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Les lecteurs sont des menteurs


Les lecteurs sont des menteurs

Il revient chaque année au moment des soldes et de la galette des rois : le baromètre de confiance dans les médias, réalisé par TNS-SOFRES pour le journal La Croix. Il intervient comme une sorte de pénitence que le quotidien catholique s’inflige et inflige à l’ensemble de la profession, pour compenser les excès dont les médias se sont rendus coupables durant la période des fêtes en matière d’incitation à consommer, de pub pour des montres à vingt patates et autres fanfreluches dont le prix est inversement proportionnel à la quantité de tissu qu’il a fallu pour les réaliser.

Chaque année le même verdict tombe, massif et sans appel : une imposante majorité de Français (plus de 60 %) estiment que les journalistes ne sont indépendants ni des pressions du pouvoir, ni de celles de l’argent. La cuvée 2009 du sondage est encore pire que les précédentes, car elle enregistre une augmentation de 4 à 5 points de la méfiance du public envers les professionnels de la profession.

En revanche, quand il est question de l’adéquation entre les nouvelles et la réalité, les personnes interrogées se partagent à peu près à égalité : la moitié croit ce qu’on lui dit, l’autre non. Ce qui prouverait, entre parenthèse, que 10 % des Français estiment que des journalistes à la botte du pouvoir et corrompus jusqu’à la moelle peuvent faire leur boulot tout à fait honnêtement.

Une bizarrerie, qui revient également tous les ans, confère à la radio un avantage en termes de crédibilité sur la presse écrite et la télévision, bonne dernière dans l’échelle de confiance accordée aux divers médias : sans doute « l’effet Pinocchio » qui explique que le téléspectateur croit voir le nez d’un journaliste de télé s’allonger à mesure qu’il parle. Internet, présent depuis trois ans dans le sondage, ne peut encore être mis sur le même plan que ses aînés, en raison de sa moindre pénétration dans les foyers, mais voit sa cote de crédibilité grimper en flèche, ce qui n’est que justice, vu que ceux qui transmettent de l’information par ce biais ne gagnent rien ou des clopinettes et ne figurent pas dans les promotions de la Légion d’honneur.

Hormis le fait qu’il est très désagréable d’être moins bien considéré que les huissiers de justice ou les vendeurs de voiture d’occasion, les journalistes seraient en droit de s’interroger sur la validité du jugement portés par des non-professionnels sur leur manière de travailler, et sur le résultat de leur travail. On serait plus porté à croire ces sévères censeurs s’ils se détournaient massivement des produits frelatés qu’ils prétendent mépriser pour se tourner vers l’information de qualité qu’ils assurent désirer.

Or, leur point de vue – celui qu’ils expriment lors du sondage – est en permanence contredit pas leur comportement. C’est le syndrome Arte : la chaîne franco-allemande arrive toujours en tête des enquêtes de satisfaction… et dans les profondeurs du classement des audiences. Cherchez l’erreur.

Pour commencer, les lecteurs-auditeurs-téléspectateurs n’ont jamais été si nombreux à proclamer « un grand » ou « un assez grand intérêt » pour les médias. On pourrait en tirer la conclusion que la moitié de la population française est composée de masos qui éprouvent une jouissance perverse à se faire bourrer quotidiennement le mou par une bande de courtisans prévaricateurs.

Mais là où les usagers des médias battent tous les records de mauvaise foi, d’hypocrisie et d’insolence, c’est quand on leur demande d’évaluer si les médias ont trop, suffisamment ou pas assez parlé de divers sujets, dont une liste est proposée par les sondeurs.

En tête du « on en a trop parlé », figure la grossesse de Rachida Dati. Futilités, frivolités, pipolités, assez ! Sur la première marche du podium du « on n’en a pas assez parlé », c’est le triomphe de « la faim dans le monde ». Parlez-nous des vrais sujets. Je vous propose un test. Placez-vous devant une bouche de métro avec deux piles de journaux proposés à un prix équivalent, voire gratuitement. La couverture du premier nous montre Mme le Garde des Sceaux donnant le sein à la petite Zohra et sur l’autre, une Africaine présentant un sein décharné à un nourrisson au ventre ballonné et aux yeux couverts de mouches. Et on fait les comptes en fin de journée.

Non, décidément, ces bon dieu de nom de dieu de curetons de La Croix n’arriveront pas à nous fiche la honte, ni à nous amener en masse dans les confessionnaux réservés à la corporation. Soutiers de l’info ou vedettes du PAF seront en 2009, comme ils furent en 2008, objets simultanés de l’envie et du mépris de leurs concitoyens, à l’image d’une autre profession, réputée plus ancienne. Et si nous sommes comme ça, corrompus, à plat-ventre devant les puissants, soucieux de la vérité comme d’une guigne, c’est que nous sommes à l’image de ceux qui nous lisent, nous entendent et nous regardent.



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