Si les Français se rendent justice eux-mêmes, ce n’est pas par désobéissance civile, mais une réponse à l’incurie de l’État. Les discours moralisateurs et culpabilisants ne serviront personne.
Face à la délinquance, la tentation de l’autodéfense (Le Figaro).
Devant ce constat : les ratés de la réponse pénale, la lenteur des procédures, les classements, les peines non exécutées, les difficultés de la police et de la gendarmerie pour interpeller et enquêter, le dévoiement des surveillances et des expéditions punitives, l’excellent Eric Delbecque, expert en sécurité intérieure, déclare «qu’on ne peut pas approuver cette sorte de nouveau Far West». Comme il n’appartient pas à la catégorie des sociologues compassionnels ou des analystes hémiplégiques – tout pour les transgresseurs, rien pour la société -, il doit être écouté.
Mais doit-il être entendu si son propos vise seulement à culpabiliser les citoyens qui en désespoir de cause pratiquent l’autodéfense ? Dans un monde idéal, dans une France où l’autorité régalienne, l’efficacité des forces de l’ordre, la rigueur et la cohérence judiciaires seraient à leur comble, le Far West – intrusion d’une justice expéditive dans l’État de droit – serait à rejeter absolument.
Mais dans notre pays aujourd’hui, nous sommes loin de cette excellence et depuis quelques années, l’autodéfense, ici ou là, apparaît comme une solution plausible face à l’incurie et à l’impuissance de nos organes officiels de protection et de répression. À l’exception de quelques justiciers compulsifs qui se font une joie d’intervenir là où ils devraient s’abstenir, la plupart des citoyens concernés se mêlent avec regret et même crainte de ce qui les regarde : leur sauvegarde, celle de leur famille, le respect de leur tranquillité et de notre vivre-ensemble républicain, la préservation de leurs biens.
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On ne peut se contenter de considérer que l’autodéfense pallie de plus en plus les défaillances de l’État de droit, de le déplorer sans s’interroger plus avant. Eric Delbecque, si je l’interprète bien, le souligne avec pertinence : derrière cette multiplication des épisodes de «justice privée», il y a une opposition, une résistance au politiquement, au judiciairement et au médiatiquement corrects.
Les victimes ne sont pas les transgresseurs mais celles que les délits et les crimes ont offensées, meurtries ou tuées. La présomption d’innocence est un principe essentiel mais il ne saurait prévaloir, sur un mode totalement artificiel, voire ridicule, quand il n’y a pas le moindre doute sur l’imputabilité des infractions.
Il ne faut pas avoir peur de cibler notre État de droit et d’accepter qu’au-delà de la révérence obligatoire qu’on lui manifeste, sa force, sa vigueur, ses richesses mais aussi ses limites soient questionnées.
Pour résumer, quand l’insécurité augmente, que les crimes et les délits poursuivent leur course malfaisante, que leurs modalités deviennent de plus en plus sauvages et que police et gendarmerie non seulement ne sont plus craintes ni respectées mais qu’on s’en prend d’initiative à elles, lorsque notre système de preuves fondé sur l’individu pris sur le fait devient radicalement inadapté aux violences collectives où le groupe protège chacun et interdit toute poursuite fiable et opératoire, il ne suffit plus de proclamer «État de droit», il convient de se demander ce qui doit être changé en son sein pour qu’enfin il réponde à l’attente des citoyens.
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S’il ne bouge pas quand tout démontre que son formalisme civilisé n’est plus acceptable dans son intégralité, c’est accepter que les choses empirent et que la réalité d’une France ensauvagée devienne encore davantage notre quotidien, et d’abord celui des plus faibles et des plus démunis d’entre nous.
On ne peut plus tolérer que police, gendarmerie et justice ne soient pas autorisées à distinguer, dans la masse des infractions et la multitude des auteurs, les responsabilités évidentes, immédiates et incontestables, avec la rapidité des procédures qu’elles devraient permettre, des affaires et des incriminations plus complexes. On ne peut plus laisser l’État de droit paradoxalement nuire à la Justice et étouffer le bon sens sous son byzantinisme.
Ce ne sont que des pistes qui devraient, concrétisées, rendre encore plus inexcusable la faillite régalienne du pouvoir qui confond l’invocation confortable de l’humanisme avec la fermeté d’une politique pénale digne de ce nom. Pour une telle révolution, quitter les cercles et les camarillas prétendument progressistes serait le premier impératif et le deuxième, ne pas mépriser par principe ce qui surgit du peuple en le qualifiant de populisme : autre manière de dénigrer ce que le pouvoir ne comprend pas ou ne veut pas entendre. (Voir mon billet du 23 août 2022 : «Changer l’État de droit pour protéger les Français…»)
Mais cette présomption d’innocence qu’on met à toutes les sauces, je la retiens et la réclame pour notre nation : les Français ne sont pas coupables…
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