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Les digressions républicaines d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron se moque de tout et presque de tous sauf de lui-même


Les digressions républicaines d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron à Bern, en Suisse, le 15 novembre 2023 © Peter Schneider/AP/SIPA

Rien de concret ni d’opératoire n’est sorti des « rencontres de Saint-Denis », vendredi 17 novembre. Manuel Bompard (LFI), Eric Ciotti (LR) et Olivier Faure (Parti Socialiste), en ne s’y rendant pas, ont au moins échappé à dix heures de « Moi je, président » ! Avec ses monologues brillants, le président Macron n’est pas près de résoudre notre crise démocratique.


On ne comprendra jamais rien aux hommes de pouvoir si on fait l’impasse sur la psychologie, au prétexte que ces ressorts intimes seraient indignes des enjeux politiques. Je crois que, pour notre président de la République, refuser de s’attacher à ce qui le meut profondément serait se priver d’une lumière essentielle. Emmanuel Macron, avec une obstination rare, a mis en place, contraint ou libre, une série de dispositifs et de processus dans les marges d’une démocratie classique caractérisée par le lien organique entre pouvoir présidentiel, gouvernement et délibération parlementaire (fortement réduite depuis la déconvenue de la majorité relative).

La France a un incroyable talent

Ce qu’on n’a pas assez remarqué, me semble-t-il, est que l’imagination du président l’a conduit à multiplier ce que l’on pourrait nommer des digressions républicaines, rendez-vous avec des intellectuels, Conseil national de la refondation, entretiens de Saint-Denis (ceux-ci amputés, mais une réunion « marathon » vient d’avoir lieu), grand débat national pour reprendre la main avec les gilets jaunes, contacts au plus proche et parfois risqués avec les citoyens : une série d’événements qui avaient tous pour dénominateur commun l’étoile présidentielle. Avec, à chaque fois, un Emmanuel Macron parlant plus qu’il n’écoute, monologuant brillamment, impressionnant par sa maîtrise des dossiers, sa mémoire et sa résistance. Ainsi mis en valeur, placé au centre de l’attention, souvent de l’admiration, de la part même de ses adversaires applaudissant « l’artiste » dans ces exercices très divers. Suscitant des critiques de ceux ayant accepté de venir parce qu’ils espéraient pouvoir s’exprimer, approuver ou contredire mais réduits en définitive à être des faire-valoir. Il y a là un narcissisme politique qui place l’illustration d’Emmanuel Macron au premier plan. Le ressort fondamental de ces surprenants épisodes, en périphérie de la République à laquelle les présidents précédents nous avaient habitués, est la certitude que leur inventeur a d’être au sommet dans ces configurations. Pour être atypiques, même superfétatoires, elles lui offrent l’avantage de dominer, de séduire, de réserver la portion congrue aux autres et de se donner à bon compte la réputation, mais usurpée, d’un homme de dialogue. S’il le propose, il fait en sorte de s’en passer.

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Il n’échange pas avec autrui dans ces joutes apparentes, il se donne en spectacle, il est le spectacle. La preuve irréfutable de cette réduction collective à lui-même est que jamais rien de concret ni d’opératoire ne surgit de ces moments puisqu’ils n’ont pour seule finalité que de projeter la lumière sur le président. Par exemple aucune avancée à Saint-Denis mais dix heures de personnalisation.

Désinvolture

En ce sens, je ne peux qu’approuver son épouse qui lui prête des qualités exceptionnelles (dans un entretien avec Catherine Nay pour Paris Match[1]). Elles sont en effet indiscutables et il n’a pour ambition que de les montrer, de les faire valoir, d’innover pour les exposer, alors que la démocratie classique, avec ses rythmes classiques et ses règles ordinaires, ne le passionne pas : sa banalité ne correspond pas à son désir d’éclabousser de sa classe ceux qui le voient, ceux qui l’écoutent.

Je n’ai jamais perçu un président plus indifférent à tout ce qui n’est pas une éclatante manifestation de lui-même. D’où ce sentiment qui ne m’a jamais quitté : Emmanuel Macron se moque de tout et presque de tous sauf de lui-même. Il ne fait que ce qui lui plaît. Comme une sorte de désinvolture royale. Qui répudie, qui garde, qui « blanchit ». Qui invente. Qui se fabrique pour se plaire et plaire. Après moi, ce sera le calme plat !

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[1] https://www.parismatch.com/actu/politique/brigitte-macron-jai-linfluence-quune-femme-peut-avoir-sur-son-mari-231620



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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