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Les cent jours de Nicolas Sarkozy


Sans doute était-ce dû à la chaleur de la nuit, mais je viens de faire un cauchemar terrifiant.
J’ai rêvé que cela faisait cent jours que Nicolas Sarkozy avait été réélu, le 6 mai 2012 à vingt heures. C’était effrayant de réalisme. Juste après sa très courte victoire du second tour, trois ou quatre décimales au-dessus de 50%, il avait déclaré qu’il changerait de style et que l’hyperprésidence, c’était terminé.

Sarko réélu pensait que son challenger malheureux François Hollande n’avait finalement pas tort, qu’une présidence « normale » était sans doute le meilleur moyen de faire passer les réformes indispensables, forcément indispensables, pour rétablir les finances publiques dans la justice sociale.
Par ce blabla, les cent jours de Sarko II allaient d’ailleurs bien prouver que nous avions à faire à une politique de droite, libérale, vivant dans le culte délirant des équilibres budgétaires.

Pour commencer, Sarkozy avait commencé par aller voir Merkel et exigé qu’il y ait un volet croissance afin de relancer l’économie dans le prochain traité budgétaire européen.
Dans mon rêve, il l’avait obtenu, enfin au moins formellement. En fait, seule une manière d’état de grâce et une presse toujours aimable avec les vainqueurs, avaient réussi à faire croire à une réorientation de la politique européenne mais le talon de fer allemand régnait toujours sur l’Europe et ce n’était pas la petite visite à Mario Monti que Sarkozy s’était accordée pour faire le rebelle qui avait changé grand chose au problème.
Sur le plan du volontarisme industriel, c’était évidemment la même chose. Le traumatisme des 8000 suppressions d’emplois par PSA et la fermeture du site d’Aulnay avait vu Sarkozy reprendre ses manies du « tout-terrain » et affirmer fièrement devant une foule ouvrière houleuse qu’il promettait un plan de « redressement industriel » pour l’automobile.

L’expression avait beaucoup fait sourire et Arnaud Montebourg avait daubé sur les termes de manière presque grivoise. D’ailleurs, dans la foulée, Montebourg, soutenu par quelques socialistes de gauche et les vingt députés Front de Gauche, mit au défi le président de soumettre l’application de la règle d’or à référendum et de ne pas se contenter, avec un lâche soulagement, de la décision rendue par le Conseil Constitutionnel qui ne trouvait rien à y redire. Un Conseil Constitutionnel qui faisait ainsi de la France, à l’instar de la défunte URSS, un pays dont le système économique était inscrit dans le marbre et où le politique abdiquait volontairement toute possibilité d’agir en la matière sauf dans une stricte orthodoxie libérale ordonnée par Bruxelles et Berlin.
Dans la foulée, le ministre des finances, Didier Migaud, ancien président de la Cour des Comptes, annonça qu’il était impossible de doubler le plafond du Livret A pour financer le logement social, histoire de ne pas « déstabiliser les acteurs concernés ». Et qu’en plus, il fallait trouver 33 milliards pour le budget 2013, alors que ce n’était pas le moment de venir lui demander de faire du social.

Bien sûr, pour faire oublier ces problèmes, Sarkozy comme à son habitude depuis 2002, époque où il avait été nommé ministre de l’Intérieur, avait joué la diversion et avait remis le problème rom sur le tapis. Les expulsions de Lille et de Lyon furent applaudies par la majorité UMP et vivement critiquées par la gauche. Quand les émeutes d’Amiens ont éclaté à peu près au même moment, Sarkozy II n’a pas pu envoyer Claude Guéant qui avait été battu aux législatives mais c’est Manuel Valls, ministre d’ouverture qui avait accepté le poste de l’Intérieur au nom des 49, 8% d’électeurs de François Hollande, qui s’y est collé. Chahuté lors de sa visite sur place, il a néanmoins été très ferme : « Rien ne peut excuser qu’on tire sur des policiers, qu’on tire sur des forces de l’ordre et qu’on brûle des équipements publics ». Mais pour montrer qu’il avait son indépendance de ministre d’ouverture et que le style de la seconde présidence Sarkozy serait vraiment différent, il s’est permis une discrète allusion au passé en déclarant : « Je ne suis pas venu passer ce quartier au Kärcher ». Il pouvait d’autant plus se le permettre qu’il avait reçu le soutien ferme du Président quand il avait refusé le projet de loi Borloo du groupe centriste, qui dans un souci d’apaisement avec la jeunesse, avait proposé qu’un récépissé soit remis à chaque personne ayant subi un contrôle d’identité, afin d’éviter les acharnements au faciès.

Une tribune dans Le Monde de Christine Taubira avait justement fait d’elle la risée de la classe politique et de tous les média confondus ou presque. S’appuyant sur le très faible score de Nicolas Sarkozy, elle demandait sans trop d’espoir que l’on repense les questions de sécurité en tordant un peu la barre dans l’autre sens. Le tout répressif ayant échoué, pourquoi ne pas repenser la prévention ? Les tribunaux pour mineurs étaient-ils vraiment indispensables ? Les peines planchers étaient-elles vraiment dissuasives ? Enfin bref, quelque chose qui suintait le bisounoursisme, l’angélisme, la culture de l’excuse et la bêtise gauchiste.
« Vous imaginez, s’était exclamé Lionnel Luca de la Droite Populaire, que cette dame un peu dérangée aurait pu être ministre de la Justice si monsieur Hollande avait été élu ? »
Il avait fait beaucoup rire les députés, y compris les sur les bancs socialistes.

C’est alors que je me suis réveillé. J’avais le cœur qui battait à tout rompre et j’ai mis quelques secondes interminables à me rendre compte qu’il s’agissait d’un mauvais rêve. Rien de tout ça n’était réel. J’étais dans une France de gauche. On l’avait échappé belle, dites donc. Et je me suis rendormi.



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