Les temps ont changé. Heureusement. Mais ils ont aussi perdu la tête
Le match entre le PSG et Basaksehir a été interrompu au bout de 13 minutes le 8 décembre. D’un commun accord les deux équipes ont quitté le terrain à la suite du propos, qualifié de raciste, du quatrième arbitre à l’encontre de l’entraîneur adjoint de l’équipe turque. Celui-ci s’était indigné parce qu’il avait été désigné comme le « noir », en roumain.
Le match a repris le lendemain et le PSG l’a emporté par 5 à 1. Avant le début de la rencontre, tous les joueurs et les arbitres se sont agenouillés.
J’ai scrupule à oser même une réflexion sur cet épisode qui a libéré les hyperboles et qu’on a, sur tous les supports de communication, loué comme étant « historique », « une première ». J’ai conscience que je m’arroge un pouvoir discutable puisqu’on m’a assez répété que seule comptait la perception du racisme par ceux qui en étaient directement ou indirectement victimes et que donc les avis « extérieurs » n’étaient pas légitimes.
Pourtant je persiste.
J’estime disproportionnée, dans la dénonciation pourtant nécessaire d’une dispute équivoque, cette hypertrophie agitée d’un soir comme si dans la hiérarchie du racisme, mille scandales infiniment plus graves ne s’étaient pas produits – par exemple les joueurs traités de singes et moqués par des cris, qui auraient été en faute s’ils avaient quitté le terrain – et que demain la malfaisance humaine, fortement imprégnée de bêtise et de simplisme (on les sous-estime trop dans ces dérives), n’allait pas encore frapper dans l’univers du football, des sports et partout ailleurs.
Comment faudra-t-il se comporter alors ? S’allonger par terre, manger l’herbe ?
Cet humanisme, à force de ne plus savoir rien distinguer dans une impulsivité et une frénésie devenues réflexes, va étouffer les vrais combats, les luttes authentiques. Non pas qu’il aurait fallu jeter aux oubliettes le « noir » du 8 décembre mais le mettre à sa place qui n’était pas capitale.
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Je me souviens d’une scène de ma vie judiciaire où une collègue magistrat antillaise se moquait de moi parce que j’avais parlé d’une « femme de couleur » au lieu de dire « noire ». Les temps ont changé heureusement mais ils ont aussi perdu la tête.
Puis-je aussi dans ma réaction évoquer la part d’agacement que j’éprouve face à certaines absurdités considérées religieusement parce qu’elles émanent d’actrices progressistes et d’un féminisme ravageur : quand Adèle Haenel le plus sérieusement du monde énonce que le simple fait d’être blanc fait de vous un raciste, convient-il de rire ou d’être épouvanté ?
Nous avons le droit de juger ridicules les leçons de morale de ces footballeurs dont l’un – ! – nous dit qu’il aurait « mal à la France » après les violences commises par trois fonctionnaires de police contre Michel Zekler et l’autre – Kylian Mbappé, formidable talent – est à l’unisson mais n’est pas gêné pour être payé grassement par le Qatar, Etat aux antipodes de nos valeurs.
Le premier n’a jamais été un phare et je regrette que le second s’engage de plus en plus dans des implications qui sont en train de dégrader son aura brillamment sportive. Il y a tant de policiers blessés et tués, tant de causes moins chic qui auraient dû appeler de leur part, s’ils souhaitent dépasser leur statut de footballeurs comblés, des alertes et des soutiens.
Mais médiatiquement toutes les lumières ne se valent pas.
Quand j’entends Olivier Giroud qui a pris tous les risques en s’affirmant catholique dans un monde de pauvreté intellectuelle et de dérision nous demander de nous mobiliser pour les « chrétiens d’Orient », j’éprouve du respect pour lui parce qu’il lutte pour ce qui n’est pas vulgairement rentable dans notre univers qui préfère enfoncer les portes ouvertes de l’éthique.
J’admire le grand footballeur anglais Marcus Rashford qui mène des combats vigoureusement et noblement politiques contre la pauvreté d’une certaine jeunesse dans son pays, qui les a gagnés, avec un immense soutien populaire, contre le Premier ministre Boris Johnson, et sans doute n’est pas prêt d’arrêter son action dont la finalité n’est pas d’apparaître une seconde au firmament mais de faire du bien durablement à beaucoup.
Je dois aller plus loin. Sans stigmatiser forcément tout accès moral en l’étiquetant moraline. Mais les ravages, au nom du bien prétendu, se multiplient.
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Le dernier en date : Clément Beaune, connu pour être une personnalité politique intelligente, ministre et proche d’Emmanuel Macron. Tout le monde à juste titre se désintéresse de son orientation sexuelle. Il a éprouvé le besoin de nous la révéler. Personne ne lui avait demandé cette transparence qui de manière absurde fait sortir sa condition de l’heureuse banalité où elle aurait dû demeurer. Tout cela est-il vraiment un progrès ?
Ai-je encore le droit de juger ridicules ces délires qui dans beaucoup de domaines, sur tous les registres, font perdre à notre société sa lucidité, sa mesure, son bon sens ?
Le pire est qu’ils se font passer pour des avancées. Quand ils sont des déclins.
Alors, de grâce, pas en mon nom !
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