Au milieu du désert médiatique (surtout télévisuel) de l’été, notre chroniqueuse a pourtant trouvé des documentaires intéressants sur Arte, dont un qui traite de la séduction en politique. Si la séduction érotique a été inventée en France, la version politique semble avoir été inventée en Amérique – latine et du Nord – et elle devrait beaucoup au sex-appeal du cinéma et de la musique populaire.
En cet été Olympique bien que désertique (dans l’Est parisien), Arte, (ma chaîne « spécial chroniques »), semble assez désertique également. Pas de docus renversants, ni de séries innovantes – à l’image de « Summer of Voices » de l’été 2021. J’avais cependant repéré une thématique qui me semblait intéressante, sur l’art de la séduction. Tout un programme.
Cette thématique comprend deux documentaires assez courts : « La puissance de la séduction. Le charme au pouvoir » et « Elvis. Le magnétisme d’une idole » (je parlerai du King plus en détails le 17 août, pour le 37éme anniversaire de sa mort).
Le premier nous parle politique, le second, idoles rock’n’roll et cinéma. Le tout est davantage américain qu’européen. Au siècle dernier, les Américains ont « inventé » le concept d’adolescence, ont-ils également inventé une forme de séduction moderne ? Humm, j’y reviendrai plus tard, mais j’ai tendance à le penser.
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Le premier documentaire se situe majoritairement en Argentine, car il traite longuement d’Eva Perón, cette actrice qui épousa Juan Dominguo Perón, futur président de l’Argentine, et qui devint une première dame extraordinairement inventive, qui alliait glamour, chignons blonds et douceur autoritaire. Evita, ainsi que l’appelaient les Argentins, était adorée de son peuple. Elle eut des funérailles à la Staline, les Argentins en pleurs défilant pendant des jours devant son corps embaumé. Elle était, et reste, bien plus connue que son mari, le semi-dictateur « populiste de gauche » Juan Peron. Et je suis sûre qu’elle servit de modèle à Jackie Kennedy (qui, finalement, ne lui arrivait pas à la cheville).
Qu’avait-elle, en vérité, de si innovant et séduisant ? (A part ses chignons).
J’ai précisé plus haut qu’elle fut actrice avant de devenir icône. Elle connaissait donc par cœur les codes de la séduction des années 40, des tailleurs aux jupes drapées jusqu’aux chignons blonds un peu « choucroutés » qui devinrent sa marque de fabrique. Elle travailla sa voix trop aiguë (ses discours étaient beaucoup plus écoutés que ceux de son mari) et apprit à mesurer ses gestes. Venant elle-même du peuple, elle savait donc s’adresser à celui-ci. Elle fit du « populisme » un art en cinémascope, et, sans Evita, je mets ma main à couper que nous n’aurions jamais entendu parler de Juan Perón.
D’une actrice l’autre. Évidemment, lorsqu’on évoque séduction et cinéma, on se doit de parler de Norma Jean Baker aka Marilyn Monroe. Elle était star parmi les stars, ce qui ne l’empêcha pas de sombrer, cette maudite nuit du 5 août 62, et de devenir, à jamais, un mythe. Elle fit de la séduction un métier. En effet, déjà lorsqu’elle était modèle, elle passait ses photos au crible, ne retenant que les meilleures. Devenue actrice, elle maîtrise à la perfection la science suivante : celle de se faire sentir mâle alpha n’importe quel homme. Elle se sert de mimiques qu’on l’imagine avoir répétées devant son miroir. Elle penche la tête, passe la main dans ses cheveux, entrouvre les lèvres. Cependant, cette fille au sex-appeal infernal et à la grâce divine se laissa dépasser. Justement par son sex-appeal et sa grâce. Nous le voyons bien lors de sa prestation pendant la guerre de Corée, lorsqu’elle semble s’abandonner dans les bras de chaque soldat, en extase. Cela n’est assurément pas travaillé. A l’image d’Elvis, elle est une fleur née au fond d’une poubelle. Et l’Amérique puritaine des années 50 avait ce talent : celui de faire jaillir de nulle part des demi-dieux et demi-déesses. C’est pour cela que j’ai affirmé plus haut que l’Amérique avait « inventé », finalement, une forme de séduction. Celle qui fait appel directement au circuit de la récompense, qui rend hagards les hommes, et folles les filles.
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Elvis, frère jumeau de Marilyn, était devenu très malheureux lorsque son manager, le Colonel Parker, voulut faire de lui un produit marketing. Il voulait retrouver la transe, celle qu’il expérimenta dans les églises noires, enfant. Celle qu’il exprima dans les bouges, également fréquentés par des Noirs et où il apprit à chanter. C’est, paradoxalement, lorsqu’il commença à grossir, gavé d’amphétamines et de beurre de cacahuètes, qu’il retrouva cette grâce, et son sex-appeal, et son déhanché, également infernaux. Étymologiquement, séduire (seducere) signifie : « éloigner du droit chemin ». Marilyn et Elvis se sont éloignés du droit chemin, en se rapprochant de ce qui avaient fait d’eux des mythes inégalés et inégalables. Et c’est probablement cela, la séduction.
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