Qui sera le champion de la Droite présidentielle en avril? Surprise!… mais qui ne voit que Macron occupe déjà la place – toute la place ?
Invinciblement, le système présidentiel – « la rencontre entre un homme et un peuple » – éveille les appétits. Prime à l’ego, à l’instinct, à ce qu’on appelait au Moyen Âge la libido dominandi. Macron leur a donné le mauvais exemple en mai 2017. Et chacun de se dire aujourd’hui : « Pourquoi pas moi ? » Et de promettre d’augmenter, de diminuer ou de supprimer ceci ou cela. Et de s’étriper en douceur sans se fâcher. Et de surenchérir entre eux en feignant avec un sourire crispé d’être bons camarades. Et de se croire prédestiné à défaut d’être déjà l’élu.
On appelle ça une Primaire.
Ils étaient cinq à briguer l’investiture du parti Les Républicains et à rêver d’un second tour à l’élection présidentielle le 24 avril. Mais, promis juré, dès lors que l’un d’eux sera désigné début décembre, il ne sera plus permis de proférer des vacheries envers un rival. On parle d’une seule voix, okay ? Ça peut marcher à gauche (sauf qu’à gauche rien ne marche) ou chez les Verts – encore que ! Mais à droite où l’on a le culte du chef, l’amour de l’obéissance, un penchant pour l’essor unanime et un franc mépris envers les minoritaires, n’est-ce pas risible – et fatal ?
MM. Lemaire et Darmanin ralliés au président Macron Ier peuvent-ils se réjouir de cette piteuse parade ? À coup sûr le Général, réticent aux simagrées et peu enclin à flatter les foules, en serait consterné. Comment ont-ils le culot de s’agenouiller devant sa mémoire ! On dirait une course de petits chevaux où chacun, plutôt qu’une vision de l’avenir, et faute d’incarner les idéaux défunts de son camp, défend à cor et à cri ses couleurs, son écurie, sa boutique.
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Qui sera le Roi ?
En lice :
– Michel Barnier, 70 ans, ancien commissaire européen et négociateur en chef du Brexit. Il est avec un phrasé un peu raide et une belle tête de père noble, le teint rose et le cheveu de neige, « l’homme qu’on n’a pas vu venir ». Longtemps éloigné de la vie politique nationale, cet ancien ministre de l’Environnement, des Affaires étrangères puis de l’Agriculture vante son expérience. Mais, à rebours de ses ferveurs européennes, il a proposé un moratoiredoté d’un « bouclier constitutionnel » sur l’immigration en réclamant la primauté du droit français sur le droit européen – les Polonais rigolent, ses amis un peu moins.
– Xavier Bertrand, 56 ans, président du conseil régional des Hauts-de-France. Un faux mou – et un vrai dur sous sa rondeur ecclésiastique. Il n’est pas du sérail, on le lui fait sentir. Il a fini par se soumettre à contrecœur au vote des adhérents de LR – il en sourit mais quand il sourit, il serre les dents comme pour taire une malveillance. Favori des sondages, l’ancien ministre de la Santé et du Travail se pose en « candidat naturel » de la droite – les autres seraient-ils surnaturels ! Saura-t-il amadouer les militants blessés d’un parti qu’il avait quitté en décembre 2017 pour faire la nique à Laurent Wauquiez ?
– Éric Ciotti, 56 ans, député et conseiller départemental des Alpes-Maritimes. On le connaît à ses grimaces de forban – c’est un « Niçois ». Son discours horrifie les plus tièdes, sa faconde plaît. Il entonne avec une pointe d’ail dans l’accent les antiennes lepénistes : suppression du droit du sol, instauration d’une « priorité nationale et européenne » sur l’emploi, les allocations et le logement. Excellent à l’oral, il abuse un peu de sa franchise – il propose un « Guantánamo à la française » afin de terroriser les terroristes. Grrr !
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– Philippe Juvin, 57 ans, maire de La Garenne-Colombes dans les Hauts-de-Seine. « Candidat des services publics », il est le seul à rompre avec le discours filloniste de sa famille politique. Il fait valoir son mandat local, son métier de médecin anesthésiste-réanimateur, son passé militaire en Afghanistan. Chef du service des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, il propose un « plan d’égalité des territoires » avec de nouveaux pouvoirs accordés aux collectivités locales, notamment en matière de santé et de sécurité. La pandémie le rend parfois pertinent.
– Valérie Pécresse, 54 ans, présidente du conseil régional d’Île-de-France. Comme Xavier Bertrand, elle a dû faire amende honorable et revenir au bercail. Elle avait quitté LR après l’échec aux élections européennes de 2019 et fondé son propre mouvement : Libres ! L’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et du Budget de Sarkozy se revendique « deux tiers Merkel, un tiers Thatcher ». Elle défend d’une voix douce le programme économique le plus résolument libéral – « Macron a cramé la caisse ! » ressasse-t-elle – et prône l’extension de l’âge de la retraite à 65 ans. On aurait tort de sous-estimer sa volonté et ses ambitions.
Le gaullisme avait ses barons, Maurras a eu des disciples, Chirac des clients (et de vieux copains), Sarkozy des groupies ; ils n’ont que des followers. La droite, si elle reste majoritaire dans l’opinion, ne compte plus que des élus ondoyants et sceptiques, des sectateurs nostalgiques de la Ligne Maginot, des abstentionnistes et des renégats – séduits par LaREM ou subjugués par Zemmour. Macron occupe toute la place. Dès lors, pas de demi-teinte, ils se croient obligés d’enfoncer le clou et de noircir le trait jusqu’à la parodie. Ils flattent ostensiblement les peurs en singeant l’extrême droite au lieu d’en offrir le seul remède – et d’en être le contrepoison.
Alors, qui sera le roi ? C’est déjà la question que pose La Fontaine dans ses Fables – c’est la leur et c’est aussi la nôtre. Question éternelle : comment relever la France !… La Fontaine nous révèle un trait singulier hérité des Gaulois : les Français qui sont le peuple le plus querelleur, le plus divisé de la terre, ne cessent d’espérer l’avènement d’un homme providentiel. Forcément déçus, aussitôt ils boudent, ils se réfugient dans l’abstention ou manifestent leur dépit dans la rue en arborant un gilet jaune – et en refusant de se faire vacciner ! Ils se croient moroses parce que la situation est catastrophique. En fait, non, la situation devient catastrophique parce qu’ils sont moroses.
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Relire La Fontaine. On croit qu’il songe et médite au bord de l’eau, en vérité le miroir qu’il nous tend est plus cruel qu’un sondage. Il se méfie des beaux parleurs fustigeant de préférence les imbéciles et les coquins. À la mort du Lion (qui dans ce pays s’est appelé de Gaulle), les prétendants les plus divers se déclarent. Chacun veut ceindre la couronne : les uns ont la tête trop grosse, d’autres l’ont trop petite. Un singe s’en coiffe, il est élu, le voilà roi ! Pas pour longtemps : le renard lui tend un piège où ce monarque éphémère s’empêtre. On le répudie sans délai.
Alors qui ? Qui sera le mieux placé pour se faire battre par Macron ?…