Ainsi donc la maison UMP, écornée par les querelles d’egos et les chemins transversaux, retrouve une nouvelle identité de marque : « Les Républicains ». Un nom n’a rien d’anodin. Son choix est tactique et signifiant.
La toute nouvelle tripolarité de la vie politique française contraignait le parti à un stretching éprouvant. Souvent au risque du claquage. Ratisser à sa gauche les centristes tout en attirant à sa droite les frontistes. Il devenait urgent de s’extraire du piège UMPS du duopole complice. A travers cette mue identitaire, les nouveaux « républicains » s’élèvent déjà au-dessus de la mêlée, pour en incarner aussi désormais le front du même nom.
La belle affaire que le Front Républicain ! Il est celui que tous veulent conduire, la marche solennelle et télévisuelle en tête de laquelle tous veulent défiler. Contre la menace terroriste et obscurantiste de tout bord, il est l’arme morale absolue. Demain, il nous appartient.
Nous pourrions ergoter sur le holdup sémantique, le cambriolage lexical, le parasitage historique. Ne boudons pas notre plaisir. Les stratèges ont ainsi osé le « coup du coucou ». De façon inspirée. La manipulation est délicate. Elle consiste à déposer une partie de ses œufs dans le panier du voisin, pour qu’il en assure la couvée. A son détriment, bien évidemment. Depuis toujours, le gros œuf de la République est à tous et pour tous. Capturons-le. En somme, c’est un peu comme si vous appeliez votre équipe : les gentils, les vainqueurs, les tolérants ou les vertueux. C’est un peu gros, mais ça passe.
Au-delà du coup du coucou
La réalisation de cette opération ne doit cependant exonérer notre camp d’une réflexion de fond sur la construction d’un projet réellement alternatif. En somme, nous attendons une vision pour notre pays, au-delà des « recos » apportées par les groupes « quali ».
Sur quoi reconstruire l’alternance ? Demain, devrons-nous continuer à subir les expérimentations sociétales imposées par les socialistes ? En campagne électorale puis au pouvoir, les entérinerons-nous, par esprit de confort et d’évitement ? Quelle offre alternative et réparatrice proposerons-nous ? La clarté de notre position sur ces sujets fondamentaux représentera dans les mois à venir un marqueur important. Demain aux affaires, offrirons-nous un mix de surconsumérisme individualiste débridé à la sauce Macron, verrouillé d’une touche d’hypersécuritaire identitaire et laïciste ?
Une pédagogie consolante mais exigeante
Ce changement de nom ne sera opportun que s’il offre l’occasion de déployer enfin une authentique pédagogie politique et historique. Et cela passe par le besoin de parler de la France.
Le succès de la boutique frontiste s’explique moins par son fouillis idéologique attrape tout, que par notre désertion de nombreux terrains, et en tout premier lieu celui du patriotisme.
Le Front National prospère et se nourrit de notre incapacité coupable à capter, nourrir et accompagner le besoin de proximité et d’enracinement de nos concitoyens, au-delà du périphérique parisien. Dans une société consumériste dépressive étreinte par une angoisse de déterritorialisation géographique mais aussi civilisationnelle et spirituelle, le besoin de consolation est devenu urgent.
Le Français déboussolé mais lucide attend de la part de ses leaders des messages de réconfort, de clarté, de pédagogie, et d’exigence dans la générosité.
La question de la paix et de la concorde civile s’inscrit déjà au cœur des enjeux de demain, à la lumière des fragmentations apportées par le quinquennat socialiste. Sous la férule socialiste, nous sommes chaque jour davantage « la plaie et le couteau ». Pourtant, face à la femen abreuvée de Charlie, au zélé musulman humilié par l’esprit de ce dernier, et à côté de l’opportuniste frontiste, un espace existe.
Faire aimer la France
Milan Kundera a dit un jour que « La France était le seul pays au monde dans lequel on apprend pas à aimer la France ». Il est temps d’apprendre à aimer et surtout à faire aimer la France, dans son identité assumée de vieux pays chrétien.
