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Les Républicains et les médias démocrates militent à présent pour une présidence Harris


Les Républicains et les médias démocrates militent à présent pour une présidence Harris
Pearl Harbor, 26 août 2021 © Evelyn Hockstein/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22599792_000012

Après la prise de Kaboul et les attentats de jeudi, Joe Biden est affaibli mais Kamala Harris est curieusement épargnée par les critiques qui fusent. Pourquoi?


Kamala Harris se trouvait à Pearl Harbour quelques heures après l’attentat aux abords de l’aéroport de Kaboul qui a fait des dizaines de morts et blessés, dont 11 marines et un infirmier de l’US Navy. Un symbole. La vice-présidente américaine qui terminait son voyage de cinq jours en Asie du Sud-Est évite autant que possible les questions concernant le retrait d’Afghanistan et même celles quant à l’attentat. De manière générale, les médias démocrates et les Républicains épargnent celle qui est la première dans l’ordre de succession présidentielle et concentrent leurs attaques sur Joe Biden, cachant plus ou moins leur volonté de voir Kamala Harris lui succéder rapidement. Chaque camp ayant son agenda politique.

Le lendemain du double attentat à la bombe près de l’aéroport perpétré le 26 août 2021 et revendiqué par l’Etat islamique, un Taliban sur les lieux, Kaboul, Adghanistan © WAKIL KOHSAR / AFP

La page de la Maison-Blanche n’indique pas le seul nom du président mais « The Biden-Harris Administration », reconnaissant une place inhabituelle à la vice-présidence. Kamala Harris occupe les premiers rôles dans la diplomatie américaine, elle prend notamment des appels importants en lieu et place de Biden. Mais ce sont le président, le secrétaire d’État Antony Blinken et Lloyd Austin, le secrétaire à la Défense, qui sont critiqués par médias.

Kamala Harris s’était mise en avant le 25 avril en déclarant sur CNN avoir sa part de responsabilité dans le choix du retrait d’Afghanistan. Lors d’un entretien avec Dana Bash, la vice-présidente avait assuré avoir été la dernière personne présente dans la salle lors de décisions importantes, notamment quant à la décision de quitter l’Afghanistan. Prétendant que Joe Biden avait pris là une décision pas forcément populaire, elle avait ajouté qu’il avait « une quantité de courage extraordinaire ». Désormais, Harris fait profil bas et montre d’une remarquable discrétion. Le 18 août, six jours après la prise de Kaboul par les Talibans, le New York Post constatait que la vice-présidente n’avait toujours pas fait d’apparition publique, n’était visible que sur des photos diffusées par la Maison-Blanche alors qu’elle se tenait jusque-là aux côtés de Biden à d’autres occasions. 

Le rire de Harris quant à l’Afghanistan ignoré par les médias qu’elle évite

Questionnée par une journaliste alors qu’elle s’apprêtait à embarquer pour l’Asie du Sud-Est, Harris ne l’a pas laissé terminer sa question portant sur les Américains en Afghanistan : après un éclat de rire, la vice-présidente s’est contentée d’une réponse évasive : « Attendez ! attendez ! Un peu moins vite… Ha ! ha ! ha ! Hum, je veux parler de deux choses. Premièrement, l’Afghanistan : nous ne saurions avoir de plus grande priorité en ce moment », avant de mentionner l’évacuation des Américains et des Afghans ayant assisté les États-Unis. Une réponse passée sous silence par la majorité des médias alors qu’elle a été largement critiquée sur les réseaux sociaux.

Ce que l’on retiendra du voyage de Harris, c’est notamment son propos, lors d’une table ronde à Singapour, conseillant d’acheter maintenant des jouets pour les enfants afin de les recevoir à temps pour Noël « en raison des histoires que nous entendons maintenant [et qui] nous mettent en garde »… La vice-présidente faisait là allusion à la pandémie de Covid-19. Elle s’est également exprimée sur le changement climatique, mais a évité autant que possible les questions des journalistes sur l’Afghanistan. Son équipe a expliqué que son voyage visait à mettre l’accent sur l’importance que le président accorde à l’Asie du Sud-Est. Là, également, son propos n’a été que très peu relayé et critiqué dans les médias.

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Peu avant l’escale à Hawaï de l’avion ramenant la vice-présidente sur le continent, les journalistes à bord de l’appareil ont appris qu’ils ne pourraient pas la questionner une fois posés sur l’île. Son bureau a transmis aux médias une description de son intervention sur la base navale de Pearl Habor. Tout juste a-t-elle relayé quelques tweets de Joe Biden pour le soutenir du bout des lèvres. Pourtant, son attitude comme sa responsabilité dans la crise ne sont pas pointées du doigt par les médias, ni même par les Républicains les plus virulents.

