Les débats parlementaires ont un côté littéraire. Dans la mesure où ils rappellent les Fables de La Fontaine.
La culture serait moribonde en France ? Farce ! Antienne saumâtre de réacs ! Il suffit de se tourner du côté de L’Assemblée nationale pour que cette idée reçue, rebattue par le camp du déclin, soit aussitôt démentie. Tous les jours, en effet, on nous propose au Palais Bourbon de réjouissants spectacles qui perpétuent la tradition de la commedia dell’arte.
Ces derniers temps, c’est même au Grand Siècle que les députés du RN et de LFI ont rendu un hommage appuyé. Soucieux d’égayer les Français, moroses, ces parlementaires ont adapté, non sans talent, la fable de La Fontaine : « Le Chat et un vieux Rat » (Fable 18, Livre III). C’est, du reste, l’Assemblée dans son ensemble qui s’est associée à cette entreprise récréative. Il se murmure même, dans les milieux autorisés, que Fabrice Luchini, à l’heure actuelle sur la scène du Théâtre Montparnasse où il donne « La Fontaine et le Confinement », aurait soufflé cette idée à nos parlementaires.
Jeudi 24 novembre, donc, se tint à l’Assemblée la niche parlementaire de LFI (gent souriquoise de notre fable). On s’en souvient, LFI avait retiré sa proposition d’abolition de la corrida au profit de celle de la réintégration des soignants non vaccinés qui avait, selon les Insoumis, plus de chance d’être adoptée. La France est le dernier pays d’Europe à ne pas avoir réintégré ses soignants non vaccinés, qu’on se le dise. LFI proposait d’assujettir cette réintégration, sur laquelle il convient effectivement de s’interroger alors qu’on manque de personnel soignant, à un protocole sanitaire comportant le port d’un équipement de protection strict et la présentation journalière d’un test Covid négatif.
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Le show put alors commencer : le camp présidentiel multiplia les amendements pour empêcher l’examen de ladite proposition de loi. Comme plusieurs élus ultramarins mobilisés en faveur du texte commençaient à être irrités par ces grossières manœuvres dilatoires, l’élu guadeloupéen, Olivier Serva, finit par lâcher au groupe Renaissance un : « Tu vas la fermer ! », cathartique pour cet homme excédé, jubilatoire pour le public. Bien sûr, cette séance épique, n’accoucha pas même d’une souris mort-née.
Mardi 29 novembre, Mathilde Panot, la présidente des députés LFI, demanda que la proposition de loi soit de nouveau inscrite à l’ordre du jour lors d’une semaine de l’Assemblée réservée aux initiatives parlementaires. C’est alors que les députés RN, sous la houlette de leur patronne, Marine, adoratrice de la gent féline, entrèrent en scène :
J’ai lu, chez un conteur de fables
Qu’un second Rodilard, l’Alexandre des chats,
L’Attila, le fléau des rats,
Rendait ces derniers misérables.
J’ai lu, dis-je en certain auteur,
Que ce chat exterminateur,
Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde.
Marine Le Pen, donc, inscrivit à la niche de son groupe, en date du 12 janvier, la discussion du texte proposé par La France Insoumise. Elle invita à reprendre l’examen du texte là où il s’était arrêté le 24 novembre, plaçant ainsi ses opposants dans une position délicate. « J’ai l’impression que LFI n’est pas ravi de notre proposition, je le regrette » dit-elle à la presse, d’une voix contrite. Un point pour les chats :
Comme il voit que dans leurs tanières
Les souris étaient prisonnières,
Qu’elles n’osaient sortir, qu’il avait beau chercher,
Le galand fait le mort, et du haut d’un plancher
Se pend la tête en bas : la bête scélérate
À de certains cordons se tenait par la patte. […]
La France insoumise ne s’avoue pas, pour autant, défaite par les félins et leur chef madré. LFI refuse, bien évidemment, de « faire le jeu du Rassemblement national ». Piégé par Marine Le Pen, LFI a immédiatement annoncé qu’elle retirait son texte. « Les soignants suspendus n’ont pas vocation à servir les coups de communication du Rassemblement national », a écrit le groupe Insoumis dans un communiqué diffusé mercredi dernier. « Nous condamnons fermement les mensonges visant à faire croire à un accord entre La France Insoumise et Le Rassemblement national : il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’accord de notre groupe avec l’extrême droite ».
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De plus, les Insoumis annoncent « qu’ils déposeront une nouvelle proposition de loi co-signée avec les députés ultramarins de tous les groupes politiques qui le souhaitent ». Ils réclament que le texte soit inscrit dans les plus brefs délais à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale qui aura lieu le… 16 janvier. Mélenchon, surmulot d’élite embusqué, est à la manœuvre, conseillant ses troupes dans l’ombre :
Un rat, sans plus, s’abstient d’aller flairer autour :
C’était un vieux routier, il savait plus d’un tour ;
Même il avait perdu sa queue à la bataille. […]
Je soupçonne dessous encor quelque machine. […]
C’était bien dit à lui ; j’approuve sa prudence :
Il était expérimenté
Et savait que la méfiance est mère de la sûreté.
Pour la réintégration de nos soignants, pour l’instant, on repassera ! Sauf si la décision prise par la cour d’appel de Paris actant la réintégration d’une sophrologue de l’Institut Curie fait jurisprudence. Emmanuel Macron, de son côté, ne semble pas prêt à changer d’avis sur le sujet : « Au moment où l’épidémie revient, je ne suis pas persuadé, en tout cas, les comités ne vont pas dans ce sens, qu’il faut réintégrer ces personnels », a -t -il affirmé.
Le chef de l’Etat a décidé, lui, d’aller à l’essentiel. C’est pourquoi, frappant un grand coup, il a annoncé le 8 décembre la gratuité du préservatif à compter du premier janvier. La mesure était initialement destinée aux 18-25 ans. Pourtant, dès le lendemain de cette annonce fracassante, depuis Alicante et avec une audace folle, notre Résistant de la République a précisé : « Cette mesure, vous m’avez demandé de l’étendre aux mineurs. Banco ». Notre Précieux ridicule a conclu par cette phrase : « Sortez couverts, comme disent les grands auteurs ».
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