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Les quatre ridicules


Il arrive que nos hommes politiques, éditorialistes, sondeurs et cartomanciennes en tout genre, se penchent sur nous, modestes citoyens, pour comprendre pourquoi certains se montrent moins assidus dans les bureaux de vote. Généralement, cela oscille entre les lamentations, les invocations des révolutionnaires qui se sont battus pour qu’on ait le droit de vote et la proposition de rendre le vote obligatoire.

Parfois, des esprits plus éclairés interviennent dans le débat et expliquent prudemment que si l’Etat n’avait pas abandonné ses prérogatives à des institutions supranationales, aux marchés financiers ou à des comités théodule sans légitimité démocratique, le bon peuple aurait peut-être le sentiment que le vote sert à quelque chose. Généralement, ces gêneurs sont réprimandés dans la seconde voire accusés de faire le jeu des extrêmes, selon la formule consacrée.

J’ai beau approuver ces moutons noirs, je vois un autre grand facteur d’abstention : le comportement de certaines personnalités. Elles s’appellent Nadine, Jack, Jean-François et Martine et m’ont donné, chacune à leur manière, envie de casser les postes de télévision ou de radio sur lesquels je les entendais.

Nadine squatte les plateaux de télé depuis quelques semaines. Comme un bon petit soldat, elle est toujours disponible pour aller soutenir l’honneur du Président de la République. Le problème, c’est que sa mauvaise foi insupportable peut énerver jusqu’à l’électeur qui vote à droite depuis dix générations. Cela n’a pas manqué lundi dernier chez Yves Calvi où elle a réussi l’exploit de rendre Harlem Désir sympathique, sincère, poli et convaincant. C’est dire… Il paraît que les télés et radios vont devoir procéder à un rattrapage du temps d’antenne au bénéfice de l’UMP à cause de la primaire socialiste qui a occupé l’espace pendant quelques semaines. Si c’est Nadine qui s’y colle, on n’a pas fini de s’énerver devant le poste.

Jack aime passer à la télé. Il se débrouille toujours pour y apparaître. Paraît que c’est sexy d’inviter Lang. Tu parles, Charles ! Un homme d’une si grande fidélité… Lorsque Martine Aubry a pris la place de son copain DSK, il a laissé entendre qu’il la suivrait. Mais à mots très couverts, le temps de voir comment la campagne tournerait. Bien lui en a pris, Martine n’a jamais rattrapé son retard sur François. A trois ou quatre jours du premier tour de la primaire, Jack a donc annoncé qu’il soutiendrait François. Depuis, il essaie de passer pour un soutien de la première heure avec, en clou du spectacle, cette ridicule apparition télévisée au QG hollandiste après le dernier débat télévisé. Un bon esprit a fait remarquer que Lang devait faire son jogging par hasard dans le quartier… en costume ! On imagine le staff de Hollande consterné et ne sachant que faire pour éloigner ce boulet, résistant de la dernière heure.

Jean-François avait déjà eu mes faveurs. Je l’avais accusé d’être ridicule, arrogant, suffisant lorsqu’il avait qualifié les partisans de la sortie de l’euro d’extrémistes de droite ou de gauche. Mais Jeff n’est pas en reste. Voilà que non content de qualifier de « dingueries » les projets protectionnistes d’Arnaud Montebourg, il vient de traiter le député bressan de bolchévik. Imaginer Arnaud Montebourg avec un couteau entre les dents et juché sur un tank, voilà qui prête à rire. Après tout, si c’est ce que l’on pense des apôtres de la démondialisation, que dire de celui qui prononça le discours de Toulon ? Bolchévik, peut-être pas ! Sale gauchiste, en revanche, certainement. Copé passera sans doute pour un con lorsque, acculé par la prochaine poussée de crise, Nicolas Sarkozy mettra en oeuvre un contrôle accru des banques, ce que réclame le bolchévik en question. Ce jour-là, l’homme qui avait promis d’arrêter la langue de bois nous gratifiera sans doute d’une de des pirouettes balourdes dont il a le secret.

Last but not least, Martine est candidate à l’élection présidentielle. Elle devrait donc éviter le ridicule. Mais la Mère Emptoire n’a pas été en reste hier matin. Non contente d’avoir accolé le terme de « gauche molle » à son adversaire et n’appréciant pas que François Hollande finisse par y riposter en pointant la « gauche sectaire », elle l’a accusé de reprendre le lexique de la droite. Ah bon ? Sectaire, c’est un terme de droite. La gauche ne l’utilise jamais ? Il y aurait donc dans le dictionnaire, des mots de droite et des mots de gauche ? Le croire, à l’évidence, c’est faire preuve de sectarisme et donner raison, par l’absurde, à François Hollande. Franchement, je ne suis pas emballé, loin s’en faut, à l’idée que le député de Corrèze s’installe à l’Elysée en mai prochain. Mais y voir Martine Aubry, c’est un cauchemar à peu près aussi effrayant que d’imaginer Sarkozy y demeurer.

Ainsi je m’adresse à Nadine, Jack, Jean-François et Martine. Ne pourriez-vous pas prendre quelques mois de vacances afin que nous puissions profiter de la campagne la moins désagréable possible ? Les boules puantes, c’est vrai que cela n’attire pas forcément l’électeur dans le bureau de vote, mais les quatre ridicules pourraient bien réussir l’exploit de le vacciner à jamais.



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