radieuse et déterminée, l’otage la plus célèbre au monde voulu dire ensuite toute sa gratitude aux militaires : « Merci à l’armée de ma patrie ! » Après le goupillon, le sabre… Nul doute que, de Libération à Charlie Hebdo, la « victoire » aura pris, cette nuit-là, un goût quelque peu saumâtre.
Mais le meilleur, c’est-à-dire le pire, était encore à venir. Bien vite, en effet, l’aile alter mondialiste de l’église voyait, à son tour, le calice présenté à ses lèvres : non seulement le gouvernement colombien avait invité le candidat John McCain, afin qu’il fût aux premières loges au moment de la libération des otages (dont trois Américains), mais de surcroît on apprenait que des experts yankees – et peut-être même israéliens ! – avaient participé aux préparatifs de l’opération. Ainsi donc, celle qui sur l’autel de « la gauche de la gauche » se logeait gracilement entre Michael Moore, Mumia Abu-Jamal et le Che, était libérée au plus grand profit du candidat de la famille Bush. « Doux Jésus ! », s’est-on étranglé dans les rangs du NPA.
Au siège du Parti socialiste, on peut au contraire imaginer un silence assourdissant quand « Ingrid » remercia le Diable avec la même ferveur qu’elle avait remercié le bon Dieu : « Je veux dire merci au président Sarkozy qui a tant lutté pour moi… » Et ce dernier, entourés des enfants de « Maman » et de ses proches de triompher modestement, en soulignant le rôle qu’il estimait avoir tenu, « au nom de la France », dans cet heureux dénouement. Puis, toujours « au nom des Français », il embrassait par satellite la belle captive dont toute la nation attendait le retour. Satisfaction supplémentaire pour le chef de l’Etat mû en chef d’orchestre : il s’offrait le luxe de saluer les efforts de Hugo Chavez – et pan ! pour Le Monde Diplo –, du chanteur Renaud, et du ci-devant french doctor et ministre d’ouverture, Bernard Kouchner. Après avoir difficilement dégluti, car de Colombie ne nous viennent pas des couleuvres mais des boas, la direction du PS sacrifia cependant au rituel du communiqué : chacun alla donc de sa déclaration, disant sa tantôt « joie », tantôt sa « fierté ». Mais le coup (médiatique) était fichtrement rude. Trop pour Ségolène Royale : « Tout le monde le sait, c’est une opération colombienne rondement menée. (…) En l’occurrence, Nicolas Sarkozy n’a été absolument pour rien dans cette libération. » Inutile. Et trop tard. Rien n’empêcherait le Président d’accueillir « Ingrid » à son arrivée à Paris, ni cette dernière de lui tomber dans les bras devant les caméras. Embrassons-nous, Libreville !
Grâces à Dieu, à l’armée et au bien-aimé Sarkozy ? En vérité, je vous le dis, la libération d’Ingrid Betancourt ne pouvait être plus proche du cauchemar pour la gauche. Enfin, à bien y réfléchir, si : elle pourrait maintenant accepter une mission internationale à la demande du Président. Ou entrer dans son gouvernement. Bref, camarades, il va falloir chercher ailleurs des raisons de rêver et d’espérer. Et se trouver une autre icône. Voyons… Barack Obama ? Pourquoi pas. Le temps que les médias se souviennent qu’il n’a jamais cessé d’échanger des compliments admiratifs avec un certain Nicolas Sarkozy.
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