Emmanuel Berl, Pif, Hercule et La France irréelle
Fini les frissons de la descente présidentielle, angoisses de chute sur une piste rouge ou noire. Pour les législatives, l’heure est au slalom, combiné, chaises musicales et chant des courtisans. Les appareils se partagent les circonscriptions, maroquins, Villa Médicis, Observatoire de l’alimentation, Haute autorité pour la refondation de la simplification de la modernisation. Au pays des merveilles d’une Marianne Lotophage, démagogie et verbiage à tous les étages.
« La politique française me semble évoluer moins comme une histoire que comme une névrose. Son trait dominant, à mon estime, c’est l’affaiblissement progressif du sens du réel qu’elle manifeste, depuis quinze ans. Politique schizophrène (…) Les politiques français peuvent ne pas se soucier du fait, parce qu’au départ, ils ne s’attendaient pas trop à ce qu’il confirmât leurs idées. Les erreurs les plus flagrantes les disqualifient rarement, aux yeux des autres et aux leurs propres, pourvu qu’ils résistent à la tentation de les avouer. Aussi, quand la France rêve, il faut de bien grands malheurs pour la réveiller » (La France irréelle). Publié en 1957, l’essai d’Emmanuel Berl n’a pas pris une ride.
Voyage au bout de la Nupes
Après le Bloc des gauches, le Cartel des gauches, le Front populaire, l’Union de la gauche, la Nupes: Nouvelle Utopie Pour Electeurs Siphonnés. Après le PC et le PS, Jean-Luc Castro prend la tête d’une improbable cordée gaucho-écolo-sociale-démocrate. Ray L’aventura et sa bande de collégiens, moutons bio de Panurge, rebelles retraités de l’éducation nationale, se font des films, nous promettent des jours tout bleus comme nos veines, des nuits rouges comme nos rêves, des heures incandescentes et des minutes blanches…
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Fais comme l’oiseau ; Une belle histoire ; On ira où tu voudras quand tu voudras… Impôt sur les os, Zig ZAD et une faillite vénézuélienne garantie en deux mois. Le hachis Parmentier est réchauffé depuis un an, un siècle, une éternité : VI ème république pour une bifurcation écologique et solidaire, école globale pour l’égalité et l’émancipation, blocage des prix des produits de première nécessité, allocation d’autonomie jeunesse, garantie dignité… Rien sur la coulrophobie et les allergies au gluten ? Le timonier trotskiste déguisé en Géant Vert défend « un impératif de justice écologique, à travers une démarche de planification, pilotée par de nouveaux indicateurs de progrès humain ainsi que la règle verte ». A l’international, le sublime est plus vendeur que Poutine: « Être prêts à ne pas respecter certaines règles (européennes) dans le respect de l’État de droit… Entamer des coopérations altermondialistes pour agir pour un monde qui respecte les droits humains, la démocratie et la lutte contre le dérèglement climatique ». C’est quand qu’on va où ? Contre Pif Mélenchon, Hercule Macron reste droit ses bottes de sept lieux. Glop, glop, pas glop…
Le phénix des hôtes de ces bois
Après En Marche, avant La Résurrection d’Edouard Philippe en 2027, La Réincarnation de Gabriel Attal en 2032, nous enquillons, Ensemble, cinq ans de Renaissance… « Un président nouveau pour un mandat nouveau… une action résolue pour la France et pour l’Europe… un projet clair face aux sirènes d’idéologies et démagogies faciles… », McKinsey &Company, la Metaverse Nation, le Secret de la Licorne et 21 coups de canon tirés des Invalides. 21 comme l’ordre minimal de la quadrature parfaite du carré et les atouts au Tarot. L’Hercule Gaulois a beaucoup de pain sur la tranche.
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(1) Étouffer le lion de Némée(lenchon) à la peau impénétrable (2) Tuer l’hydre populiste (3) Capturer la biche d’Hénin Beaumont (4) Ramener vivant le sanglier des Horizons havrais (5) Nettoyer les écuries d’Augias et les comptes publics (6) Tuer les oiseaux de malheur aux plumes venimeuses (7) Dompter le taureau de la Reconquête (8) Capturer les juments mangeuses d’hommes (9) Rapporter à Birgitta – femme de César et reine des Amazones – la ceinture d’Hippolyte (10) Vaincre le géant Géryon tergeminus (11) Faire pousser des pommes d’or dans les jardins de l’Elysée (12) Descendre aux Enfers et enchaîner Poutine le Cerbère. Hac lupi hac canes. Hercule a mis dix ans. Cinq ans de perdu : il reste un mandat au président, quoi qu’il en doute…
« Et même si c’est pas vrai… »
Les vrais enjeux, périls qui obèrent l’avenir du pays (faillite de l’éducation nationale, crétinisation digitale, écroulement culturel, désindustrialisation, endettement), sont ignorés des programmes et débats électoraux, parasités par des tartufferies corporatistes, un « pourtousisme » démago. Berl est lucide : « L’imposture, ici encore, prend un caractère quasi institutionnel. (…) On fausse les indices, les comptes, les prix, les changes, mais tout le monde le sait. L’imposture triomphante n’a plus pour objet de faire illusion, mais de respecter un certain code de convenances, qui d’ailleurs n’est formulé nulle part (…) Tantôt on insinue qu’on n’aura pas à payer le prix de ce qu’on achète : ‘Cela ne coûtera rien, ce sera payé par l’étranger, par les riches, par des divinités mystérieuses tels que le Crédit ou l’Expansion’. Et tantôt, le plus souvent, on déclare : ‘C’est nécessaire. L’honneur national, la grandeur française, la justice sociale, la solidarité humaine l’exigent. Nous le ferons coûte que coûte’, ce qui, à la vérité, n’a pas de sens et évite d’avouer, de calculer même, le prix réel qu’en fin de compte paiera le peuple ».
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Les gesticulations de faux monnayeurs, coups de gueule de Tartarin, Deux corps du Roi Dagobert, n’abusent personne. Pour sauver la Comédie Française : ne changeons rien pour que tout reste comme avant. « Au théâtre ce soir », les décors sont de Roger Harth de Gaulle, les costumes sont de Donald Cardwell Mitterrand : Le Vison à cinq pattes, Interdit au public, Les affaires sont les affaires, La Facture… « Et même si c’est pas vrai, même si je mens / Si les mots sont usés, légers comme du vent / Et même si notre histoire se termine au matin / J’te promets un moment de fièvre et de douceur / Pas toute la nuit mais quelques heures… ».
Johnny Mélenchon – et en même temps – Emmanuel Hallyday.
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