Bruno Durieux, ancien ministre et député, actuel maire de Grignan dans la Drôme, vient de publier Contre l’écologisme, pour une croissance au service de l’environnement aux éditions de Fallois. Il livre une critique de « l’écologisme », une idéologie surfant sur la préoccupation environnementale qui est en train, selon lui, d’affaiblir inutilement notre économie.
Bertrand Alliot. Vous avez été député, ministre (santé et commerce extérieur), vous êtes élu local, mais vous ne vous êtes pas particulièrement intéressé à l’écologie auparavant. Et soudain, vous écrivez un livre pour dénoncer les effets de ce que vous nommez « l’écologisme ». Pouvez-vous nous dire pourquoi il vous a semblé utile de prendre la plume sur ce sujet ?
Bruno Durieux. Comme économiste, je suis de plus en plus inquiet des risques que la propagation de l’idéologie écologiste font courir au progrès économique. C’est fondamentalement une idéologie de la décroissance, malthusienne et technophobe. Les politiques que les écologistes réclament, les interdictions et les réglementations qu’ils imposent pénalisent de plus en plus gravement la demande, la compétitivité des entreprises et la croissance.
La question de l’environnement est bien sûr essentielle mais elle ne doit pas être confiée à des idéologues
La question de l’environnement est bien sûr essentielle mais elle ne doit pas être confiée à des idéologues. Par le passé, les écologistes, aveuglés par leur idéologie, se sont presque toujours trompés. Il faut se rappeler les annonces apocalyptiques du club de Rome qui prévoyait la fin du pétrole et des matières premières pour l’an 2000, l’ONU annonçant également une crise mondiale de l’eau en 2000, l’hystérie démographique des années 70-80 (qui ressemble d’ailleurs beaucoup à l’hystérie climatique actuelle) ; la moitié de l’humanité devait mourir de faim ! Sur tous ces sujets, les écologistes provoquaient de véritables emballements médiatiques. Et, malthusiens invétérés, ils soutenaient des politiques absurdement régressives. Il en est de même avec le climat.
C’est pourquoi, il vous a semblé utile de défendre une vision plus raisonnable, celle des « environnementalistes » ?
Oui, l’environnementaliste se garde de politiser l’enjeu écologique ; il estime que c’est par le biais de la croissance économique, du progrès technologique, de l’action des entreprises dans le cadre d’un marché libre, qu’on dégage les moyens nécessaires pour protéger et améliorer la qualité de l’environnement. Les pays riches ne sont-ils pas ceux qui défendent le mieux la nature et leur environnement ? L’environnementaliste rejette l’idéologie. Il voit l’écologie comme une discipline scientifique, étrangère au jeu politique, indispensable à la compréhension de l’environnement et de son évolution.
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Contrairement aux écologistes, il a confiance en l’homme ; il ne voit pas l’humanité comme un cancer qui détruit, pollue, saccage la planète ; il ne pense pas que l’homme, cupide, égoïste, irresponsable, ne fait que rechercher son profit, son bonheur immédiat au mépris des générations à venir. Il ne le voit pas comme l’instrument d’un capitalisme cynique mû exclusivement par le « productivisme » et l’« extractivisme ». L’environnementaliste est un humaniste.
Mais comment expliquez-vous que cet écologisme, selon vous déraisonnable, soit celui qui ait gagné la bataille des idées et qui parle à l’oreille des gouvernants ?
Parce qu’aujourd’hui, quand vous annoncez le pire, vous êtes médiatiquement important, estimable, intéressant. Le prophète de malheur tient le haut du pavé et fait de l’audimat. Pensez à la collapsologie et au mouvement survivaliste. Leur impact médiatique, alors qu’il s’agit d’énormes plaisanteries, est inexplicable ; à moins de considérer que, ennuyés de notre prospérité, nous ayons besoin de nous gaver de films d’horreur.
Une autre raison, plus profonde, est que l’écologisme est un anticapitalisme. Il profite de l’impopularité du capitalisme qui n’a pas disparue avec la chute du communisme.
L’influence politique de l’écologisme tient aussi aux mécanismes électoraux de nos démocraties. Si vous voulez être élu, que l’élection est difficile et que vous pensez qu’il y a 4% d’écologistes dans votre circonscription, vous allez tenir leur discours, du moins dans sa partie agréable. Il faut dire que la classe politique fait preuve d’un manque flagrant de courage face à l’écologisme. J’ai été surpris d’entendre que je me montrai courageux (en fait inconscient) en publiant un livre « Contre l’écologisme ». Pourtant, je ne fais que dire tout haut ce que le plus grand nombre pense tout bas.
Cela fait penser au politiquement correct qui règne parfois sur certains sujets comme l’immigration…
Absolument. Mais sur le sujet de l’immigration, certains partis et pas seulement le Rassemblement National, n’hésitent plus à soutenir des mesures sérieuses de régulation, contrôles renforcés des frontières ou quotas, par exemple. Tandis que sur la question environnementale, nul n’échappe à la vague. Regardez les matinales des radios : elles ont toutes, depuis cette rentrée, leur rubrique écolo ! L’écologisme triomphera encore pour des années. Nous n’en avons pas fini avec les Jadot et leur pastorale de la peur. Ils finiront par avoir raison du nucléaire, de notre agriculture et de nos entreprises, contraintes de se délocaliser pour survivre dans la concurrence internationale.
