Il s’appelle Victor Alfonso Lenta. Il a 26 ans et le 20 juin dernier, il est parti se battre dans le Donbass contre l’armée ukrainienne. Français d’origine colombienne, issu de la classe moyenne, il a toujours été attiré par l’action. À 18 ans, un diplôme d’agent de sécurité en poche, il s’engage dans le 3e Régiment de Parachutiste d’Infanterie de Marine, unité d’élite. À la fin de son contrat militaire – il invoque des « problèmes politiques » sans plus de précision- Victor Lenta suit un programme de reconversion dans la vie civile qui n’a pas abouti. Début 2014, il fonde l’association « Unité Continentale » qui aide les volontaires souhaitant se battre aux côté de pro-russes, dans l’Est de l’Ukraine, à rejoindre le front.
Nastia Houdiakova : Comment êtes-vous arrivé au sud-est de l’Ukraine ?
Victor Lenta : Partir dans le Donbass ne coûte pas grand-chose. Pour ceux, comme moi, qui passent par la Russie, il suffit d’acheter un billet aller et de payer les frais de visa. Une fois en Russie, se déplacer vers l’ouest coûte encore moins cher. Pour financer et organiser les départs, j’ai fondé, en janvier 2014, l’organisation « Unité continentale ». Les dons des membres et sympathisants via les réseaux sociaux nous permettent de financer la mobilisation et l’envoi de volontaires sur le front. Nous ne bénéficions pas d’autres ressources, ni de quelconques financements occultes. Une fois sur place, nous avons établi un premier contact avec l’organisation « Dobrovolets », ce qui signifie « volontaire » en russe (réseau se présentant comme une organisation humanitaire). Maintenant nous dépendons du bataillon « Vostok », ce qui signifie « Est » en russe.
Est-ce l’association Dobrovolets qui vous a aidé à traverser la frontière ukrainienne et vous a affecté à votre unité ?
Non. Dobrovolets ne nous a pas aidés à passer par les lignes ukrainiennes, donc ennemies.
Dobrovolets est-il lié aux autorités russes? Confirmez-vous que le bataillon Vostok soit dirigé par un russe ?
Dobrovolets ne dépend d’aucune structure étatique russe. En revanche, elle est liée à la population russe, car elle vit de leurs dons en argent et en nature. Quant à Vostok, il est dirigé par un russophone, c’est vrai, mais je ne sais pas d’où vient le financement du bataillon. Tout ce que je peux vous dire, c’est que les milices ont si peu de moyen qu’il est totalement exclu qu’elles bénéficient d’ aides d’Etat russes ou d’ aides privées de la part de richissime personnalités. Pour vous donner un exemple, dans mon bataillon, chaque combattant ne dispose que de deux chargeurs pour son arme personnelle, un AK47. Pour le moment, nous formons un noyau dur de quatre français mais d’autres vont arriver dans la semaine.
Quelle est votre mission?
Nous avons d’abord une mission de ré-information envers le peuple français car les médias montrent un faux visage de la guerre. Vous pouvez suivre nos vidéos sur notre page facebook.
Alors, vous ne combattez pas vraiment sur le front?
Si ! À Donetsk, nous sommes sur le front et effectuons des patrouilles en secteur ennemi, des missions d’observation et également des missions d’infiltration à 150 mètres des lignes adverses.
Comment expliquez-vous le récent retournement de la situation militaire en faveur des pro-russes?
Nos victoires récentes sont dues essentiellement à l’état de déliquescence totale de l’infanterie ukrainienne, qui, son artillerie mise à part, n’a pas les moyens de son intervention. En plus, les soldats ukrainiens sont démoralisés. J’ai eu l’occasion de passer par les lignes ennemies pour aller à Donetsk et j’ai pu converser avec eux. Ils disent eux-mêmes ne pas vouloir faire la guerre. On leur parle d’opération anti-terroriste, mais ils savent – et le disent – que c’est une vrai guerre. En revanche, les pro-russes sont chez eux, ils sont motivés, ils connaissent le terrain par cœur et mènent une guérilla. Et puis les volontaires affluent de notre côté. Même des anciens soldats ukrainiens !
N’y a-t-il pas d’unités de l’armée régulière russe qui se battent à vos côtés ?
Non je n’en ai pas vu, personnellement.
Quel est le but de votre combat, la sécession du Donbass ou la fédéralisation de l’Ukraine?
