En 2005, une jeune femme fut embauchée comme conseillère dans un cabinet ministériel. Son profil était particulièrement adapté, et elle donnait satisfaction à son ministre. Malheureusement, elle commit une faute impardonnable, qui lui coûta son emploi : elle était la petite-fille de Maurice Papon. Elle fut vite repérée par un journaliste d’investigation qui porta immédiatement à la connaissance du public l’incroyable scandale. Comment ça, la petite fille du salaud absolu que la France s’est construit dans les années 90 serait apte à occuper un emploi public ? Bien sûr que non. Elle fut immédiatement licenciée. Non, pas licenciée. Courageusement mais fermement, son ministre lui demanda de démissionner.
Pour clore le bec à ceux qui s’étonnaient un peu de cette réactivation de la directive du 3 juillet 1937 du Politburo au NKVD sur la responsabilité familiale et collective des ennemis du peuple, Pierre Marcelle dans Libération, intraitable, a mis le doigt sur la circonstance aggravante qui justifiait la sanction : la petite-fille n’avait jamais dénoncé publiquement son grand-père. Imparable.
Les enfants d’Alain Delon ont retenu la leçon. Être le fils ou la fille de celui-ci n’a pas dû être facile tous les jours. Mais là, le pire du pire est arrivé. L’inoubliable interprète de Tancrède Falconeri dans Le Guépard, et de Ripley dans Plein soleil a blasphémé deux fois. Tout d’abord en disant qu’à son avis l’adoption d’enfants par les couples homosexuels était « contre-nature » et ensuite qu’il comprenait la montée du Front National.
Avant même d’être mis en demeure, le fils et la fille ont pris les devants. L’une pour prendre une distance qui devrait pouvoir se calculer en années-lumière, l’autre pour affirmer que son père était « consternant ». On aurait pu penser que l’explication père-enfants aurait pu avoir lieu dans l’intimité du cercle familial, Anthony et Anouchka disposant probablement du numéro de portable de leur père. Ah que non ! La dénonciation et le reniement du père doivent être publics pour être valables. On peut comprendre les deux héritiers, ils ont des vies et des carrières à faire. À défaut, la condamnation sur leur casier judiciaire social eût été indélébile.
En 1932, dans l’Oural, Pavel Morozov avait dénoncé son père, paysan qui s’opposait à la collectivisation des campagnes. Celui-ci fut déporté et disparut. Morozov devint le héros mythique des « Pionniers ». Leur hymne disait :
« Morozov est un exemple pour tous les enfants,
Nous sommes une troupe de héros. »
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