L’élue aixoise Gaëlle Lenfant a accusé Éric Zemmour de l’avoir embrassée de force il y a quinze ans, environ, lors d’une université d’été du PS à La Rochelle. Mediapart en a fait ses gros titres. L’analyse de Philippe Bilger.
Ce sous-titre m’est venu immédiatement et même s’il n’est pas délicat de faire un tel jeu de mots avec le nom de la personne à laquelle je vais consacrer ce billet, j’assume tant il correspond au fond.
Sur le cours Mirabeau coule la peine
Gaëlle Lenfant, conseillère municipale d’opposition à Aix-en-Provence, « bibliothécaire, féministe, socialiste », a publié le 24 avril un post Facebook dénonçant Éric Zemmour qui l’aurait en 2005, lors de l’université d’été socialiste à La Rochelle, « embrassée de force » après l’avoir attrapée par le cou et lui avoir dit : « cette robe te va très bien, tu sais ». Saisie, tétanisée, elle s’était enfuie. C’est la vue d’une grande pancarte « Zemmour 2022 », cours Mirabeau à Aix, qui aurait déclenché sa réaction et sa révélation, plus de quinze ans après l’épisode incriminé. Elle a résumé brutalement sa position à Mediapart le 2 mai en déclarant : « J’étais là, Eric Zemmour s’est servi ». En 2005, Gaëlle Lenfant était responsable notamment des droits des femmes au PS. Elle avait 34 ans. Je voudrais échapper à toute dérision d’autant plus que Gaëlle Lenfant semble avoir parlé immédiatement de cet incident à quelques proches, dont celui qui était alors son mari. On a le droit tout de même de s’interroger sinon sur son existence – même si Éric Zemmour n’en a pas le moindre souvenir – du moins sur son impact aujourd’hui.
Une affaire sortie d’un fond de tiroir
Je parviens mal à croire, au regard de cette psychologie féminine déjà « progressiste » en 2005, qu’il lui ait fallu la bagatelle de 15 ans pour livrer cet inexprimable secret dont le traumatisme serait encore très vif et brûlant en 2021. Je doute que cette affiche représentant Zemmour pour la prochaine échéance présidentielle ait été le ressort fondamental, si tardivement, de sa dénonciation du comportement de celui-ci en 2005. Je pourrais d’ailleurs discuter de sa gravité – si on me le permet – et je me demande si ce qui n’était pas apparu répréhensible à Gaëlle Lenfant, en 2005, n’est pas devenu, dans le climat actuel et avec le féminisme militant, une odieuse et intolérable attitude.
A lire aussi, Marie-Hélène Verdier: Les yeux de Chimène
L’argumentation développant que « pour les plaintes en viol il y avait un nombre de classements sans suite hallucinant » était déjà absurde en 2005 et l’est devenue bien davantage au fil des années suivantes sans que Gaëlle Lenfant ait mis pourtant fin à son abstention avant le mois d’avril 2021. Sans possibilité de poursuite pour ce qui n’aurait été, au pire, qu’une agression sexuelle. Qualification devenue banale au point que, je l’ai constaté, même les gestes de pure amabilité, innocemment tactiles, sont frappés d’une suspicion immédiate. Le quotidien, si on n’y prend pas garde, est susceptible de se muer en enfer dans les rapports entre hommes et femmes.
Une croisade anti-Zemmour?
Je sais que Gaëlle Lenfant s’est défendue de toute partialité au sujet de cette « résurrection » mais comment s’interdire de constater une étrangeté ? Elle se « réveille » le 24 avril, puis le 29 avril Mediapart rapporte les dénonciations de quelques femmes contre le même Zemmour pour « des baisers forcés, des gestes et propos à connotation sexuelle » à des dates qui ne sont pas d’une actualité immédiate. Puis le 2 mai, Mediapart se consacre exclusivement à Gaëlle Lenfant et à sa mise en cause de l’essayiste.
A lire aussi: Selon la cour d’appel, Sandra Muller a eu raison de diffamer Eric Brion
Comment qualifier ce processus autrement que de concert douteux mêlant plusieurs voix éprouvant soudain le besoin de révéler ensemble, et dans le même laps, les turpitudes supposées de Zemmour ? Une concordance bizarre ! J’ai mauvais esprit mais il est plus que probable qu’on a l’intention, si Zemmour est candidat et en dépit du fait qu’il ne serait pas au second tour, de lui en faire baver avant, pour lui proposer un avant-goût de ce qu’il aura à subir. Mais, à force d’en endurer, il est devenu un professionnel des avanies, un résistant à tout crin !
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !