Depuis dimanche et le vrai lancement de la campagne du candidat président à Marseille, aux dires des éditorialistes autorisés, nous serions en train d’assister à une rebipolarisation du combat présidentiel. A ma droite Nicolas Sarkozy, à ma gauche François Hollande. Les autres… Mais quels autres candidats ? Disons-le tout net, il y a là un vrai problème : pour la plupart des gens, ceux qui ne consomment en politique que du Pernaut ou du Pujadas, les autres sont là pour la figuration ou pire, n’existent tout simplement pas, et n’existeront pas jusqu’au 18 mars, date de la mise en place d’une très hypothétique égalité du temps de parole médiatique.
En attendant, on se repaîtra de sondages, d’analyses, de comparatifs déversés parlant d’un match obligé de second tour, écrit d’avance dans sa composition, mais aussi dans son résultat. Ça n’est certes pas illogique, ni absurde, personne ne s’attend sérieusement à un second tour Dupont-Aignan vs Poutou, au grand regret de mes amis Desgouilles et Cohen. Mais on peut se demander pourquoi le président sortant revient autant en force dans les analyses, alors même qu’on s’évertue à dire partout qu’il n’a pas fait un si bon début de campagne que ça.
Si ça se trouve, Nicolas Sarkozy revient dans le match parce qu’il n’a pas fait un si mauvais début de campagne que ça. Je ne parle pas du fond : dans le tourbillon d’attaques, de suivez-mon-regard, de tacles et de référendums, il est parfois difficile de savoir de quoi on parle vraiment. Mais sur la forme, le retour énergique du Monsieur 100 000 volts de 2006-2007 est, vu d’ici, plutôt convaincant. Si Sarkozy sait faire une chose, c’est bien faire campagne. Et tant pis pour les grincheux qui trouvent qu’il a perdu ceci, qu’il fait moins cela. J’attends le moment de bravoure du meeting dans une zone ouvrière avec un discours beau comme l’antique sur l’industrie, la France et ses élites, ses corps intermédiaires qui étouffent le pays. Et bilan ou pas bilan, Gandrange ou pas Gandrange, je sais d’avance qu’il sera bon.
Sarko revient aussi parce qu’à y regarder de plus près, les chiffres des sondages du premier tour se resserrent peu à peu avec François Hollande. Trois points ici, cinq là. En vérité, pas grand-chose mais le « trend » est là : le sortant grignote son challenger piano mais sano. Certes, au vu des mêmes sondages, le second tour a toujours des allures de référendum nord-coréen. A ceci près qu’avant de construire des châteaux à Pyongyang, il faudra d’abord dépouiller à Montluçon et Saint-Dié. Et là, c’est pas tout cuit.
Le journaliste, à la lecture des chiffres de la première semaine de la campagne Sarkozy, redevient alors subitement prudent. Et si on l’avait enterré un peu vite, le méchant président sortant ? Et hop, coup de barre à droite, circonvolutions et retour à la théorie de la bipolarisation très Vème République flamboyante.
Ce faisant, on commet peut-être une erreur. Il n’y a pas de proportionnelle, il n’y en aura pas d’ici trois mois, et les législatives se solderont dans bien des cas par des échecs cuisants pour les candidats alignés sur un troisième homme ou une troisième femme de la présidentielle. Mais on ne peut sans doute pas rayer Marine le Pen, François Bayrou, ou Jean-Luc Mélenchon de la carte car tous trois pèsent lourd, idéologiquement et électoralement, dans la campagne. C’est à se demander si à force de les reléguer dans des postures de candidats pas sérieux (au sens où il ne peuvent prétendre au référendum du second tour) on ne renforce pas la volonté de certains électeurs mécontents. Le vote utile ne fait guère envie, alors si les médias rabâchent que tout est joué d’avance… J’exagère ? Demandez donc à Balladur ou à Jospin ce qu’ils en pensent …
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