Non, la possibilité de penser, de réfléchir sur des sujets n’est pas exclusivement réservée aux think tanks. Néanmoins, il revient aux partis politiques de le démontrer.
Une nouvelle fois je vais embrasser une cause que d’aucuns affirment désespérée. L’énorme succès des think tanks, leur influence considérable, la multitude des téléchargements sur certains thèmes, par exemple « anatomie du wokisme » ou « évaluation du risque Le Pen », seraient le signe que les partis ne savent plus répondre à la demande intellectuelle et politique. Et qu’ils seraient dépassés par ces cercles, cénacles, fondations, où penser représente l’activité principale, voire exclusive.
Le dépassement du clivage gauche/droite, ça va bien deux minutes
J’espère que ce constat est faux, dans son pessimisme sans nuance, et que les partis dont on annonce avec une amère volupté le déclin, le faible impact démocratique et, pour tout dire, le caractère inutile, sauront résister à ce nouveau front ouvert contre eux. Je ne parviens d’ailleurs pas à comprendre pourquoi on s’obstine avec un tel acharnement à nier toute chance, à dénier tout futur, à ces structures partisanes consubstantielles à la République et qui pourraient, si on s’attache à LR et aux socialistes, se résumer par la lutte du principe de liberté contre l’exigence d’égalité. Et d’autant plus que le prétendu dépassement de la droite et de la gauche a fait long feu.
Il me semble un peu facile d’admettre comme une vérité républicaine que la profondeur, la prospective, l’intelligence, les réflexions à long terme, seraient réservées aux think tanks. Comme s’il était impossible pour les partis, au moins de tenter, d’emprunter partiellement les mêmes chemins. Mais partiellement puisque les partis ont pour ambition de ne pas se contenter des concepts, même dégagés à la suite de délibérations collectives, mais de les concrétiser. Un parti, ce sont des idées destinées à modeler l’avenir en attendant qu’un pouvoir, les exploitant pour en convaincre les Français, leur donne sens et vie.
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Un cercle, un cénacle, c’est à la fois leur force et leur faiblesse, ne sont évidemment pas tenus à refuser les abstractions utopiques, généreuses ou irresponsables. Mais s’ils abusent de cette faculté, ils perdront la crédibilité qui devrait dans tous les cas s’attacher à leurs analyses et à leurs prévisions.
La grande politique engoncée dans les débats politiciens partisans?
Pour que les partis ne se dépouillent pas de ce qui leur offre plénitude et profondeur, encore faut-il qu’ils soient convaincus du fait que rien ne leur interdit en même temps de penser et de projeter, de concevoir et de prévoir. Alors qu’à gauche comme à droite on s’est accoutumé à ce que l’écume politique, la superficialité des antagonismes, la démocratie à fleur de peau tiennent toute la place et relèguent, si même on y songe, l’obligation de parfaitement définir son identité, ses priorités et son corps de doctrine en quelque sorte, en ne perdant jamais de vue que ce dernier est vain si d’emblée il s’avère impossible.
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Eric Zemmour, sur quelques points fondamentaux, avait vu juste mais, pour ce que la politique doit avoir de réalisable sans déchirer le tissu national, il avait eu tort. Il n’y a aucune impossibilité radicale, pour quelque parti que ce soit, de penser pour mieux agir demain. Il faut cesser, au sein de ces structures collectives de plus en plus exsangues, cette division absurde magnifiant ceux qui se sont présentés aux urnes quel que soit le résultat, et dédaignant ceux qui pourraient les enrichir avec des idées nouvelles.
Rien ne serait pire pour notre avenir politique et parlementaire que l’acceptation de cet appauvrissement qui laisserait la noblesse de l’esprit aux think tanks et « les mains sales » aux partis. Eux aussi – je persiste – méritent d’avoir droit au Tout. En le démontrant.
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