Emmanuel Macron a dénoncé la « lèpre qui monte un peu partout en Europe ». Le populisme eurosceptique est à nos portes et, moi aussi, je suis touché. J’en ressens déjà les premiers symptômes, notre président est le seul à pouvoir me guérir…
La lèpre est tellement contagieuse que je suis infiniment reconnaissant à Emmanuel Macron de nous avoir mis en garde. Si nous ne le soutenons pas avec toute notre énergie, celle du désespoir, nous aussi serons contaminés.
D’autant qu’après les pays de l’Est, l’Italie est, elle aussi, touchée. Si j’en crois les gazettes, même l’Allemagne serait menacée. La Bavière préférerait un freluquet viennois à la vaillante Angela Merkel. Nous avons déjà vu cela dans le passé et si tous alors n’avaient pas été touchés, le prix à payer fut tel que plus jamais nous ne voulons que cela se reproduise.
Malgré Macron…
Certes, Emmanuel Macron et son boys band nous protègent encore, mais chacun sent que le danger est imminent. Moi-même qui viens d’un pays, la Suisse, qui est comme chacun sait une léproserie géante, je mesure la menace : si l’Union européenne s’effondre, tout s’effondrera. Je salue d’autant plus volontiers l’initiative d’Emmanuel Macron d’avoir fait hospitaliser, manu militari, une dizaine d’anciens gendarmes déjà contaminés en prétextant qu’ils appartenaient à l’ultra droite. Je l’admire de pouvoir avec telle habileté transformer ses échecs en victoires. Non, le fascisme ne passera pas ! Et, comme on nous le répète chaque soir sur toutes les antennes, Jupiter y veillera.
…je sens que ça vient
Et pourtant, bien qu’ayant travaillé pendant trente-cinq ans dans le laboratoire où les meilleurs experts de France, à savoir le quotidien Le Monde, sont d’une vigilance absolue dès lors que les valeurs qui font l’honneur du pays des droits de l’homme sont menacées et veillent sans relâche à ce qu’elles soient respectées, je sens la lèpre me gagner. Je n’ai pas été totalement immunisé. Les premiers symptômes sont apparus quand j’ai éprouvé une certaine admiration pour Poutine. J’ai même été jusqu’à défendre publiquement que la Crimée appartenait à la Russie. Ce n’était que les prémices d’une confusion mentale, effet secondaire, de cette satanée lèpre qui m’amena par la suite, « horresco referens » dirait Virgile, à éprouver de la sympathie pour Donald Trump, ne serait-ce que parce qu’il était seul contre tous et qu’il aurait pu jouer dans un western de Sam Peckinpah. Et quel beau geste de sa part que d’avoir enlevé les pellicules qui ternissaient l’image de notre président!
Ça me chatouille et ça me gâtouille
J’ai même été jusqu’à me demander – et c’est là que j’ai pris conscience de ma maladie – si l’immigration de masse ne portait pas atteinte à ce que je me suis mis à appeler notre « souveraineté », terme aujourd’hui banni. Cosmopolite, je l’étais de naissance, mais la psychanalyse m’avait enseigné le bienfait des limites, des frontières. Aussi bien entre les individus qu’entre les peuples. Je me souvenais aussi de mes cours à Sciences Po dont j’avais retenu, entre autres, que les unions monétaires finissent toujours par s’écrouler parce qu’elles impliquent un abandon de la souveraineté nationale dont les peuples, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, ne veulent pas. On m’objectera que c’était à une époque antédiluvienne. Force m’est de concéder qu’avec l’âge on devient plus fragile et qu’on peut attraper n’importe quelle saloperie.
Et en plus, je suis contagieux…
Mais ce qui m’inquiète vraiment, c’est que je vois autour de moi – ayant horreur de la délation je ne citerai aucun nom – de plus en plus d’écrivains, de philosophes, de journalistes être, eux aussi, victimes de ce mal insidieux. Ils le dissimulent, car ils savent que tout leur avenir serait compromis si l’on apprenait, par exemple, qu’ils lisent Causeur, voire qu’ils y apportent leur contribution. Certains accepteraient de le faire sous pseudonyme. Mais leur conscience leur souffle que mieux vaut y renoncer et leurs intérêts volent au secours de leur conscience. La lèpre m’a tellement gangrené que je me sais condamné. Peu m’importe d’ailleurs. Si Emmanuel Macron et son boys band parviennent à sauver les meilleurs d’entre nous, ce sera mon ultime consolation.
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