Dans les combats à venir, la question escamotée de l’identité nationale reviendra au centre du jeu. Conservons en mémoire la lucidité de Marc Bloch[1. L’étrange défaite (1940).], et sa fameuse dénonciation des « deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération ».
Nous voulons que notre famille des « républicains » de demain respire des deux poumons, et se distingue de la première catégorie définie par Bloch, celle du rejet du passé chrétien. Une famille qui pense que la France serait uniquement née de l’onction républicaine il y a un peu plus deux cent ans… Cette volonté d’enterrer l’humanisme chrétien au nom d’un idéal pseudo-républicain nous effraie.
Les valeurs baptismales « républicaines » ont malheureusement été celles invoquées pour massacrer nos concitoyens vendéens, puis plus tard, les indigènes algériens, à qui les hussards noirs de la République laïque interdisaient l’accès aux églises.… N’oublions jamais que le laïcisme « républicain » a nourrit la terreur révolutionnaire qui inspira en filiation directe les pires génocidaires du XXème siècle. A rebours, notre humanisme chrétien enfanta la laïcité puis les droits de l’homme.
Les chrétiens orthodoxes parlent de la laïcité en termes de symphonie, en décrivant le délicat équilibre entre temporel et spirituel.
Notre symphonie nationale passera par la célébration de notre histoire millénaire, en assumant notre identité et notre respiration sainement et positivement laïque, chrétienne et républicaine. C’est ainsi que nous attirerons, inclurons et apaiserons, par-delà le fait religieux qu’il nous faudra nécessairement mieux admettre.
Par la voix autorisée de nos programmes scolaires et de nos édiles médiatiques, nous avons souvent préféré moquer notre pays et travestir son histoire. En offrant à notre jeunesse une histoire sans racines, sans souffle et sans âme, battant sa coulpe, éteignant sa grandeur, … nous endiguons les promesses le rebond. Il est désécurisant d’aimer quelqu’un qui ne s’aime pas.
La jeunesse française, dans la générosité de sa diversité, a aujourd’hui rompu avec les obsessions libertaires de ses ascendants. Elle est en attente d’idéaux forts et de vision engageante. Or, l’idéal est vertical. Nos compatriotes ont moins confiance en la République qu’en la France. Les joueurs mouillent le maillot pour la France. Les soldats meurent pour servir la France. La France embrasse la République et non l’inverse. La vocation à l’universel de notre patrie est un fait, non démenti par les récents évènements autour de Charlie. Au-delà de nos frontières, et de nos imaginations, mystérieusement, la voix de la France est entendue et attendue.
Souvenons-nous de la sortie du Général De Gaulle en décembre 1965 lors d’un célèbre entretien à la télévision. « On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l’Europe ! « L’Europe ! », « L’Europe ! » mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. »
Clin d’œil de l’histoire, bientôt cinquante ans après cette saillie historique, et à la lumière des récents évènements, il serait consternant que l’exercice de la chose publique nous conduise à sautiller sur nos chaises comme des moutons en disant « Nous sommes les républicains ! Les républicains ! Les républicains ! ». Le pays mérite davantage.
Pourtant, comme nos cousins américains, nous serons donc « les républicains » de demain. Ce choix ne doit être celui du ripolinage. Il engage en exigence et en confiance.
C’est un peu comme dans les familles, lorsqu’une cousine excentrique, nouvellement maman, ose pour son enfant, le prénom trop exotique. Au début, la vieille tante tousse, les parents s’agitent mais très vite, les sourires et les promesses du nouveau-né emportent la sympathie de tous. Le coup est parti. Le risque est pris. Nous y consentons, pour l’unité et l’alternance.
Mais de grâce, n’oublions pas la France.
*Photo : ZIHNIOGLU KAMIL/SIPA/1411152031
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