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Les gros sabots de Jean-Luc Mélenchon

Bien usés…


Les gros sabots de Jean-Luc Mélenchon
Évènement "La veille du 7 mars", Paris, avec Jean-Luc Mélenchon et Louis Boyard, 3 mars 2023. Photo : D.R.

Alors que les syndicalistes reprochent au chef de la Nupes de récupérer politiquement le mouvement de protestation contre la réforme des retraites, et déplorent le spectacle «indigne» et «honteux» donné par les députés d’extrême gauche à l’Assemblée (Laurent Berger, CFDT), Mélenchon se tourne vers les lycéens et les étudiants. Avec Louis Boyard, il les invite à bloquer, «tout ce que vous pouvez».


S’adressant aux lycéens et aux étudiants, Jean-Luc Mélenchon sait que les gros et bruyants sabots qu’il va chausser, en déclamant sans vergogne les plus plats slogans de la rhétorique gauchiste, ne seront pas remarqués par ce public dont la jeunesse est la seule excuse à la candeur. Pour leurs chastes oreilles, son discours pétille peut-être comme un enivrant champagne, alors qu’il n’est qu’une piquette éventée depuis longtemps. Notre Trotski de la Canebière, imprécateur, avait déjà tenté de se faire remarquer, en s’adressant à Macron lors de la manifestation du 21 janvier: « Soyez maudit ! »

Tribun ou prophète?

Lycéen de province en mai 68, il est certainement passé à côté de l’effervescence sorbonnarde dont il essaie parfois de retrouver les accents. Malheureusement pour lui, ses efforts pour singer les orateurs de mai sont assez pathétiques. Mélange de rhétorique hégelienne (c’est la contradiction qui fait la vie… la dialectique), d’économie marxiste (vous travaillez 10 heures, vous êtes payé trois… la plus-value sur le travail), et d’appel au peuple dans toutes ses composantes (ouvriers, paysans, jeunes, retraités…), rien ne manquera au plat éternellement réchauffé.

Son jeune acolyte, le député LFI Louis Boyard, avait déjà bien chauffé la salle: « Une fois que vous êtes dans la rue, ne vous arrêtez pas là…Si vous bloquez tous les lycées et toutes les universités, vous allez gagner le 7 mars. C’est le début de votre victoire. La perspective d’avenir heureuse est à portée de main, à portée de blocage… » On note la vieille antienne de l’avenir heureux. Les fameux « lendemains qui chantent », c’est un truc qui marche toujours. Et comme ça ne veut rien dire, ça n’engage à rien…

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Jean-Luc Mélenchon bien sûr élargit la perspective: « Si nous gagnons, nous allons marquer un point qui fera écho dans le monde entier !
… Il ne s’agit pas seulement de la réforme, mais d’un monde qu’il s’agit de faire tomber. »
Notre tribun voit loin et large, c’est le monde qui l’intéresse. Le monde qu’il s’agit d’abattre (ce qu’en mai 68 on appelait « le vieux monde »). Et l’humanité toute entière à entraîner, dont Mélenchon assure qu’elle observe ce qui se passe en France en ce moment. Comment ne pas songer ici au grand rêve trotskyste de la révolution internationale ? On sent bien que, derrière le prétexte de la retraite, c’est toujours la perspective révolutionnaire qui intéresse le patron de la Nupes, qui motive son action, qui est son unique passion.

Derrière l’appel à une sorte de généralisation des « AG » de salariés et de citoyens, c’est bien la vieille utopie des « Conseils » qui bégaie encore

Nous avons droit bien sûr à ce qui constitue l’alpha et l’oméga d’un bon bolchevik, l’appel à la réunion d’Assemblées Générales de salariés, mais aussi de citoyens. Derrière le concept anodin de l’AG, on sent bien qu’il faudrait plutôt entendre ce que l’on appelait autrefois des Soviets, puis de façon moins connotée des Conseils (traduction française de soviet). Conseils, ou soviets, qui devaient constituer la cellule de base de la démocratie léniniste et qui furent très vite abandonnés, voire carrément exterminés comme celui des marins de Cronstadt en 1921 par l’armée rouge sur ordre de Trotsky. Il faut dire que ces infâmes contre-révolutionnaires osaient réclamer: « Tout le pouvoir aux soviets et non aux partis ».

Puis, l’obsession révolutionnaire ose enfin se verbaliser, dans le cours du discours, discrètement, mais avec une sorte de gourmandise:  « Nous sommes dans un état d’insurrection citoyenne pacifique, mais ça se rapproche plus de ça que d’une journée de grève générale ».  « Insurrection pacifique »… Un bon révolutionnaire doit savoir manier les oxymores ! Derrière l’appel à une sorte de généralisation des « AG » de salariés et de citoyens, c’est bien la vieille utopie des « Conseils » qui bégaie encore. Quant à ce qu’il en est des « Assemblées Générales », tous ceux qui les ont fréquentées un jour savent qu’elles sont le contraire même de la démocratie. Parole à qui parle le plus fort, démagogie de tribune, et surtout vote à main levée dont on sait que, dans ce genre de contexte, ce n’est qu’une honteuse mascarade.

Nos jeunes Insoumis croient sans doute que la « pensée Mélenchon », comme on le disait de « la pensée Mao Tsé Toung », peut résoudre tous les problèmes. Ils déchanteront avant que les lendemains aient chanté.




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Réalisateur de films d'entreprises et institutionnels. Organisateur de spectacles.

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