On a tort de se moquer d’Arnaud Montebourg surtout quand c’est Arnaud Montebourg qui se moque du monde. Notamment quand il s’est moqué de ses 17% d’électeurs lors de la primaire socialiste où il s’était fait le chantre de la démondialisation et du protectionnisme intelligent avant de rallier François Hollande, son social-libéralisme, son TSCG auquel devait, au cours d’une renégociation, s’adjoindre un volet pour la croissance dont il semble désormais qu’il soit purement virtuel. On rappellera qu’il a fallu un simple envol de pigeons sur des réseaux sociaux pour que Bercy rentre à la niche, par peur de se voir reprocher de vouloir casser le moral des entrepreneurs, les vrais, les jeunes qui « ne font pas de politique » mais qui savent pourtant utiliser Facebook comme une arme de propagande remarquablement efficace.
Mais revenons à Montebourg. Tout le monde s’est moqué de lui quand, pour défendre le made in France, il est paru à la une du supplément magazine du Parisien en marinière Armor Lux, tenant un mixer Moulinex et portant une montre Herbelin. C’est vrai que le look avait quelque chose de gay friendly, disons entre l’affiche du Querelle de Fassbinder, un défilé de mode façon Jean-Paul (Gaultier) ou une parade festiviste façon Jean-Paul (Goude) inoubliable depuis son défilé pour le Bicentenaire de la Révolution Française. À propos de Goude, on peut se demander si Arnaud Montebourg, en s’exposant ainsi, ne lui a pas demandé subliminalement d’en organiser un sur le thème du Redressement Industriel, qui pourrait avoir lieu le 14 novembre.
Pourquoi le 14 novembre ? Eh bien parce que le 14 novembre, il faudra un bon écran de fumée pour cacher l’appel à la grève générale européenne à l’initiative de la Confédération Européenne des Syndicats. La situation doit-être grave pour que la CES, qui ferait passer la CDFT pour un syndicat de luttes des classes et non un tranquille négociateur qui croit sans rire que les discussions autour du « choc de compétitivité » sont autant de possibilités de progrès social, se mobilise de la sorte. La journée du 14, à laquelle s’est ralliée la CGT, risque d’être une réussite. Après tout, la CES, c’est quand même 85 organisations dans 36 pays européens ainsi que 10 fédérations sectorielles. La confédération européenne précise que cette journée prendra diverses formes, « grèves, manifestations, rassemblements et autres actions” et elle s’est déclarée “fermement opposée aux mesures d’austérité qui font plonger l’Europe dans la stagnation économique, voire la récession, ainsi qu’au démantèlement continu du modèle social européen”. Chez les Espagnols , les Portugais et les Grecs, quelle surprise, la forme de la grève générale sera clairement choisie. On se demande quand cessera cette résistance absurde à la raison économique et aux harmonies spontanées si visiblement à l’œuvre dans ces pays depuis quelques années.
On comprend donc que Montebourg ait envie qu’on parle d’autre chose. Et il pourra se vanter au moins d’une chose, très concrète, à mettre à son bilan. Sa prestation a permis à Armor Lux de voir son chiffre d’affaire en octobre 2012 faire un bond de 8%. « Grâce au ministre, on en a vendu plusieurs centaines de pièces depuis samedi. Aux Galeries Lafayette, boulevard Haussman, à Paris, c’est même la rupture de stocks… », se réjouit Jean-Guy Le Floc’h, le PDG d’Armor-Lux. On souhaite le même bonheur à Moulinex qui doit se souvenir que si la marque a été sauvée de justesse il y a quelques années, ce n’est pas grâce à un ministre quelconque qui se serait montré en train de préparer un jus multivimaniné mais par un bon vieux mouvement social.
En tout cas, de la part de Montebourg, ce sont des manières plus douces pour faire oublier la casse sociale que celle préconisée par Ignacio Cosido, directeur général de la police espagnole. Monsieur Cosido, soutenu par le gouvernement, aimerait bien qu’une loi soit votée, une loi qui interdirait « la capture, la reproduction et l’édition d’images, de sons ou de renseignements sur des membres de la sécurité ou des forces armées » La diffusion d’images et de vidéos sur les réseaux sociaux tels que Facebook seraient également punies. « Nous essayons d’éviter que des images de policiers soient téléchargées sur les réseaux sociaux, et qui représentent une menace qui sur eux et leurs familles ».
Monsieur Cosido est un humaniste, on le voit, mais un humaniste qui a sans doute lu Guy Debord : « Ce dont le Spectacle peut cesser de parler pendant trois jours est comme ce qui n’existe pas. Car il parle alors de quelque chose d’autre, et c’est donc cela qui, dès lors, en somme, existe. »
Et il est vrai que les brutalités policières contre des manifestants qui – rappelons-le – ne sont pas des délinquants, ont été assez fréquentes en Espagne avec des policiers ne portant pas leur badge d’identification alors que le règlement l’exige. Mais si on ne le voit plus, ça n’existera plus. Ce n’est pas plus compliqué que cela.
Il y a peut-être aussi que monsieur Cosido voudrait bien que l’on ne revoie pas cette image un peu gênante d’un patron de restaurant un patron se déclarant clairement de droite et qui avait quitté une Amérique latine trop bolivarienne à son goût pour s’installer à Madrid. Il avait tellement été indigné par les méthodes de la police qu’il avait sanctuarisé son restaurant et protégé nombre de manifestants du matraquage.
On remarquera sur la photo que lui, il ne porte pas de marinière.
*Photo : Le Parisien Magazine.
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