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Les Indignés de la République


Les Indignés de la République

Au PS même volonté de pathétisation, si on met de côté le blabla traditionnel sur l’échec de l’intégration. Pour Julien Dray, les autorités politiques et sportives «ne prennent pas la mesure de ce qui vient de se passer». Son pittoresque camarade Razzy Hammadie qui est, comme on peut le lire sur son site, « secrétaire national du PS à la Riposte », en rajoute dans le style Jules Ferry : « La République, en dépit de ses promesses non tenues, n’est pas à humilier en sifflant son Hymne » (les majuscules ne sont pas de moi, la syntaxe non plus).

Mais la grandiloquence n’est pas le monopole des Indignés. Les excuseurs professionnels en font aussi des tonnes. Personne ne songera à contester sa Palme d’or à Marie-George Buffet et à son analyse d’anthologie des sifflets comme « l’expression de gens en souffrance », qu’on croirait pompée chez le regretté Jacques Derrida (sauf que ce dernier aurait embrayé aussi sec sur souffrance et sous-France, n’en demandons pas trop à MGB). Quant à Arnaud Montebourg, toujours plus doué que les autres, il a trouvé le vrai coupable, c’est bien sûr notre « passé colonial ». Même discours pathétique, dans tous les sens du terme, sur le tout nouveau site du NPA d’Olivier Besancenot : « Ils feraient mieux de se demander pourquoi des jeunes, pour la plupart nés en France, ne se reconnaissent pas dans un hymne qui a servi de fond sonore à toutes les expéditions coloniales françaises, avec leurs lots de massacres et de destructions. »

Les Turcs, qui occupèrent la Tunisie bien plus longtemps et un tantinet plus sauvagement que les Français, savent désormais à quoi s’attendre la prochaine fois qu’ils viendront jouer à Paris. Plus sérieusement, on pourra constater que même si, sur cette affaire-là, les lignes ont bougé pour cause d’union nationale partielle autour des plis du drapeau tricolore humilié, on retrouve à l’œuvre notre couple infernal habituel racistes/antiracistes ici transmuté en stigmatiseurs/antistigmatiseurs.

En vérité, au-delà du « c’est bien » et du « c’est mal », au-delà ce qui semble être un combat au couteau, c’est bel et bien une unanimité que je vois là. Pour la voir comme je la vois, il suffit de ne pas écouter les paroles, mais seulement la musique : c’est une symphonie pathétique. Sur ce coup-là McLuhan avait raison : the medium is the message, il y a un consensus national chimiquement pur dans la dramatisation, qui va de Besancenot à le Pen.

Tiens, à propos, et Le Pen, dans tout ça ? Il y a vu, sans surprise, l’échec de « l’intégration de masses étrangères à notre culture ». Vrai ? Peut-être ! Mais un peu court, jeune homme… Si on parlait de plutôt de l’échec de l’intégration des masses tout court à notre culture, on commencerait à s’approcher du vrai problème. Qu’ils soient de souche ou de teint bistre, la plupart des jeunes, ainsi que leurs aînés, bref les gens d’en bas, sont exclus de et par la culture dominante. Alors, ils se vengent comme ils peuvent, chacun à sa main. En sifflant la Marseillaise. En chantant la Marseillaise ou la Danse des canards. En faisant un triomphe aux Ch’tis ou à un « Diner presque parfait » sur M6. En infligeant des scores d’Audimat pitoyables aux émissions de Picouly. En volant leur patron. En votant « non » au référendum sans même prendre le temps de lire le projet de Constitution ni même, parfois, la question posée sur le bulletin. En plastiquant les radars. En jetant exprès l’emballage de son Big Mac à côté de la poubelle. En envoyant bouler Jospin à la présidentielle. En jouant au Loto. En surfant plus volontiers sur Petites-femmes-nues.com que sur Causeur.

Vous voyez ce que je veux dire ? Si oui, alors, vous conviendrez avec moi que ce concert de sifflets n’a rien de dramatique. C’est un stigmate. On ne stigmatise pas un stigmate, et encore moins sa stigmatisation. Ces sifflets, c’est le réel qui nous rappelle au règlement. On aime ou on n’aime pas. Si vous n’aimez pas, si vous ne voyez pas ce que je veux dire, alors bravo, vous êtes mûr pour entamer une brillante carrière politique.



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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