Notre chroniqueur, enfin revenu du Japon, a voulu faire, en guise de bilan, une comparaison entre la France et un pays à délinquance zéro. Ses conclusions, bien sûr, lui appartiennent…
Regardez bien la photo ci-dessus : les vélos abandonnés par leurs propriétaires sont alignés sans antivol, toute la journée, dans les galeries commerciales d’Osaka. Le soir, les cyclistes retrouveront leurs montures intactes : il n’y a pas de vol au Japon. Ni rien de cette petite délinquance qui use les nerfs de nos concitoyens. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
La police est très discrète dans l’archipel. Elle n’est armée que de bâtons — mais qui sont de vraies armes entre les mains d’hommes formés à la pratique intensive du kendo. Il n’y a pas de gens dodus ni essoufflés ici. En 15 jours, j’ai croisé trois obèses — tous trois Chinois en villégiature.
La garde à vue, au Japon, dure 22 jours — sans possibilité de passer un appel et sans avocat — sinon à des tarifs invraisemblablement élevés sans garantie que cela serve à quelque chose, et sans autre possibilité que d’avouer. Si vous faites mine de vous rebeller par exemple, si vous utilisez une autre langue que le japonais, on vous collera une seconde inculpation sur le dos, avec à nouveau 22 jours de garde à vue.
Pendant la garde à vue, vous êtes interrogé 12 heures par jour, avec hurlements pleine face, interrogatoire agrémenté de shaking, voire de coups de bâton derrière les rotules. On vous explique gentiment que les 22 jours servent à attendrir la viande, comme on dit, et à laisser aux bleus le temps de disparaître.
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Vous êtes nourri exclusivement de riz et d’eau, avec une douche par semaine. Pas de dérogation : Carlos Ghosn y a eu droit comme tout le monde. Etonnez-vous qu’il ait perdu 17 kilos en trois mois — sans possibilité de communiquer avec son épouse, qui ne parlait pas japonais.
Le principe de départ est que vous êtes coupable. C’est à vous de prouver que vous êtes innocent. Précisons qu’à 99% les juges entérinent le procès-verbal policier, et que les tribunaux suivent à 99% les ordonnances de renvoi des juges. Le Syndicat de la Magistrature, ici, connaît pas.
Je me suis pris à rêver du travail que feraient 300 policiers nippons débarquant à Marseille et appliquant dans les Quartiers Nord le droit japonais. Mais il faudrait aussi importer le droit nippon.
Une précision : il n’y a pour ainsi dire pas d’immigration au Japon. Quelques Coréens. La seule femme voilée rencontrée en deux semaines était une touriste moyen-orientale. Les Japonais ne s’en plaignent pas. C’est de toute façon une société de castes, où les burakumins (descendants des anciens corroyeurs), plus bronzés que les autres, ne peuvent se marier qu’entre eux.
Pas de délinquance ordinaire — ils ont des racketteurs yakuzas, une grande délinquance économique, et c’est tout —, et pas un papier par terre. Ni un mégot. Alors même qu’il y a fort peu de poubelles dans les rues, sinon dans les gares ou devant les kombinis, ces épiceries ouvertes quasi 24 h / 24 où vous pouvez tout acheter. Les gens conservent leurs déchets.
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On se déplace majoritairement en train, au Japon. Toutes sortes de trains, depuis les métros, tramways, lignes de banlieue jusqu’au shinkansen, le TGV local — pendant qu’en France, sous prétexte de rentabilité, on a supprimé des centaines de petites lignes et bradé le Réseau ferré national à des compagnies privées exotiques. Jamais observé une minute de retard. Et les contrôleurs qui arpentent les rames en permanence saluent les passagers avant de quitter un wagon pour un autre. C’est un pays où la plus exquise politesse règne en maître.
Ajoutons qu’ils sont assez malins pour disposer dans les métros des poignées à trois niveaux différents, de façon à ce que grands et petits puissent se tenir.
Le coût de la vie est très inférieur à celui de l’Hexagone. On mange fort bien pour 15€ par personne. Les très grands hôtels seuls sont à des tarifs internationaux. Et si vous voulez passer un 5 à 7 avec une personne de votre choix, vous trouverez autour des gares des hôtels fort bien tenus offrant un tarif horaire.
À notre retour en France, nous avons transité à Roissy. Nous étions partis et arrivés impeccablement à l’heure. Mais la correspondance Paris / Marseille s’est offert 45 mn de retard — « à cause de la grève perlée des contrôleurs aériens ». Arrivant d’un pays où la grève effective n’existe pas, nous avons tout de suite compris que nous étions rentrés au pays : hier, on nous a volé notre voiture, garée imprudemment dans une rue de Marseille. Et le TGV dans lequel j’écris cette chronique, 10 mn après son départ, a déjà 5mn de retard.
Je fais quelques économies et je repars !