Je vais reprendre à ce sujet les paroles de Paul Goubarev, gouverneur populaire de la Novorossia, l’État confédéral sécessionniste de l’Ukraine : « Nous voulons un référendum d’auto-détermination pour toutes les républiques populaires de l’Ukraine. Celles qui veulent rejoindre la Nouvelle-Russie, qui est une entité politique réelle, pourront le faire et celles qui veulent rester dans l’Ukraine pourront le faire aussi. »
Quelle est la signification politique de la « Novorossia », hormis sa volonté indépendantiste ?
L’essence politique de Novorossia est exprimé dans son drapeau : le rouge du socialisme, de la justice sociale, allié avec la tradition orthodoxe, protectrice des valeurs traditionnelles. C’est la synthèse du socialisme et du nationalisme.
National-socialisme, ça peut évoquer certains souvenirs… d’autant plus que la presse aime à rappeler vos antécédents « néo-nazis ».
Je n’ai jamais eu d’antécédents néo-nazis. Les mouvements auxquels j’appartenais, Génération identitaire, Œuvre française et le Lys noir, s’inscrivent soit dans une ligne de nationalisme traditionnel soit dans un courant identitaire dont la justice française a formellement rejeté la qualification de « néo- nazi ».
Malgré tout, vous vous situez idéologiquement à la droite de la droite.
À droite, je n’ai que des ennemis. Je me bats pour le peuple, pour les prolétaires. La nouvelle lutte des classes, c’est la lutte des peuples contre l’oligarchie mondiale. Marx avait prédit tout cela. La droite a détruit la souveraineté de la France. Alors dire que je suis de droite c’est m’insulter. Je suis un nationaliste révolutionnaire.
En tant que nationaliste, n’êtes-vous pas gêné de combattre pour une cause qui n’est pas française ? Certains comparent votre engagement au djihad des jeunes musulmans français en Syrie.
Je ne suis pas un « djihadiste à Poutine ». Les « français de papiers » qui partent faire le djihad (notion fausse car le djihad dans le Coran est avant tout un combat intérieur) en Syrie contre l’état légitime de Bachar Al-Assad veulent imposer une vision hérétique de l’Islam. De plus, ils assassinent des gens, coupent des têtes tandis que moi, j’ai pris les armes pour défendre la population, pas pour l’agresser. Les vrais extrémistes en France siègent au gouvernement français. Ce gouvernement qui a financé et armé les djihadistes afin de déstabiliser la Syrie. Si vous cherchez l’extrême droite, vous la trouverez au pouvoir en ce moment en France et ce, depuis l’ère de Nicolas Sarkozy. C’est lui qui est responsable de la perte du peu de souveraineté qui nous restait, au profit des USA et de l’UE, ce machin qui devrait porter le nom de Saint Empire Américain Germanique plutôt que d’Union européenne.
Vous avez défini votre combat comme une lutte dans un conflit local au milieu d’un conflit global ? Quel est ce « conflit global » ?
Le combat global que nous menons est une guerre mondiale qui ne dit pas son nom. C’est le combat contre l’impérialisme américain, contre l’atlantisme qui essaie d’imposer un mode vie, une façon de penser à la terre entière.
Et votre camp, comment se définit-il?
Notre camp se définit comme traditionnel, socialiste-révolutionnaire.
Bizarrement, dans votre propre camp, Gaston Besson, célèbre figure du mercenaire aventurier d’extrême droite, lutte de l’autre côté du front en Ukraine. Comment l’expliquez-vous ?
Gaston Besson et nous, ce sont deux générations bien différentes. Anti-communiste primaire, il s’imagine encore que la Russie, c’est l’Union Soviétique. Il a toujours mené des combats qui vont dans le sens de l’Occident atlantiste. Il a fait partie des HOS (commandos d’extrême droite) qui, avec l’armée croate, ont servi d’idiots utiles pour faire éclater la Yougoslavie. A contrario, mon organisation née à Belgrade entretient des liens très forts avec le peuple serbe.
Dernière question : avez-vous, comme l’affirment certains, des antécédents judiciaires en France ?
En tout et pour tout, je n’ai été impliqué que dans une sombre affaire de rixe avec un étudiant chilien. C’est tout, le reste n’est que mensonge des antifas pout me griller socialement ! Je n’ai jamais été renvoyé de l’armée. Je n’ai pas brûlé de mosquée, ce n’est pas mon genre, j’ai le plus grand respect pour la foi religieuse quelle qu’elle soit.
NDLR : La direction de « Génération identitaire » dément l’appartenance passée de Victor Lenta à ce mouvement créé en août 2012.
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