Oublions l’affaire Alliot-Marie. Oublions les cantonales « tour de chauffe ». Oublions la jacquerie des magistrats. Oublions tout ça. Et amusons-nous avec l’UMP. Oui, le parti dirigé dorénavant par Jean-François Copé, et de main de maître, s’il vous plaît -pas comme cet emmanché de Xavier Bertrand, qui ne «savait pas faire vivre le débat». Aujourd’hui, ça fuse rue la Boétie. Et il faut vraiment qu’une polémique tunisienne ravageuse secoue Fillon IV pour qu’on oublie qu’au siège du parti, les idées se ramassent à la pelle. À tel point que l’adhérent de base, voire le député lambda est un peu à la ramasse.
Prenons l’exemple de la fiscalité. Chantier dit prioritaire pour 2011, grande réforme annoncée par Nicolas Sarkozy pour la fin du printemps, autant dire qu’il reste quelques mois aux audacieux pour se hausser du col et montrer au chef qu’ils ont des idées qui mériteraient bien un petit secrétariat d’Etat, si ce n’est maintenant, pour après 2012 quand même. Alors chacun des prétendants y va de ses rapports sur la convergence franco-allemande, de ses interviews sur l’indispensable rigueur budgétaire, de ses déclarations « plus sévère que moi avec les fonctionnaires, même pas en rêve thatchérien ça existe ».
Seulement voilà : à supposer qu’il y ait une orthodoxie financière de droite, on ne peut pas dire qu’elle soit vraiment suivie. Premier à faire n’importe quoi, Jérôme Chartier. Député UMP du Val d’Oise, membre assidu de la commission des Finances, il se tartine de la fiscalité en vain depuis des années. Il sort il y a trois semaines un rapport qui préconise ni plus ni moins que la taxation des plus-values lors de la revente d’une résidence principale, dès que la valeur de celle-ci dépasse 1,2 million d’euros, (actuellement, cette plus-value n’est pas taxée). Evidemment, Chartier avait oublié de prévenir Matignon, l’Elysée, Bercy et si ça se trouve l’UMP de son idée géniale. En vertu de quoi le taxeur c’est fait taxer de gauchiste par l’ensemble des députés de droite. Ainsi que par la totalité des notaires, marchands de biens, agents immobiliers qui ont tous hurlé à la solution simpliste, voire au retour des dessous de table si cette disposition devait voir le jour. Tous contempteurs qui n’ont pas pris la peine d’aller plus loin dans la lecture du fameux rapport. Dommage pour eux, car notre « gauchiste » suggère dans le même texte un sérieux allégement de l’ISF et son confinement aux patrimoines de plus de 4 millions d’euros.
Mais cette première salve a montré au moins une chose : la droite est à l’ouest, elle ne sait même plus trop comment servir sa clientèle électorale traditionnelle, celle qui déteste les impôts et a applaudi comme à un concert de Johnny lors de la création du bouclier fiscal. « Déjà qu’à cause des roms on a perdu les cathos, si maintenant on tape les proprios, plus personne ne va plus voter pour nous », soupirait, à l’Assemblée la semaine dernière, un député de droite revenu de tout.
Un spleen fiscal des godillots qui n’est pas près de s’éteindre : en pleine polémique interne sur le cas Chartier, l’UMP a remis le couvert en insistant sur l’augmentation nécessaire de la TVA (Copé, même pas peur), puis sur la nécessaire création d’une TVA sociale pour alléger les charges des entreprises (Jean Arthuis, une obsession personnelle). Point d’orgue, François Baroin, le ministre du Budget, a annoncé une révision constitutionnelle pour inscrire dans la loi fondamentale française la « règle d’or ». Un truc aux pouvoirs magiques qui grossièrement prévoit que dorénavant les budgets devront être présentés à l’équilibre sous peine de ne pas pouvoir être votés. Genre, puisque je ne sais guère être vertueux et que les crises se multiplient, autant se lier les pattes plutôt que de garder un poil de souveraineté ou de marge de manœuvre budgétaire (on parle la là des nano-pouvoirs que Bruxelles et Francfort ne nous avaient pas encore confisqués).
En attendant, le grand soir fiscal n’est pas pour demain matin. J’imagine que dans les semaines à venir, les professeurs Nimbus de la droite qui innove, propose et a des idées vont encore y aller de leurs suggestions imparables. Au nom du sacro-saint débat positif dans la majorité. Avec à la clef un beau bordel, qui en prime ne profite pas à la gauche. Même pas à François Hollande, dont les seules propositions vraiment innovantes -que personne n’a lues- parlent aussi fiscalité.
Bref, la stratégie de l’UMP de jeté permanent de confettis laisse sceptique. Surtout quand on cause directement au portefeuille de l’électeur. Sous le portefeuille, c’est un petit cœur qui bat. Et n’aime pas trop palpiter à 15 mois de la présidentielle.
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