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Macronistes: c’est jeune et ça sait tout?


Macronistes: c’est jeune et ça sait tout?
Les Jeunes avec Macron réunis à Paris lors du débat d'entre-deux-tours de la présidentielle, 3 mai 2017. SIPA. 00805061_000003
Les Jeunes avec Macron réunis à Paris lors du débat d'entre-deux-tours de la présidentielle, 3 mai 2017. SIPA. 00805061_000003

Passant tout à l’heure devant les panneaux d’affichage plantés devant la mairie de ma ville de province, un Cochons-sur-Marne comme un autre, et même mieux que d’autres, car j’y suis très volontairement captif, je glissais un regard vers les affiches électorales qui les décoraient. Je retrouvais sans surprise, à gauche, le front bas d’un nième apparatchik en surcharge pondérale dont on devinait que la grande ambition avait été de devenir fonctionnaire territorial de catégorie B, et, à droite, un visage déjà las où je reconnaissais certains des traits de ses père et grand-père, un temps élus de la circonscription, mais dissous dans une veulerie sans nom.

La jeunesse qui ne craint pas la mondialisation

C’est pourtant l’image d’un autre candidat, celui d’un tout nouveau parti, qui m’arrêta. Jeune, coiffure à la mode, lunettes à la mode, barbe à la mode, sourire à la mode, regard à la mode, dents à la mode, sa totale adéquation avec la moderne branchitude, détonnant, il faut bien le dire, sur le reste du lot de ses compétiteurs, provoqua en moi comme un choc. Et tandis que je fixais ce portrait dans ses yeux rieurs de prochain vainqueur me revint la formule de Jose Ortega Y Gasset prédisant « le règne du señorito satisfait ».

« Si l’on étudie la structure psychologique de ce nouveau type d’homme-masse – écrivait l’auteur espagnol – (…) on y relèvera les caractéristiques suivantes : l’impression originaire et radicale que la vie est facile, débordante, sans aucune tragique limitation ; de là, cette sensation de triomphe et de domination qu’éprouvera en lui chaque individu moyen, sensation qui l’invitera à s’affirmer lui-même, tel qu’il est, à proclamer que son patrimoine moral et intellectuel lui paraît satisfaisant et complet. Ce contentement de soi-même l’incite à demeurer sourd à toute instance extérieure, à ne pas écouter, à ne pas laisser discuter ses opinions et à ne pas s’occuper des autres. Cet intime sentiment de domination le pousse constamment à occuper la place prépondérante. Il agira donc comme s’il n’existait au monde que lui et ses congénères »[1. José Ortega Y Gasset, La révolte des Masses (1926), Paris, Gallimard, Idées, 1961, p.143s.].

La France des passe-droits

Cette jeunesse de nos affiches, qui ne craint pas la mondialisation, source d’enrichissement sur tous les plans, du gustatif au placement boursier, et qui rassemble les diplômés ouverts sur l’étranger, la tête déjà dans le monde de demain, prétend s’être faite toute seule et avoir le droit à tout tout de suite. Or elle a bénéficié d’une des plus extraordinaire captation de pouvoir que l’on ait vu depuis bien longtemps, et son parcours, loin de relever d’une méritocratie qui en ferait, au moins, la gagnante « à la loyale » d’un darwinisme social aux dents étincelantes, doit beaucoup à ces réseaux qui ont permis son parcours au moins autant que ses capacités.

Car d’autres qu’elles ont choisi l’établissement de ses études, public d’excellence, au besoin en contournant la carte scolaire, ou privé pour lequel on ne compte pas. D’autres ont réussi à la regrouper dans des classes de niveau, l’ont aidée pour toutes ces activités à demi ludiques qui remplacent les évaluations et augmentent encore la discrimination, ont su trouver les indispensables stages, et permis à des dossiers de devenir prioritaires. Et pour justifier cette absence criante de méritocratie aux yeux des naïfs, d’autres encore ont simplement panaché les filières d’excellence réservés à cette pseudo-élite par l’adjonction de produits de la discrimination positive, ajoutant de l’injustice à l’injustice

Les passe-droits ont certes toujours existé, mais ils n’étaient pas niés par leurs bénéficiaires, quand cette jeunesse, piégée dans le discours ambiant, ou peu soucieuse de remise en cause personnelle, croit, ou feint de croire, ne tout devoir qu’à elle-même… et donc rien à personne. Et quand les générations précédentes se rebellaient, celle-ci se contente de nier, d’occulter, d’écarter.

Ghettos de riches

D’écarter, par exemple, les indésirables des ghettos où elle vit, mais, en prétendant respecter la diversité sociale. Et c’est ainsi que des représentants de minorités visibles seront invités à exercer des emplois peu qualifiés à moindre coût, lui permettant de disposer de personnel de maison plus facilement que ses parents, et de commerces ouverts sur le monde et à toute heure .

Mais d’écarter aussi ces familles qui l’ont portée dès qu’elles lui sont à charge : tout n’est pensé qu’en termes de facilités et de droits, l’aboutissement étant la mise à l’écart physique du parent devenu encombrant. La seule cérémonie familiale dans laquelle elle se complaît est un mariage devenu cette autocélébration larmoyante pour laquelle elle a réinventé l’ennui des « soirées-diapos » de ses géniteurs.

« C’est un homme qui est né pour faire son bon plaisir » conclut Ortega du « señorito satisfait ». On peut à bon droit être inquiet de ce que fera de son pouvoir cette jeunesse née dans le mensonge pour éviter de voir un jour son reflet dans un miroir qui ne soit pas celui de son ego.

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est professeur de droit public à l'université de Caen. Il est l'auteur des "grands discours du XXe siècle" publié chez Flammarion

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