Manuel Valls se retrouve aujourd’hui dans une situation paradoxale : il enfonce le clou sur l’abrogation des 35 heures en réclamant un retour aux 39 heures et se voit opposer un démenti par le patronat qui juge que ce n’est ni opportun, ni nécessaire.
Cette prise de position est pour Valls une manière d’ancrer son positionnement à la droite du parti socialiste : en proposant une mesure que même Sarkozy et Fillon ne veulent pas adopter et que le patronat rejette, il va sans doute plus loin dans la droitisation qu’il ne l’aurait souhaité et se met réellement en marge. Mais là n’est pas le plus important.
Cela illustre surtout le décalage complet entre le discours des politiques et la réalité économique. Manuel Valls est incapable de comprendre que la loi sur les 35 heures, là où elle a été appliquée, a donné lieu à des négociations très fines et à de savants équilibres entre temps travail, gains de productivité et pouvoir d’achat.
Dans bien des grandes entreprises, le différentiel entre les 35 heures travaillées et les 39 heures payées a donné lieu à une hausse importante de la productivité (ce qui a placé la France en première position mondiale pour la productivité horaire, loin devant le RU ou les USA) ; dans d’autres entreprises, des négociations ont abouti à l’échange des RTT contre des bonus ; dans d’autres encore, la modération salariale s’est faite aux dépens du pouvoir d’achat… mais dans tout les cas, employeurs et salariés ont trouvé un nouvel équilibre. Au niveau paritaire, patronat et les syndicats sont parvenus à des accords de branche qui après 10 ans de pratique s’avèrent satisfaisants pour tout le monde.
Revenir aujourd’hui sur les 35 heures reviendrait à torpiller ces accords, à rompre les équilibres, à remettre en danger le pouvoir d’achat des salariés. Personne n’en veut, à commencer par le patronat.
Le discours de Manuel Valls ne peut dès lors apparaître comme un gage de « réalisme économique » mais se réduit à une prise de position idéologique clairement libérale. Au final, Valls tire contre son camp en faisant ressurgir de vieux débats qui n’ont plus cours au lieu de trouver les idées qui vont construire la France de demain. Un lancement de campagne qui s’avère être un ratage complet.
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