Les beaux gosses


Les beaux gosses

microbe gasoil michel gondry

Michel Gondry aime décidément brouiller les pistes et enchaîner des projets extrêmement différents, que ce soit en terme de genre ou d’économie. Après ses débuts placés sous la houlette du scénariste Charlie Kaufman (Human nature, Eternal sunshine of the spotless mind), il ne va cesser de naviguer entre la France et les États-Unis, de passer d’une superproduction (The green hornet) à un petit film indépendant (The we and the I), d’un documentaire sur sa tante institutrice (Une épine dans le cœur) à une adaptation luxueuse de Boris Vian (L’écume des jours).

Et pourtant, derrière le côté apparemment très disparate de sa filmographie (quel peut être le point commun entre un documentaire sur Chomsky et l’amusant bricolage de Soyez sympas, rembobinez?) se dessinent pourtant des motifs similaires, des obsessions discrètes et des thèmes fétiches. Dans ce jeu de yo-yo, Microbe et Gasoil appartient à la catégorie des « petits » films récréatifs du cinéaste. Aucune vedette à l’affiche si ce n’est Audrey Tautou qui apparaît ici en  guest-star  méconnaissable (elle incarne la mère assez déjantée de Daniel, alias Microbe) et un récit centré autour de deux gamins qui décident de construire une voiture et de partir sur les routes de France.

Le film se divise en deux parties. La première est une évocation drolatique du quotidien de deux adolescents rêveurs et un peu marginalisés par rapport au troupeau des collégiens. La deuxième est une espèce de « road-movie » où Gondry laisse davantage parler sa fantaisie et son goût pour la rêverie, le bricolage insolite. Microbe et Gasoil débute un peu à la manière des Beaux gosses de Riad Sattouf en s’intéressant à deux pré-ados et à leur quotidien. Tout ce qu’on peut attendre d’un film de collège sera dans le film : les premiers émois sexuels, la complicité amicale entre les deux garçons, les conflits familiaux, le goût pour le dessin et la musique, les premiers sentiments amoureux non partagés… Si la comparaison avec le film de Sattouf paraît évidente, c’est aussi parce que les deux cinéastes parviennent à filmer une jeunesse « actuelle » tout en introduisant ce léger décalage qui leur permet de parler également de la leur. Ainsi, chez Gondry, Théo (Gasoil) estime que le verlan et le « high five » sont complètement ringards et l’on préfère la bonne vieille carte routière au GPS des Iphone (dont le dernier modèle finira dans une fosse septique de fortune).

Cette première partie est très plaisante : rythmée, enlevée, elle permet également au cinéaste d’évoquer des thèmes qui lui sont chers : la place de l’individu au cœur de la communauté (Daniel regrette d’être trop « influençable » et est constamment tiraillé entre le désir d’appartenir au groupe tout en s’en détachant), le désir de créer pour élargir un horizon limité et les contingences de la vie (à la fin de L’écume des jours, c’est tout le décor qui semblait se rétrécir, noircir et emprisonner les personnages ; comme si la maladie était venue à bout de l’élan vital créatif) et le roman autobiographique. Gondry le confesse lui-même : il y a beaucoup de lui dans le jeune Daniel, cet ado rêveur et passionné de dessin qui décide avec son copain de construire une voiture de fortune pour aller en Auvergne.

La construction de cette voiture et le voyage entamé par les deux gamins donnent l’occasion à Gondry de renouer avec ses bricolages ludiques à base de matériaux « anciens ». La voiture de Microbe et Gasoil est un peu l’équivalent des films « suédés » de Soyez sympas, rembobinez : un procédé ingénieux pour un projet utopique. Sans pour autant renoncer aux gags de la première partie (je recommande particulièrement les astuces que trouvent les deux compères pour éviter la maréchaussée ou un séjour croquignolet chez un dentiste), Gondry verse davantage dans la fantaisie, allant même jusqu’à laisser penser que tout ce qui a été vécu par les deux personnages pourrait n’être que le pur fruit de leur imagination (un peu comme dans La science des rêves).

C’est également là que se situe la limite du film. Comme toujours chez Gondry, on peine parfois à dépasser le stade de l’astuce rigolote, de la saynète décalée, de la vignette « créative ». S’il a souvent des idées assez géniales et de l’imagination à revendre, il ne parvient jamais à tenir vraiment la distance et on a toujours (du moins, c’est mon cas) le sentiment d’un certain essoufflement, d’un univers un peu étriqué au bout du compte.

Dans Microbe et Gasoil, ça fonctionne parfois à merveille (la séquence très drôle où Daniel et Théo sont confrontés à de belliqueux gangsters coréens) et ça tombe parfois un peu à l’eau (le retour en avion, par exemple).

Cet éloge de la liberté n’a pas, pour prendre un exemple récent, la puissance et le souffle de Comme un avion et on a parfois le sentiment que le récit peine à donner de l’ampleur à une idée de départ excellente (une sorte d’Histoire vraie à la française, sauf qu’une maison roulante remplace la tondeuse à gazon du film de Lynch) et se contente de son aspect « gadget ».

Ces réserves posées, le film est très recommandable et fort plaisant. Il révèle également deux jeunes comédiens qui crèvent littéralement l’écran et qui incarnent à merveille cette jeunesse fantasmée et réinventée chère à Michel Gondry…

En salle le 8 juillet.



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est cinéphile. Il tient le blog Le journal cinéma du docteur Orlof

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