Quatorze personnes, dont six adolescents, seront jugés pour l’assassinat de Samuel Paty. Stéphane Simon signe le livre le plus complet jamais paru à ce jour sur cette affaire. Impeccable et implacable.
« Rive droite/rive gauche » sur Paris Première, « Salut les Terriens » sur C8, « La boîte à musique » sur France 5… On le savait aussi depuis peu web-entrepreneur à succès, avec notamment le lancement ce mois-ci d’un nouveau média en ligne, Factuel, parrainé par Christine Kelly. Mais on ignorait que, malgré cette vie bien remplie, le Nantais passé par France-Soir et Entrevue n’a jamais complètement oublié son premier métier, le journalisme d’investigation. Ainsi, depuis un an, il s’est pris de passion pour l’affaire Paty. Pourquoi elle ? Parce que le 16 octobre 2020, quand il a appris qu’un Tchétchène musulman avait décapité en pleine rue un professeur d’histoire-géographie aux cris de « Allahou Akbar », Simon, lui-même fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’enseignants, a eu le sentiment qu’on avait tué un membre de sa famille. « Sa tête est tombée au pied de mon arbre généalogique », écrit-il en introduction de l’ouvrage qu’il a tiré de son enquête. Un récit fouillé, qui reprend froidement et méticuleusement la chronologie des événements ayant mené à l’horreur. Car pour rendre justice au professeur assassiné, Simon a choisi de se tenir le plus possible à l’écart du pathos et de l’interprétation personnelle.
Un document pour l’histoire
Résultat, un document clair, détaillé, référencé, faisant le point sur l’ensemble des connaissances que l’on a du dossier à ce stade. L’auteur y révèle également quelques pièces inédites, notamment plusieurs emails échangés, durant la semaine précédant l’attentat, entre divers collègues, cadres du rectorat et parents d’élèves du collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine. Où l’on voit ceux qui prennent la défense de Paty… et ceux qui l’accablent ! Soit le tableau saisissant d’un petit monde dans lequel les esprits lucides et courageux côtoient des lâches et des imbéciles, incapables de voir où se terre le fascisme aujourd’hui.
Simon montre à quel point le martyre de Paty est aussi un révélateur de « l’islamisme d’atmosphère » qui sévit en France. En octobre 2020, une meute de religieux fondamentalistes, de journalistes communautaires et d’internautes propagandistes a cloué au pilori un professeur, dont le seul tort était d’avoir montré à ses élèves, suivant les recommandations de l’Éducation nationale, les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo. Une campagne de pure haine et de pur mensonge, puisqu’elle s’appuyait sur les calomnies d’une collégienne de 13 ans. Certes, parmi ses promoteurs, nul n’a appelé explicitement au meurtre de Paty. Et seul le terroriste semble avoir prémédité son geste. Pourtant, quand on referme le livre de Simon, on se dit que Samuel Paty n’est pas juste mort des mains d’un djihadiste, mais aussi du venin des inquisiteurs du dimanche, pardon, du vendredi, qui peuplent notre pays.