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Les cent jours vides de Hollande vont-ils durer cinq ans ?


Les cent jours vides de Hollande vont-ils durer cinq ans ?

François Hollande avait prévenu. Avec lui, l’ambiance serait « apaisée ». La césarienne normalité des cent premiers jours de retour au calme au sommet de l’Etat après cinq années de bougisme mâtiné de vulgarité friquée est désormais bien imprimée dans les esprits. Et après ?
Le monde est en pleine tempête mais tout là-haut, dans l’Olympe du socialisme technocratique et pragmatique de la France du changement, on a l’impression qu’aucun souffle ne viendra perturber la béatitude du nouveau pouvoir. Il est « au travail », nous font savoir les « éléments de langage » livrés par tout un tas d’automates ventriloquant la parole officielle de colonnes en écrans.

« Au travail » à Berlin. C’est là que se trouve la résidence principale du couple franco-allemand et il faut bien le faire vivre, puisque, quoi qu’il arrive, la nécessité de son maintien ne se discute pas. A une époque, c’était l’Empire qu’il fallait maintenir et un peu auparavant l’alliance du Trône et de l’Autel qu’on devait garder scellé. A chaque époque ses certitudes. Celle-là nous trimballe dans l’élaboration absurde et sans fin de traités qui emmènent les pays européens toujours plus loin dans un libéralisme autoritaire dont personne ne se satisfait publiquement en dehors de la droite allemande et du Parti Communiste Chinois. Hollande et Merkel causent donc du traité au qualificatif presque honteux de « budgétaire », comme si aucune ville n’avait voulu l’assumer en y accolant son nom. Il sera voté, sans doute appliqué, il rajoutera un peu d’austérité à celle qui fait tant de bien à la Grèce ou à l’Espagne, mais tout ça au nom de la bonne entente du couple, et toute la famille européenne est priée de suivre. Car l’entente franco-allemande, c’est notre acte de foi à nous. Et la vraie foi, comme tout le monde le sait, est imperméable à la raison et à la preuve empirique. Lesquelles sont réservées aux cyniques et aux mécréants. Faut s’entendre, alors on va ratifier. C’est « normal », et c’est défendu avec le ton de ceux qui pensent qu’en admettant quelque chose ils échappent automatiquement aux conséquences de cet aveu. A croire que la récession est une vue de l’esprit, un vilain mot répété en boucle par les cyniques et les mécréants qui avaient pris les martiales déclarations du discours du Bourget – « mon ennemi, c’est la finance » – pour argent comptant.

Le chef berlinise, les seconds rôles rochellisent, à chacun sa rentrée. Le studieux week-end socialiste a été d’un intérêt médiatique et politique totalement nul, mais ça occupe. Aubry restera, restera pas à la tête du Parti ? Qui pour la remplacer ? Haletant. Le congrès socialiste est déjà plié, en dépit de la floraison anarchique des contributions (une cinquantaine !) que personne ou presque ne lira vraiment, même si beaucoup (je les ai parcourues) sont porteuses d’une singulière richesse programmatique qui prouve que la victoire de mai n’a pas anesthésié tous les esprits socialistes. Mais soyons aussi juste que nous pouvons être sévère. L’opposition de la gauche du Parti socialiste à la ratification du budgétaire traité apporte un léger relief à cette rentrée politique. Sur les questions fondamentales qui engagent la souveraineté du pays, et ce qu’on appelait autrefois la lutte des classes, le camp du Président est loin d’être monolithique. Cette impatience fait désordre au moment où il apparaît de plus en plus clairement que le « normalisme » n’est qu’une énième déclinaison du « Wait and see ».

Cela dit, rendons à Hollande ce qui lui appartient. Les cent premiers jours furent consacrés à ne rien faire qui puisse laisser espérer quoi que ce soit de flamboyant, et ces trois jours de rentrée risquent fort de confirmer l’effondrement de l’esprit de transformation sociale qui anima un jour la gauche, quand celle-ci savait feindre le marxiste résilient qui était en elle. Hollande n’avait rien promis, c’était la meilleure façon de ne susciter aucune désillusion. Il rabotera bien quelques niches fiscales et laissera les petits épargnants mettre trois sous de plus sur leur livret A, moulinera dans le sociétal jusqu’à plus soif, continuera de créer des commissions et de se montrer affable en toute circonstance. Un peu comme s’il avait entériné que la politique ne pouvait plus qu’être l’exercice d’un pouvoir qui n’en est plus vraiment un. Attitude frustrante, rageante, certainement imbécile. Qui frise le déni de réalité.

Que le mythe européen se désagrégeât, que la France continuât son lent recul là où hier elle pouvait encore prétendre briller, que la République n’incarnât plus vraiment ce rêve universaliste, que la gauche ne fût plus une promesse de transformation sociale radicale, c’est entériné depuis quelque temps.

Alors soyons juste – encore une fois – avec Hollande et les socialistes. C’est moins la gauche le problème, que la politique et les hommes qui l’incarnent dans son exercice. Le pouvoir s’est échappé dans d’autres mains, dans toutes ces petites mains invisibles qui se sont appliquées à dénuder la politique. Notre roi nu ne semble pas pouvoir, si ce n’est vouloir, changer la donne. Les quelques velléités d’un Montebourg à établir un rapport de force avec les stratosphériques puissances qui déchaînent la misère risquent de ne pas suffire. Reste à savoir si Hollande voudra profiter de son mandat pour rhabiller le pouvoir politique et le réhabiliter dans sa puissance. Wait and see.

*Photo : Robin Hood Tax



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est conseiller culturel.

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