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Les contre-vérités de Jean-Pierre Lledo

La réponse de l'historien Benjamin Stora


Les contre-vérités de Jean-Pierre Lledo
Benjamin Stora, historien francais, professeur des universités, Rue Soufflot à Paris. 19/4/2018. ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Suite à la publication de l’article de Jean-Pierre Lledo sur le site de Causeur, le 26 décembre, Benjamin Stora, professeur des universités, a demandé le droit de réponse afin de réfuter les accusations qui y sont portées contre lui.


Le journal Causeur vient de publier le 26 décembre 2024 sur son site un long article diffamatoire sur ma vie et mes travaux, signé de Jean-Pierre Lledo.

Avant de répondre, sur un plan factuel, aux graves accusations qui sont portées contre moi, je voudrais préciser deux points :

Je subis depuis de nombreuses années des violentes attaques antisémites publiées, en Algérie sur des sites comme Algérie patriotique (pas moins de huit articles qui m’attaquent en tant que juif) ; en France dans diverses publications comme Riposte Laïque (dans lequel écrit régulièrement monsieur Lledoremettant en cause ma qualité d’historien, en me traitant « d’historien officiel », ou « d’historien de cour ».

Pendant que Jean-Pierre Lledo était militant du Parti communiste algérien pendant de nombreuses années (de l’indépendance de l’Algérie en 1962 à son départ du pays en 1993,) il n’a cessé de défendre en Algérie les différents pouvoirs qui se sont succédé : de celui de Houari Boumedienne, à celui de Chadli Bendjédid. Pendant toute cette longue période, je ne l’ai pas rencontré dans tous les combats que j’ai menés à cette époque : la défense des militants du « Printemps berbère » en 1980; le combat contre le code de la famille en 1983 ; les luttes pour la construction de la Ligue algérienne des droits de l’homme commencée en 1984 ; la campagne pour la libération des militants arrétés en 1985…. Et je pourrais poursuivre la longue liste des combats menés où je n’ai jamais croisé Jean-Pierre Lledo.

J’ajoute que, dès 1978, j’ai soutenu ma thèse sur Messali Hadj, premier travail qui remettait en cause le discours officiel algérien véhiculé par le FLN alors au pouvoir (et tous ceux qui le soutenaient). Il est vrai qu’à cette époque Jean-Pierre Lledo faisait ses études à Moscou où il a obtenu un diplôme d’état de cinéma en 1976. Avec l’historien Mohammed Harbi et d’autres historiens algériens, j’ai élaboré un dictionnaire biographique de 600 militants, grâce aussi à l’aide de militants d’opposition, comme Hocine Ait Ahmed ou Mohamed Boudiaf. A ce moment, j’ai également publié une biographie de Ferhat Abbas, écrite avec le concours de la famille de Ferhat Abbas (qui était un ami de ma famille à Khenchela). Tous ces livres biographiques de responsables algériens ont été interdits en Algérie, et monsieur Lledo qui vivait dans ce pays n’a jamais protesté.

Dans mon documentaire, Les Années algériennes, diffusé en 1991, j’ai été le premier historien à faire découvrir l’horrible massacre de Melouza perpétré en mai 1957 par une unité de l’ALN, sur 374 villageois, soupçonnés de sympathies messalistes qui ont été égorgés. Mais Jean-Pierre Lledo n’a rien dit à ce moment-là sur ce documentaire, vivement critiqué dans la presse algérienne, alors qu’il vivait en Algérie.

Revenons maintenant sur quelques faits énoncés dans cette longue diatribe.

Jean-Pierre Lledo ne cite aucun de mes livres autobiographiques, Les Clés retrouvées une enfance juive à Constantine (Ed Stock) ; Les trois exils (publiés il y a vingt ans), ou L’Arrivée, de Constantine à Paris, où je raconte le pogrom antijuif du 5 aout 1934 à Constantine, par des musulmans, et l’assassinat de Raymond Leyris en juin 1961, par un membre du FLN (également raconté dans mon documentaire, Notre histoire, diffusé en 2012).

Il ne cite pas l’exposition, « Juifs d’Orient », dont j’ai été le commissaire général qui relate le départ des juifs du monde arabe (l’exposition s’est tenue à Paris à l’Institut du Monde arabe en 2022) ; il ne cite pas l’exposition, « Les Juifs de France, du temps colonial à nos jours », dont j’ai été le commissaire général au Musée d’histoire de l’immigration avec Mathias Dreyfus et Karima Direche….. Il ne cite pas, non plus, l’exposition « Juifs d’Algérie », dont j’ai été un des responsables scientifiques, avec Raphaël Draï et Jacob Oliel (exposition au Musée d’Art et d’Histoire du judaisme, 2012), qui traite de la vie quotidienne des juifs en terre d’Islam et sous la colonisation française… La liste est longue des « oublis » de monsieur Lledo qui déforme volontairement tous mes travaux, comme par exemple, aussi, les documentaires (le dernier en date a été réalisé avec Georges Marc Benamou, en 2022).

J’ajouterai que pour le rapport demandé par le Président de la République française en 2020 et remis en janvier 2021, Jean-Pierre  Lledo ne cite pas (encore) parmi les préconisations formulées, la demande d’excuses au sujet du massacre d’Européens du 26 mars 1962 de la rue d’Isly ; ainsi que la demande de reconnaissance sur les massacres de harkis. J’invite donc monsieur Lledo à lire ce rapport, publié par les éditions Albin Michel en 2021. A ces deux préconisations, le Président de la République a répondu favorablement par un discours prononcé à l’Elysée le 19 mars 2022, en demandant « pardon aux pieds-noirs, et aux harkis ». J’ai formulé d’autres préconisations, qui demandent aussi la reconnaissance de crimes commis par l’armée française (commis sur Maurice Audin, Ali Boumendjel ou Larbi Ben M’hidi,) et que la France vient de reconnaitre officiellement.

Je pourrais encore continuer longuement à énumérer la liste des mensonges, contre-vérités de toutes sortes que l’on trouve dans ce texte.

Je voudrai terminer en disant que j’ai pris position pour la libération de Boualem Sansal dès l’annonce de son arrestation, sur ma page X (Twitter) (et j’invite à regarder ma page, et la date) ; que j’ai immédiatement publié la déclaration de la LDH, et signé la pétition de la Revue politique et parlementaire demandant sa libération.

Voilà près d’un demi-siècle que je travaille sur l’histoire de l’Algérie contemporaine, travail commencé sous la direction de René Rémond, en 1974 puis en devenant Professeur des universités en 1991, avec une thèse d’Etat soutenue sous la direction du Professeur Ageron. Et depuis longtemps, je continue ce combat pour m’approcher au plus près de la vérité historique, en me défendant contre les faussaires de l’histoire.

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