Intervenir ? Ne pas intervenir ? Se contenter d’une dénonciation de la répression ? Ce sont des questions difficiles qui se posent aujourd’hui à la France et aux autres puissances. Si tout le monde critique le gouvernement, les alternatives ne sont pas toujours très claires. Certes, le gouvernement a tardé à dénoncer les dictateurs, mais finalement, pas beaucoup plus que les autres.
La crise libyenne pose clairement la question du respect de la souveraineté nationale. En effet, comme l’a bien souligné Jacques Sapir, le droit d’ingérence est essentiellement le droit du plus fort à imposer sa loi à plus faible que lui. Quant à l’ostracisme, la mise au ban d’un pays, est-il véritablement la bonne solution ? L’isolation de la Corée du Nord ou de Cuba ne freine-t-elle pas au contraire l’évolution de ces pays vers la démocratie ? N’est-ce pas le contact avec des démocraties qui peut au contraire éveiller les peuples à la liberté ?
Certains disent que la France doit dénoncer les dérives des autocrates que nous recevons ou qui nous reçoivent. Mais les critiquer est parfois un moyen commode de s’acheter une conscience à bon compte, sans réellement agir en faveur des peuples qu’ils dirigent. Il n’est pas sûr qu’en parlant des droits de l’homme aux dirigeants chinois devant les journalistes nous contribuons à l’évolution démocratique de la société chinoise.
Entre un laisser-faire absolu, un respect religieux de la souveraineté et l’ingérence, il y a de la marge. La réception exceptionnelle du colonel Kadhafi en 2007 allait beaucoup trop loin. On peut recevoir un autocrate sans céder à tous ses caprices. En outre, au-delà du dialogue avec les autocrates on peut dialoguer avec les peuples, comme l’a su faire le général de Gaulle.
Une seconde chance pour L’UPM ?
Mais aujourd’hui, dans l’urgence de la guerre civile en Libye, l’heure n’est pas à la grande stratégie car la question d’une intervention est sur la table et chaque pays doit en prendre son parti, surtout ceux qui ont les moyens d’agir. Quelles critères donc pour une telle intervention ? Il faut d’abord que le peuple se soit déjà soulevé. Ensuite, un accord assez large de la communauté internationale (par exemple, le Conseil de sécurité de l’ONU) est une condition sine qua non. Mais finalement, comment éviter, dans le cas d’une ingérence « justifiée » répondant à tous ces critères, un engrenage dangereux où les plus puissants dictent la stratégie et décident de la sortie ?
Pour proposer un horizon politique et un cadre pour une éventuelle intervention, l’union pour la méditerranée, ce « machin » voulu par Henri Guaino et Nicolas Sarkozy, pourrait se révéler utile. Aujourd’hui, l’Europe devrait tendre la main aux pays arabes qui se libèrent des autocrates qui les dirigeaient. Comme l’ont fait les Etats-Unis à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, nous devrions proposer aux pays devenus de véritables démocraties un plan Marshall destiné à favoriser leur transition.
Ainsi les pays européens donneraient une prime à la démocratie et à la liberté, sans s’ingérer directement dans les affaires des pays arabes. Les pays dont les dirigeants respecteraient la transition démocratique bénéficieraient d’une aide économique leur permettant de limiter les troubles que toute transition génère, car, comme l’a souligné Hubert Védrine dans Marianne le processus de démocratisation sera long. Ce serait un immense message d’espoir envoyé aux pays arabes, une main tendue pour les aider.
Les pays européens ont déjà failli au rendez-vous de l’histoire en imposant une transition économique brutale aux anciens pays communistes. Qui osera se saisir de l’occasion qui se présente aujourd’hui ?
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !