La grande faiblesse des sociétés tolérantes, c’est qu’elles laissent exploiter cette tolérance par des fanatiques sans scrupules. C’est ce qui est arrivé et continue à arriver en France, face aux violences et menaces des islamistes. La même faiblesse se révèle aujourd’hui dans le discours idéologique du Nouveau Front populaire. Tribune de Jérôme Serri.
Que dit-on quand on dit que les Français souhaitent le retour de la droite ? Laissons de côté un instant les catégories politiques qui, pour commodes qu’elles soient, servent aux partis de gauche et aux médias à minimiser le sérieux des attentes d’une grande majorité de nos concitoyens. Droite, gauche, peu importe ! C’est le retour d’une conscience nationale et républicaine avec tout ce que cela exige de courage et d’honnêteté dans les orientations et les décisions que les Français espèrent depuis des années. Or, il y a longtemps que nos responsables politiques ne savent plus ce que signifie une telle conscience et encore moins ce qu’elle implique. Même si la classe politique s’obstine à fermer les yeux, la vulgarité sans précédent du chef de l’Etat dans l’exercice de la magistrature suprême annonçait, presque plus sûrement que la violence à l’égard des Français durant les crises des gilets jaunes, du covid-19 et des agriculteurs, que tout cela finirait mal.
Cette conscience – c’est bien là le drame – a même déserté le parti des héritiers du gaullisme tant est efficace le chantage électoral de leurs alliés centristes dont l’idéologie n’a rien à envier à celle des socialistes avec lesquels ils se retrouvent pour dénoncer l’idée de nation et croire pouvoir adapter les principes républicains à sa disparition. Comment la restauration du couple Nation/République, comme cadre pertinent de l’exercice de la démocratie, pourrait-il ne pas apparaître aux yeux des Français comme un projet d’une extrême urgence face à l’ignominie du Nouveau Front populaire ? Ne faut-il pas que le Parti socialiste soit devenu d’une extrême inconsistance pour qu’il se compromette avec l’antisémitisme islamo-gauchiste de La France Insoumise (LFI) et du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) ?
On s’indigne à juste raison des récentes investitures d’un fiché S ou d’un ancien dealer par le Nouveau Front populaire. Mais il y a pire. En passant honteusement l’éponge sur le soutien apporté par LFI au Hamas, le Nouveau Front populaire passe également l’éponge sur la responsabilité d’un certain mouvement pro-Hamas impliqué dans l’assassinat de Samuel Paty.
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Le 19 octobre 2020, le journal La Dépêche apprenait par une source proche du Gouvernement qu’un nommé Abdelhakim Sefrioui, le fondateur du Collectif Cheikh Yassine (du nom du fondateur du Hamas), avait accompagné au collège de Conflans-Sainte-Honorine le père d’une élève pour demander le renvoi de Samuel Paty qui avait montré des caricatures du prophète. Se présentant comme « membre du Conseil des imams de France », il avait aussi diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle il dénonçait le professeur en le qualifiant de « voyou ». C’est également lui qui avait interrogé, dans une autre vidéo, la fille du parent d’élève et appelé à la mobilisation. Si le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard n’avait fait devant la presse aucune connexion entre cet homme et le tueur, le préfet de Police de Paris, Laurent Nunez, considérait toutefois qu’il existait sans aucun doute « un lien indirect ». Fin juin 2021, Abdelhakim Sefrioui, détenu depuis octobre 2020, sera finalement poursuivi pour « complicité d’assassinat terroriste » et accusé d’avoir ciblé publiquement la victime et d’avoir « facilité la définition du projet criminel par le tueur ». Il sera jugé, avec sept autres adultes, devant la cour d’assises spéciale de Paris dans quelques mois, fin 2024.
L’actualité quotidienne chassant jour après jour celle qui la précède, la mise en perspective des événements qui seule permet d’en mesurer la gravité, est d’autant plus difficile que nos responsables politiques sont aujourd’hui peu pressés de dire la vérité aux Français tant ils savent qu’à force de petites lâchetés ils se sont mis dans l’incapacité de faire face à l’aggravation de la situation.
Le mouvement d’Abdelhakim Sefrioui que les services surveillent depuis les années 1980 a géré « le site de l’association cultuelle Ansar-al Haqq, une plateforme de recrutement pour partir faire le jihad ». Avec ce Franco-Marocain nous sommes en présence d’un activiste musulman fanatique devant lequel, comme devant d’autres, on a eu tort de ne pas se souvenir d’une mise en garde de Thomas Mann datant de 1935 mais toujours d’actualité : « Tout humanisme comporte un élément de faiblesse, qui tient à son mépris du fanatisme, à sa tolérance et à son penchant pour le doute, bref, à sa bonté naturelle et peut, dans certains cas, lui être fatal. Ce qu’il faudrait aujourd’hui, c’est un humanisme militant, un humanisme qui découvrirait sa virilité et se convaincrait que le principe de liberté, de tolérance et de doute ne doit pas se laisser exploiter et renverser par un fanatisme dépourvu de vergogne et de scepticisme ».
En brandissant par deux fois le drapeau palestinien dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale les 28 mai et 4 juin derniers, c’est l’emblème sous lequel eut lieu le pogrom islamiste dans le sud d’Israël que brandissaient les parlementaires de La France Insoumise. C’est sous cette bannière que s’était rangé Abdelhakim Sefrioui, responsable avec d’autres, même indirectement, de la décapitation de Samuel Paty. On comprend mieux que Philippe Poutou, malgré sa déclaration sur « la police qui tue », ait reçu l’investiture du Nouveau Front populaire pour se présenter à Trèbes, la ville où le colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, qui avait pris la place d’un otage, avait été assassiné par un terroriste islamiste.
Toujours le 19 octobre 2020, dans une interview accordée à Europe 1, Gérald Darmanin désignant le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France) comme « ennemi de la République », déclara : « le père qui a lancé une ‘fatwa’ contre ce professeur fait référence clairement à cette association, c’est une association qui touche des subventions d’État, des déductions fiscales et qui dénonce l’islamophobie d’État ». Aussi la dissolution du CCIF sera-t-elle prononcée le 2 décembre 2020 en Conseil des ministres.
Sans marcher bien sûr sur les pas de La France Insoumise, le Sénat s’est toutefois déshonoré en acceptant, sans rien dire, un camouflet de ce CCIF. Celui-ci en effet ne s’était pas présenté – les Français le savent-ils ? – à l’audition à laquelle il avait été convoqué par la commission d’enquête sénatoriale sur « la radicalisation islamiste ». A l’un des sénateurs qui demanda à la présidente de cette commission : « N’est-ce pas obligatoire de se présenter devant la commission d’enquête ? », celle-ci répondit : « Oui, c’est une obligation à laquelle on ne peut se soustraire. Nous nous réservons le droit d’envisager des suites ». Le rapport fut remis au président Gérard Larcher début juillet 2020, quelques semaines avant l’assassinat de Samuel Paty. Il n’y eut bien entendu, manque de courage oblige, aucune suite.
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De cette lâcheté qui eut lieu dans le huis clos de la Chambre-haute du Parlement, les Français n’ont pas été au courant. Comme ils ne l’ont pas été non plus du refus de l’ancien président du Sénat Christian Poncelet (ancien RPR, puis UMP) d’installer le drapeau de la Nation dans l’hémicycle. Parce que le bureau du Sénat, consulté, n’avait pas été unanime. On imagine que les voix qui s’y opposèrent n’étaient pas les moins intéressées par le projet de faire de l’Europe une fédération dont la souveraineté annulerait celle de la France. Cette installation du drapeau tricolore dans l’hémicycle fut repoussée jusqu’à ce que Gérard Larcher, à son tour sollicité, finisse par le faire installer à contre-cœur, et comme en catimini, en usant d’un stratagème qui lui permettait de ne pas être considéré comme l’auteur de cette décision par ses amis centristes dont les voix lui sont nécessaires pour se faire réélire à la Présidence du Sénat.
Le manque de courage devant l’islamisme radical qui ne cesse de s’en prendre gravement à la République et recrute ses collaborateurs à gauche, allié à une incessante abdication devant un extrême centre qu’indispose l’idée d’une Europe des nations, cette double soumission assortie de trahisons a annihilé à droite toute conscience nationale et républicaine, et amené le pays au chaos politique, social, économique, culturel et peut-être demain institutionnel.
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