Reconnaissons-le, c’est une question annexe. Mais une question quand même : que faire des primaires socialistes, alors que le favori des sondages est embastillé aux Etats-Unis et que la présidentielle ne s’adaptera sans doute pas à son agenda judiciaire ?
Pour l’instant, aucun socialiste ne veut vraiment répondre. On en est à l’épisode «stupeur et tremblements». Mais il va falloir se décider, et fissa; le calendrier en vigueur prévoit un dépôt des candidatures entre le 28 juin et le 13 juillet, puis deux tours populaires et ouverts en octobre. J’ai, à de nombreuses reprises ici, critiqué les primaires, et même avancé que si ça se trouve, elles n’auraient pas lieu. Je considère toujours qu’un système de plébiscite populaire des sondages maquillé en désignation démocratique est a priori absurde et contreproductif. Mais vu les circonstances et la nouvelle donne venue de NYC, je crois que le PS devrait finalement s’accrocher à son concours de beauté : si les socialistes veulent sortir la tête de l’eau et renvoyer le dossier DSK à ce qu’il est – une affaire judiciaire – il faut des primaires, en dépit des flopées d’éditorialistes qui exigent leur immersion immédiate.
Il faudrait annuler les primaires, nous dit-on, parce que le champion désigné par les sondages n’est plus en mesure de concourir. L’argument a le mérite d’être clair : pour maints oracles journalistiques, DSK devait gagner coûte que coûte, et même si François Hollande fait office de chouchou supplétif, le scénario était déjà écrit. Voilà donc la haute estime dans laquelle les plus ardents défendeurs du système à l’américaine portent la démocratie : oui au vote, surtout quand on est convaincu que le verdict des urnes sera conforme à ce qu’on en espère. Ce doit être la jurisprudence TCE… Evidemment, imaginer que le militant socialiste aurait pu choisir quelqu’un d’autre est absurde. Surtout si ce quelqu’un n’est pas suffisamment disons, raisonnable.
L’autre argument avancé tient en deux mots : si la direction du PS maintient son système de désignation, la compétition va être terrible – bien entendu, elle ne l’aurait pas été si ce fichu dimanche n’avait pas eu lieu. Dévastatrice, elle sera, nous met-on en garde, parce que François Hollande, Martine Aubry et Ségolène Royal auraient le même programme, les mêmes options rigoureuses pour le gouvernement de la France à venir. On notera au passage que ceux qui pensent un poil autrement, Valls et Montebourg au hasard, ne sont pas considérés comme crédibles pour proposer des solutions pour ce vieux pays. Mais revenons aux candidats autorisés : puisqu’ils pensent pareil, ils vont, nous dit-on, se déchirer pour des raisons personnelles, sur fond de rancunes qui n’ont rien de politiques. Comble de l’angoisse, un second tour en octobre opposant François Hollande à Ségolène Royal, troisième tour du divorce de 2007. J’en frémis d’avance…
Et si justement, les primaires étaient l’occasion de montrer qu’il y a des options politiques propres à chaque prétendant socialiste, ou, a minima, des manières de faire différentes ? Allez savoir, le candidat socialiste et l’électeur pourraient se révéler moins idiots que le rubricard accrédité à Solferino qui va ramener ça à Machine a dit que Chose était un neuneu, ou Bidule a fait une blague sur le nouveau régime de Truc.
Enfin, mettons-nous à la place du militant de base: il y a une semaine, il fêtait la victoire de la gauche en 1981. Depuis dimanche, il se dit qu’il n’aura peut-être même pas l’occasion d’avoir des regrets en mai 2012. Que c’est fini avant d’avoir commencé. Veut-on vraiment lui imposer ce calvaire (vu les circonstance newyorkaises, on n’ose parler de douche froide) ?
Je serais dirigeant socialiste, je me dirais que je ne peux pas indéfiniment porter des badges François Mitterrand pour me souvenir qu’un jour, le PS a vraiment été au pouvoir. Je bazarderais la cargaison sur eBay et je lancerais les primaires, droit dans la pente.
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