Biden sous le feu des critiques des médias et des républicains

De son côté, Joe Biden ne cesse d’être contesté par les médias qui relèvent désormais toutes ses incohérences alors qu’ils les glissaient jusque-là sous le tapis la plupart du temps. CNN, dont un responsable avait avoué sans savoir qu’il était enregistré que la chaîne avait manipulé l’information pour faire battre Trump, n’essaie plus de présenter Biden comme un homme en forme et pleine possession de ses moyens. Instruisant à charge, CNN a notamment titré un article « Joe Biden fait face à une crise de compétence », dans lequel le président est même dénigré pour sa gestion du Covid-19. Même son de cloche ailleurs, ainsi le Washington Post qui publie une critique sous le titre : « La promesse de Biden de restaurer une présidence compétente est minée par le chaos en Afghanistan ». Dans son article, le quotidien reproche à Biden de ne pas assumer ses responsabilités, lorsqu’il accuse son prédécesseur, Donald Trump, et dénonce une « incapacité à planifier, une sous-estimation d’un adversaire étranger, un effort inefficace pour se démener et se rattraper. » Le Washington Post s’était notamment illustré en décidant de ne plus vérifier les dires de Joe Biden, au motif que la nouvelle présidence serait fiable, comme l’était supposément celle de Barack Obama, ce après avoir vérifié tous ceux de Trump et parfois considéré un propos jugé faux comme représentant des centaines de mensonges. Moins critique envers Biden, le New York Times évite cependant de sermonner Harris et mentionne son propos quant à sa promesse d’aider les femmes et les enfants afghans, sans rappeler sa responsabilité dans ce retrait mal préparé.

Mais les médias ne sont pas seuls à attaquer Biden. Nombreux sont les élus républicains, dont des caciques, à réclamer la tête de Joe Biden. Parmi eux, un certain Donald Trump. L’ancien président a appelé son successeur à démissionner en reconnaissance de la disgrâce de l’ensemble de sa politique. Trump avait conditionné le retrait d’Afghanistan au respect par les Talibans des accords de Doha en février 2020 les engageant à ne pas s’emparer du pouvoir par la force. Dans la foulée de la prise de Kaboul par les Talibans, des élus républicains ont appelé à l’utilisation du 25e amendement pour que le vice-président accède au Bureau ovale en lieu et place du président déclaré incapable. Le représentant républicain Madison Cawthorn a même écrit à Kamala Harris pour lui demander de mettre en œuvre cet amendement. Et, suite à l’attentat près de l’aéroport de Kaboul, nombreux sont les Républicains à demander la destitution ou la démission de Biden.

Si les médias démocrates ne soutiennent plus Joe Biden, voire l’attaquent ouvertement, leurs motivations ne rejoignent pas celles des élus républicains qui expriment, eux, à haute voix leur volonté de voir Joe Biden partir, et ne mentionnent pas la responsabilité de Kamala Harris dans cet échec. La volonté de voir Harris succéder à Biden est forte chez les médias les plus orientés à gauche, car ils se sont désormais éloignés du centre. Les Républicains, eux, peuvent espérer une présidence Harris ratée. Si elle voulait succéder à Biden en 2024, elle pourrait avoir ses chances ; ces dernières seraient nettement réduites si elle remplaçait Biden assez rapidement pour être médiatiquement très exposée. 

En effet, d’une part, Harris se situe très à gauche et avait dû renoncer avant les primaires démocrates, plafonnant au moment de son retrait à 3% dans les sondages ; d’autre part, son bilan en tant que vice-présidente était très critiqué avant la prise de Kaboul. Elle ne s’était par exemple rendue à la frontière avec le Mexique, débordée par les migrants, qu’après que le gouverneur du Texas eut invité Trump, et elle avait déjà déclaré sarcastiquement ne pas comprendre la crise migratoire, car elle n’était jamais allée en Europe. Une présidente Harris ne pourrait plus être couverte par le paravent Biden, semblent espérer les Républicains.

Cependant, d’autres membres du Parti de l’Éléphant s’inquiètent toujours pour leur pays d’une hypothétique présidence Harris, à l’instar de Nikki Hailey, l’ancienne ambassadrice auprès des Nations unies, qui met en garde contre ce qu’elle estime encore pire que l’actuelle présidence…




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