C’était écrit, la chronique de Jérôme Leroy.
Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve.
Il n’y a pas que la France qui a décidé d’un « plan vélo » suite à la pandémie. Comme nous le dit Les Échos, le Royaume-Uni aussi : « Le gouvernement britannique a dévoilé un plan de 2 milliards de livres pour investir dans des pistes cyclables, des zones piétonnières et des chèques vélo. Il veut ainsi lutter contre l’obésité, qui est un facteur de fragilité face au virus. »
Le vélo serait-il la nouvelle panacée, un genre d’hydroxychloroquine avec des pédales ? Ce qui est certain, c’est que dès son apparition, la bicyclette a suscité des réactions positives chez les écrivains que l’on peut diviser en deux catégories : les rêveurs et les enthousiastes.
Pour les rêveurs, prenons Proust. Même s’il n’était pas lui-même pratiquant, son premier éblouissement amoureux pour Albertine, dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs, est lié à l’association fille-vélo : « Une fille aux yeux brillants, rieurs, aux grosses joues mates, sous un polo noir, enfoncé sur sa tête, qui poussait une bicyclette. » Encore faudrait-il aujourd’hui qu’Albertine ne se sente pas agressée par ce garçon au regard insistant comme cette cycliste qui se plaint dans Ouest-France : « Le fait d’être une femme cycliste, c’est la double peine. Les mecs se défoulent. Surtout quand on est à l’arrêt. Ils baissent la vitre et m’insultent ou me font des remarques sur mon physique. » L’un d’entre eux aurait-il fait allusion « à ses grosses joues mates » ?
Pour les enthousiastes, voici Émile Zola : « J’aime la bicyclette pour l’oubli qu’elle donne. J’ai beau marcher, je pense. À bicyclette, je vais dans le vent, je ne pense plus, et rien n’est d’un aussi délicieux repos. » Ce délicieux repos serait-il encore possible sur les nouvelles pistes cyclables de nos cités post-Covid, rebaptisées assez malheureusement « coronapistes » ? Mais ce n’est pas ce détail qui troublerait Aristide Bruant : « Le Bicycliste a le cerveau tranquille […] / Pédalons donc tous autant que nous sommes, / Tournons, virons, courons dur et longtemps, / La Bicyclette améliore les hommes / Et l’on vivra bientôt jusqu’à cent ans. »
Ce n’est pas difficile, on croirait entendre le docteur Yves Yau, médecin à la Fédération de cyclotourisme qui a déclaré récemment sur un site médical : « Le vélo améliore la circulation sanguine, contrôle la tension, permet une meilleure oxygénation du sang et épuration des reins. Le corps humain est fait pour tourner ! »
Puisqu’on vous dit que la petite reine est la nouvelle panacée ! Il n’y a guère que Léon Bloy pour estimer que le sport, et donc le vélo, « est le plus sûr moyen de produire une génération de crétins malfaisants. » Tant pis pour lui, ce mauvais coucheur ne touchera pas la prime de 50 euros pour réparer sa bécane… Ce ne sera que justice.