Les Hongrois et la chute du mur de Berlin


Les Hongrois et la chute du mur de Berlin

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Ce dimanche 9 novembre, les Allemands célèbrent le 25ème anniversaire de la chute du mur de Berlin. À cette occasion, figurent parmi les invités le chef d’orchestre hongrois Iván Fischer et son compatriote Miklós Németh, dernier Premier ministre – réformateur – de la Hongrie dite communiste. Une participation active, puisqu’Iván Fischer improvisera un discours et dirigera le concert de gala donné à cette occasion au Konzerthaus de Berlin dont il est le directeur musical.

Car les Allemands n’oublient pas. Si, lors de cette mémorable nuit du jeudi 9 au vendredi 10 novembre 1989, les jeunes Berlinois purent ouvrir des brèches dans le mur pour se retrouver enfin avec leurs frères de RDA, ils le doivent en partie aux Hongrois. Hongrois qui, quelques mois plus tôt, leur avaient ouvert la voie en cisaillant – en grande pompe devant les médias du monde entier – les barbelés du rideau de fer (27 juin) pour laisser finalement passer en Autriche les citoyens de RDA réfugiés sur leur territoire (11 septembre). 25 000 d’entre eux allaient ainsi franchir librement la frontière en moins de trois semaines pour rejoindre leurs proches de la RFA.

Résidant alors en Allemagne, je me souviens parfaitement de l’émotion qu’avait suscitée l’événement. Au point que le très prestigieux Karlspreis (Prix Charlemagne) fut remis dès l’année suivante en présence du chancelier Helmut Kohl à Gyula Horn, ministre hongrois des Affaires étrangères au moment des événements, dont le nom fut même donné aux rues de plusieurs villes d’Allemagne. Je revois également toutes ces Trabants débarquer les week-ends suivants à Francfort où je vivais.

Ces événements, désormais bien connus, ont été largement commentés et vont continuer à faire couler beaucoup d’encre. Probablement moins connus sont certains dessous de l’affaire récemment révélés par le principal acteur et le principal témoin des événements en Hongrie: Miklós Németh (alors chef du gouvernement) et son ambassadeur à Bonn István Horváth.

Tout au long du printemps et de l’été 1989, des ressortissants de RDA étaient, comme chaque année, venus passer leurs vacances en Hongrie (où ils pouvaient retrouver, le temps des vacances, leurs proches de RfA). A cette différence près que cette année, l’immense majorité d’entre eux refusa de rejoindre le pays où le régime d’Honecker se faisait de plus en plus dur. Résultat: plusieurs dizaines de milliers de citoyens de RDA se retrouvaient en Hongrie désoeuvrés et sans moyens financiers, donc à la charge de l’État hongrois. Budapest venait de signer la convention de Genève sur le droit d’asile pour défendre les Hongrois de Roumanie réfugiés en Hongrie. Le gouvernement hongrois s’est alors trouvé devant un dilemme: que faire de ces Allemands de l’Est qu’il n’était bien sûr pas question de renvoyer? Comment concilier les engagements de la Convention de Genève sur le Droit d’asile et les obligations du Pacte de Varsovie ?

Par ailleurs, sur un plan purement technique, les installations du rideau de fer avaient considérablement vieilli et étaient à refaire pour la somme de… 50 millions de dollars.

C’est alors que, sur la demande du gouvernement hongrois, une rencontre secrète avec Helmut Kohl et son ministre Genscher eut lieu le 25 août au château de Gilnitz, près de Bonn. Y étaient seuls présents: les deux chefs de gouvernement, leurs ministres des Affaires étrangères (Genscher et Horn) et leurs ambassadeurs.

Les Hongrois font alors part à Helmut Kohl du dilemme auquel ils sont confrontés avec le sort des ces près de 80 000 Allemands de l’Est. Considérant le problème comme germano-allemand, ils interrogent Kohl sur sa réaction éventuelle s’ils les laissent sortir. Ému, Kohl les remercie, assure qu il les acceuillera et demande à ses interlocuteurs hongrois ce qu’ils attendent de lui en échange. Les Hongrois, prudents, renoncent à tout marchandage direct, de peur de compromettre le projet. Et par principe, le Premier ministre hongrois se refuse à monnayer le passage à l’Ouest de ces réfugiés, comme – dit-il – l’avait fait sans scrupules Ceaucescu en Roumanie avec ses ressortissants juifs et saxons. Toutefois, face à une probable pénurie en combustibles, les Hongrois obtiennent de Kohl une importante fourniture de charbon.

Au préalable, une consultation avait eu lieu en mars pour tâter Gorbatchev sur leurs intentions d’ouvrir le parlement à un système pluraliste et d’ouvrir l’économie. Gorbatchev avait acquiescé (mais il n’avait pas encore été ouvertement question d’ouvrir la frontière). Sur le principe général, Gorbatchev déclarait ne pas vouloir se mêler des affaires hongroises (et allemandes), s’en tenant à la promesse laconique suivante: « Soyez assuré que, tant que je serai en poste, 56 ne se renouvellera pas ». Par contre, quant au désengagement de la présence militaire russe, Gorbatchev incita ses partenaires à la patience pour ne pas affaiblir sa position lors de négociations – alors en cours – sur le désarmement.

Fait peu connu, c’est dès le 3 mars. soit six mois avant son ouverture officielle que Miklós Németh ordonna le démantèlement du rideau de fer. Mais sans trop de précipitation pour ne rien compromettre en alertant trop rapidement l’opinion, quitte à laisser bien en vue de la presse un tronçon de frontière en l’état.

La suite des événements, nous la connaissons.

*Photo : Markus Schreiber/AP/SIPA. AP21648382_000007.



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Diplômé des Langues'O (russe, hongrois, polonais), Pierre Waline est spécialiste de l'Europe centrale et orientale. Il vit a Budapest où il co-anime entre autres une émission de radio.

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