Ce qui arrive à l’UMP fait bien entendu rire de bon cœur tout ceux qui n’aiment pas l’UMP, c’est-à-dire si en croit toutes les élections depuis 2007, une bonne majorité de Français. Nous n’aurons pas la cruauté de rappeler la façon parfois spectaculaire dont le parti créé par Alain Juppé au nom de l’union de la droite et du centre a perdu tous les pouvoirs municipaux, départementaux, régionaux avant de connaître une triple défaite en un an avec le Sénat, la présidentielle et les législatives.
Mais on aurait tort de rire, surtout si on aime la politique, l’engagement et la dispute démocratique. Un parti qui se casse la figure, c’est comme un journal qui disparaît, ce n’est jamais bon signe.
Ce qui arrive à l’UMP, c’est ce qui arrive aux partis qui veulent forcer leur tempérament. Expliquons-nous : il y a des partis, des mouvements qui sont faits pour la démocratie interne et d’autres non. Il y a des partis qui ont un corpus idéologique fort et d’autres qui font preuve d’une grande plasticité. En l’occurrence, ce clivage n’a pas grand chose à voir avec la gauche et la droite mais plutôt avec d’un côté un vieil héritage jacobin et de l’autre un vieux legs girondin.
Du côté des jacobins, on peut placer les gaullistes et les communistes. Les gaullistes voulaient promouvoir une droite sociale, colbertiste et une alliance entre le capital et le travail. Il y eut même à une époque des gaullistes de gauches comme René Capitan. Et cela n’avait rien de commun avec les ralliements de l’ouverture sarkozyste qui ont surtout été des débauchages individuels alors que les gaullistes de gauche restèrent gaullistes à la fois par conviction et par un attachement historique venu de la Résistance. Quant aux communistes, leur objectif d’une rupture avec le capitalisme et d’une transformation révolutionnaire de la société est inscrit dans leurs gênes depuis le Congrès de Tours, il y a plus de 90 ans.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces deux-là, le gaulliste et le communiste, se sont entendus de manière plus ou moins explicite dans quelques grands moments de notre histoire. Pendant la période du CNR, par exemple, quand il s’est agi de reconstruire la France après la guerre ou encore, en 68, lors des accords de Grenelle quand le PCF a préféré négocier de substantielles avancées sociales avec Pompidou plutôt que de continuer dans la fuite en avant pseudo-révolutionnaire de l’aventurisme gauchiste et estudiantin.
Du côté des girondins, on trouvera le centre, les socialistes et plus récemment les Verts.
Ces courants d’idées se sont toujours davantage vécus sous la forme de clubs, de collectifs, d’associations ou encore de conventions. On rappellera que la constitution d’une force de gauche non communiste a dû attendre la création du Parti socialiste au congrès d’Epinay en 1971 et cet exploit n’a pu se produire que grâce à l’habileté manœuvrière de Mitterrand qui n’était pas socialiste et n’a pris sa carte que ce jour-là.
Le centre, par sa définition même, a toujours été partagé entre la droite et la gauche, ce qui explique ses infinies métamorphoses plus ou moins opportunistes. Les radicaux sont ainsi divisés entre Parti radical valoisien et Parti radical de gauche depuis une éternité. Et le centre-droit non gaulliste n’a cessé de se chercher une forme et une place dans un paysage politique rendu encore plus binaire par la Vème république. Il a fallu que Giscard crée l’UDF pour concilier les démocrates chrétiens, les libéraux sociaux, les républicains indépendants. Et encore, la machine n’a pas tenu bien longtemps une fois qu’Alain Madelin et François Bayrou ont compris qu’ils n’avaient pas grand chose de commun.
Et les Verts, ah, les Verts… On a tellement moqué leurs multiples tendances, leurs scissions (le MEI de Waechter, ça existe toujours ?), leurs divergences exposées au grand jour, encore aujourd’hui alors que deux des leurs sont au gouvernement, que l’on a oublié qu’ils n’étaient au départ qu’un conglomérat d’associations de protection de l’environnement. Ce que les média sarcastiques appellent leurs divisions est en fait leur vrai mode de fonctionnement et apparemment, ça ne leur a pas si mal réussi puisqu’ils ont réussi en vingt ans à s’installer dans le paysage politique.
Encore une fois, c’est une question de tempérament. Le désordre créatif peut convenir à des verts, des socialistes, des centristes. Sans doute parce qu’ils ne croient pas à l’incarnation en politique, qu’ils ne croient pas au chef. Sans doute parce que, comme le gaullisme ou le communisme, ils ne sont pas nés dans la clandestinité ou tout au moins dans un environnement fortement hostile comme le PC des années 20.
L’engagement, pour un girondin de gauche ou de droite, n’oblige pas à renoncer à une partie de ses opinions pour se soumettre à l’intérêt général d’une cause ou d’une vision. D’où l’art florentin de la synthèse que l’on a pu voir dans les congrès respectifs de ces congrès où les portes claquées et les coups de mentons n’empêchent pas de revenir une heure après autour de la table pour signer un accord.
Cela ne s’est jamais, jusqu’à une date récente, passé de cette manière chez les gaullistes et les communistes. Il est intéressant de remarquer, à ce propos, que jusqu’aux années 90, RPR et PCF avaient le même système d’organisation avec un comité central, un bureau politique et une forme de centralisme démocratique qui faisait qu’un chef, une fois désigné en congrès par des délégués, était le chef une fois pour toutes. Et ce, au nom du vieux principe léniniste qui fait que si on discute à la base et en interne, au sommet et à l’externe, on ne veut plus voir qu’une seule tête.
Archaïque ? Peut-être. Il n’empêche que le RPR, ça marchait mieux avant que ça s’appelle l’UMP et le PCF avant que Robert Hue n’engage la désastreuse « mutation » qui a failli transformé le vieux parti de Thorez en une annexe de la social-démocratie. Mais au RPR comme au PCF, et d’ailleurs dans une certaine mesure dans l’Eglise Catholique aussi, il a fallu faire moderne, c’est-à-dire transparent parce que la transparence, c’est mieux. Or la transparence, c’est très bien quand il s’agit de parler du financement des partis par exemple, mais certainement pas dans l’élaboration de leur doctrine ou de leur programme.
Si ça intéresse vraiment le citoyen de prendre part à l’élaboration d’un programme politique ou à la désignation du chef de parti, c’est bien simple : il prend une carte d’adhérent. Et s’il n’est pas content, il la rend. L’engagement politique, ce n’est pas un dîner de gala.
*Photo : UDF.
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