L’ordre puritain est en marche. Au nom de l’égalité et de la justice, les progressistes et les néoféministes traquent le moindre écart, la transgression, l’expression du fantasme. La sexualité doit répondre à l’impératif de transparence, et les rapports homme/femme à une charte aseptisée. C’est la rééducation à l’ère MeToo.
Pour leurs 50 ans, Les Valseuses sont privées de sortie. Le film autrefois culte est déprogrammé par M6. À vrai dire ce qui est étonnant, c’est qu’une chaîne de télé ait envisagé de le diffuser. Et pas seulement parce qu’il est habité par un Depardieu (magnétique) que la bonne société a mis au ban. L’errance amicale, délinquante et sexuelle de deux voyous sexy est une insulte à notre époque. Dans Les Valseuses, les viols sont requalifiés en romances (avec la complicité des victimes) ; aujourd’hui, des romances sont requalifiées en viol. La relation consentie, puis regrettée est en effet un classique des prétoires – j’étais sous emprise. Avant, on appelait ça le désir. On dira, comme Zemmour, que Les Valseuses fait l’apologie de l’individualisme triomphant et conquérant (je veux, je prends). Dans le climat actuel, il rappelle surtout que la sexualité, autrefois, pouvait être transgressive, tragique, joyeuse – et impérieuse. Comme l’observait Sade, « il n’est point d’homme qui ne veuille être despote quand il bande ». Dans le fond, les féministes d’aujourd’hui ne disent pas autre chose. Sauf qu’elles ont ce despotisme en horreur. Au cas où ce texte serait lu par des mal-comprenants, ce despotisme qui se joue dans l’ordre symbolique ne signifie en rien qu’il faille tolérer la moindre violence, mais que le fantasme n’est pas soumis à l’impératif démocratique.

Domine-moi
En tout cas, aucun ado de 1974 n’aurait pu prédire qu’un demi-siècle plus tard, on ferait dans la presse comme il faut l’apologie de la sexualité sans pénétration, celle-ci étant réduite à une technique de domination, voire aux prémices du viol. Ni que de jeunes adultes se glorifieraient de n’avoir aucune sexualité. Beaucoup revendiquent bruyamment leur abstinence, et pas parce que « le désir s’accroît quand l’effet se recule » (Racine). Pour Thelma, interrogée par Libération en 2020, c’est « une construction sociale »