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Je suis particulièrement pessimiste pour l’agriculture française. Notre « exemplarité » écologiste et les attaques qu’elle subit sans cesse, la pénalisent par rapport à ses concurrentes européennes. Elle perd des parts de marché et ne peut espérer aucune protection dans le marché unique. Elle se bat contre le Canada et le Mercosur quand ce sont d’abord et surtout les Danois, les Hollandais, les Allemands ou les Polonais qui lui taillent des croupières. L’interdiction du glyphosate, pourtant neutre d’un point de vue environnemental, sera un handicap de plus pour nos agriculteurs.
Si je vous suis bien, vous estimez qu’en Europe, malgré le discours bien rodé sur la « croissance verte », nous sommes déjà en train de « gouverner la décroissance » ?
En effet, l’Europe est le continent au monde où l’écologisme est dominant et où la croissance économique est la plus hésitante. Ce qui fait la spécificité de la politique européenne c’est la promotion des énergies les moins efficaces et les plus coûteuses, ce sont des normes écologistes démesurées qui étouffent les entreprises européennes, des barrières qui se dressent contre les technologies les plus prometteuses, comme les OGM ou les produits phyto.
La politique énergétique européenne est catastrophique.
Comment faire comprendre que l’écologisme est un danger pour l’environnement ? Les prescriptions écologistes buttent inévitablement sur un rejet populaire, sur des désordres politiques et sociaux. Les gilets jaunes c’est quand même un petit peu ça ! Les crises politiques, sociales ou économiques que provoque l’écologisme sont fatales à l’écologie. L’environnement n’est défendu que dans les périodes économiques favorables. C’est d’ailleurs un énorme paradoxe passé inaperçu : le tocsin écologiste sonne d’autant plus fort que le monde va de mieux en mieux ; l’écologisme est l’enfant ingrat de la prospérité. Il mort la main qui le nourrit.
Le problème n’est-il pas que la question climatique a pris trop de place ? Dans le domaine de l’environnement on a le sentiment qu’il n’existe plus que la lutte contre le CO2.
C’est un point très important. La question du climat occupe une place à part dans les questions environnementales. Il faut le souligner d’autant plus que, sur les sujets écologiques hors climat – biodiversité, qualité de l’air, de l’eau, des sols, etc., le monde fait des progrès considérables. La question climatique, quant à elle, est la pierre angulaire de l’idéologie écologiste et de ses alarmes. Discuter les conclusions du GIEC ferait sombrer cet édifice. Le doute est donc proscrit ; ce qui en matière scientifique ne s’est jamais vu depuis le Moyen-âge, excepté la parenthèse du lyssenkisme.
C’est la raison pour laquelle vous fustigez les politiques énergétiques très couteuses. En même temps, dans votre livre, on vous voit précisément défendre le nucléaire pour répondre à la question climatique. N’y-a-t-il pas une contradiction ?
La politique énergétique européenne est catastrophique. Elle a pour résultat un coût de l’électricité et du gaz deux fois plus cher qu’ailleurs dans les pays développés, ce qui grève la croissance, le pouvoir d’achat, et la compétitivité du site Europe. Le plus absurde est le recul, ou l’abandon, du nucléaire, alors qu’il produit une électricité en continu, pour de fortes puissances, et sans émissions de CO2.
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Mener une politique énergétique bas-carbone qui réduit la productivité globale des facteurs de production est une politique de Gribouille. Dans le cas de la France, ce qu’on fait sur l’éolien et le photovoltaïque est inutile et coûteux : on n’a pas besoin de cette électricité et cette source d’énergie est moins efficace que le nucléaire. En revanche, dans les pays en développement, aux infrastructures encore limitées, l’éolien et le photovoltaïque sont parfaitement adaptés.
Vous critiquez les gouvernements qui se soumettent à l’écologisme, mais en même temps vous refusez de saluer ceux qui y sont insensibles. Je pense à Donald Trump. Vous renvoyez dos à dos le GIEC et Trump. Pourquoi ?
Trump a tort de nier le réchauffement, l’effet de serre et la part des émissions de CO2 anthropique dans le réchauffement. Quitter brutalement les accords de Paris est aussi une provocation inutile, d’autant que ces accords n’ont rien de réellement contraignant. Il aurait été plus judicieux de sa part d’exiger du GIEC plus de transparence et, notamment, des explications sérieuses sur les changements climatiques passés –petit âge glaciaire ou optimum médiéval – qu’il a tenté de masquer et se garde toujours d’analyser.
Sur les conséquences du réchauffement climatique, le catastrophisme prophétique du GIEC est certainement excessif. La contestation de Trump n’est pas illégitime. Mais le catastrophisme est indispensable à l’édifice écologiste. Le doute lui serait fatal. Il est donc interdit.
Au fond, on aimerait qu’un homme, raisonnable, courageux et disruptif, Macron par exemple, se dresse et nous dise : « écoutez, maintenant il faut préciser nos conceptions et remettre les choses à l’endroit. Ce n’est pas une idéologie qui sauvera la planète. Veut-on défendre l’environnement et le climat ? Il faut commencer par écarter les politiques malthusiennes et défendre résolument la croissance économique, il faut encourager l’innovation, il faut investir : cessons de multiplier les normes, autorisons les OGM, levons l’interdiction du glyphosate, développons la recherche sur les produits phytosanitaires de l’avenir, poursuivons une politique nucléaire ambitieuse, stoppons les subventions aux énergies intermittentes (comme le font hélas un peu tard, les Allemands), exploitons nos ressources naturelles dans le respect de l’environnement, écoutons les autorités scientifiques et non des ONG partisanes et manipulatrices, etc. » On n’y est pas encore : on vient d’abandonner le projet Astrid de recherche sur les réacteurs de 4 ième génération… Américains, Russes et Chinois ont le champ libre.
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