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«Les Éternels»: film Marvel pour milléniaux vertueux

Un film de super-héros assez "révolutionnaire"


«Les Éternels»: film Marvel pour milléniaux vertueux
Brian Tyree Henry à la première du film à Los Angeles, 19 octobre 2021 © Jordan Strauss/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22616624_000077

Les temps changent. « Les Éternels », le nouveau film Marvel de la réalisatrice chinoise à la mode Chloé Zhao, démontre qu’Hollywood en a terminé avec des décennies de messianisme américain…


Puisque je disposais de tarifs réduits et d’un passe sanitaire, et qu’il faut bien occuper son temps, je me suis retrouvé il y a quelques jours au cinématographe, voir Les Eternels, le dernier Marvel. L’idée de me retrouver enfermé dans une salle noire, devant les prouesses de super-héros sautant de toit de voiture en toit de voiture pendant deux heures trente-sept ne m’emballait qu’à moitié ; mais au moins, c’était l’occasion de prendre le pouls des idées à la mode.

Marvel, c’est plus comme avant!

Je n’avais pas dû voir un film de Marvel depuis exactement vingt ans. J’ai souvenir de quelques illustrés parcourus rapidement dans ma jeunesse, avec des personnages en collant jaune ou rouge. Un peu oubliés dans les années 1990 me semble-t-il, les héros de Marvel sont revenus en force dans les années 2000, allant jusqu’à un rythme de six sorties de films rien que pour l’année 2018. Si j’étais un petit peu taquin, je dirais que la non-sortie de films Marvel restera parmi les petites choses qui nous feront regretter les années Covid. Entendons-nous ; qu’il y ait un cinéma pour adolescents, de cape et d’épée (laser), pourquoi pas. C’est un peu plus pénible quand tout une classe d’âge, les 20-35 ans, se réunit dans une adulescence qui n’en finit pas. Heureusement, notre surmoi libéral-démocrate nous permet d’accepter que de telles choses existent.

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Pour résumer l’histoire, une escouade d’extra-terrestres, à peu près immortels (plus encore qu’Alain Finkielkraut) a été envoyée sur Terre pour protéger l’humanité contre d’autres créatures bien décidées à nous dévorer tout cru. Les divinités qui les ont envoyés ont bien pris soin de leur donner une apparence humaine et même de représenter les différentes ethnies qui peuplent la planète : un Blanc, un Noir, une Asiatique, un Indien, et même un enfant roux androgyne ; la photo de groupe a un petit côté United Color of Benneton. Nos super-héros ont débarqué il y a 5000 ans en Mésopotamie et sont encore là parmi nous en 2020. A à peine trente ans, Baudelaire avait déjà plus de souvenirs que s’il en avait mille et constatait, amer, que « rien n’égale en longueur les boiteuses journées, / Quand sous les lourds flocons des neigeuses années / L’ennui, fruit de la morne incuriosité, / Prend les proportions de l’immortalité » ; mais âgés de plus de sept mille ans, nos compagnons ont toujours un certain amour de l’humanité, faisant des enfants avec, etc.

« Têtu » très enthousiaste

On laissera de côté la fin, un tourbillon d’images, censé rendre le film spectaculaire ;  on a surtout l’impression que la caméra est tenue par une personne atteinte de la maladie de Parkinson. En même temps, des gens ont dû venir surtout pour cette partie-là. Le premier tiers du film est moins désagréable : les éternels naviguent à travers les âges, passant de Babylone à Tenochtitlan. On se dit qu’on va peut-être assister à une sorte de « grammaire des civilisations », à un voyage « longue durée » dans l’histoire. On s’attend à ce que les héros interviennent pour changer le cours de l’histoire mais ils n’ont en fait pas le droit d’empêcher les humains de se massacrer entre eux. Ils assistent impuissants au massacre des Aztèques, et l’on repense alors à Montaigne : « Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’épée, et la plus riche et la plus belle partie du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre ! ». Ils assistent au bombardement d’Hiroshima, et l’on repense à Camus (Albert, voyons !) : « la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques ».

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Entre les deux, un long bavardage, prétexte aussi à l’exposition des idées à la mode. Têtu est très enthousiaste quand, à l’écran, l’un des super-héros – sorte de mélange physique entre le rappeur Maître Gims et le footballeur Romelu Lukaku – offre le premier baiser gay de l’histoire de l’univers Marvel et nous présente sa famille homoparentale ; thèmes à peu près inimaginables il y a vingt ans dans ce style de film. En 2018, Pierre Conesa avait publié l’ouvrage Hollywar : Hollywood, arme de propagande massive, fruit d’un visionnage de plus de 3000 films américains (soit environ 2995 de plus que votre serviteur), à la recherche des indices de la propagande dans ledit cinéma. Construction du méchant noir, du méchant amérindien, du méchant musulman, du méchant communiste (sans compter le méchant français, Lambert Wilson dans Matrix, sorti en pleine guerre Bush-Chirac !)…

Tout cela est certainement vrai pour un cinéma un peu daté.

Conesa semble avoir manqué le dernier étage de la fusée : depuis quelques années, la propagande est désormais plutôt inclusive, favorable aux minorités, auto-culpabilisatrice, et même critique à l’égard du messianisme américain.

En salles depuis le 3 novembre.

Hollywar: Hollywood, arme de propagande massive

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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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