Léon Morin, prêtre, un film de Jean-Pierre Melville à revoir, avec un Jean-Paul Belmondo très séduisant et très juste
Confiné dans ma maison dans le Pays pagan, je passe mon temps entre prière, travail dans le jardin, lecture et le visionnement de films. J’ai revu hier soir le magnifique Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville adaptée d’un roman de Béatrix Beck. Une œuvre qui vous remet les idées en place sur les choses essentielles de la vie.
Un prêtre et une communiste confrontés à l’Occupation
Une petite ville de province occupée par l’armée italienne, puis allemande. La vie se déroule, avec ses difficultés et ses angoisses. Une jeune femme, Barny (l’inoubliable Emmanuelle Riva), travaille dans un service d’enseignement par correspondance. Sympathisante communiste et athée, elle décide de provoquer un prêtre par son rejet de la religion. Elle entre dans le confessionnal, mais décontenancée par l’attitude calme et très ouverte du prêtre (Jean-Paul Belmondo excellent et très séduisant), elle consent à se rendre chez lui pour parler de la foi.
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La guerre est présente surtout par les sons et les paysages qui en définissent le fond temporel et le fond politique. Le silence des couvre-feux et le bruit des bottes de l’occupant sont les signifiants sonores du conflit. Le choix de la campagne comme lieu prégnant des combats renforce ce parti pris. Dans Léon Morin, prêtre, si la guerre semble souvent réduite à une toile de fond peu visible, elle occupe néanmoins une place importante du point de vue philosophique et spirituel. La forte personnalité du prêtre, ferme dans ses positions face aux attaques incisives de Barny, nous fait penser à la fois aux codes moraux et de conduite des résistants de L’Armée des ombres, et aux codes d’honneur des truands des films noirs du cinéaste.
Un film philosophique?
Melville se montre sobre, voire ascétique dans sa mise en scène. Les scènes sont brèves, tranchées et d’une rigueur qui laisse place à toute la force spirituelle et politique des échanges philosophiques entre Barny et Léon Morin. Le cinéaste focalise son attention sur les échanges verbaux de ses deux personnages ; il se préoccupe de la fluctuation de leur conscience, de leurs pulsions internes. Léon Morin et Barny développent, au fil de leurs conversations, une haute idée de la foi et de l’être humain. Comment, dans une période de guerre monstrueuse, de collaboration patente ou larvée, un homme et une femme, par la force et la droiture de leur pensée et de leur comportement, résistent-ils à la déchéance du monde? Que perdraient-ils tous deux, si Léon Morin aimait (physiquement) Barny? Ils ne seraient plus que deux êtres qui s’aiment égoïstement, insensibles à la douleur du monde. Morin redeviendrait un homme ordinaire et Barny, une femme comme les autres. Leur amour perdrait de sa force spirituelle et ne s’afficherait plus comme l’insolente réponse catholique et humaniste face à la barbarie. Si la guerre permet la rencontre de cet homme et cette femme, elle leur donne surtout la possibilité de se définir comme résistants face à l’horreur et à la banalité triviale de la société française pendant la Seconde Guerre mondiale.
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La grande force de Léon Morin, prêtre est la rencontre absolue – sans la perte qu’entraînent nécessairement tout amour physique et les exacerbations du désir – entre deux êtres à la magnificence physique et spirituelle forte. C’est à la fois l’histoire d’un cheminement spirituel, la découverte progressive, par une âme simple, habitant le corps d’une jolie femme fière et insoumise, de l’un des sentiers qui conduisent vers la découverte du Dieu intérieur, et celle du maintien dans la certitude de sa foi d’un prêtre, porté par ses croyances et, paradoxalement, par ses doutes face à l’incarnation possible d’un amour humain fort et digne. Ce n’est pas entre sa foi et l’amour qu’il porte à Barny que le prêtre doit choisir, mais entre son vœu de chasteté et le désir qu’il ressent pour cette femme, entre un devoir et un appel.
Beauté de l’âme et des corps
La maîtrise du film réside dans la mise en scène implacable du cheminement de ces deux personnages. Une rigueur sobre, âpre, mêlée à une sensualité couvant sous la glace, mais brûlante, entoure les déplacements, les gestes et les dialogues. Beauté de l’âme et des corps alliée à une mise en scène de l’épure sont les composants du cinéma de Jean-Pierre Melville qui livre une œuvre d’une grande portée philosophique et spirituelle. Résister, nous dit-il, c’est justement faire que nos actes soient en accord avec nos pensées et non dictés ou dominés par les circonstances. En somme, Léon Morin, prêtre est une ode austère et flamboyante à un humanisme religieux.
Léon Morin, prêtre un film de Jean-Pierre Melville
France – 1961 – noir et blanc – 2h10
Interprétation: Emmanuelle Riva, Jean-Paul Belmondo, Irène Tunc, Nicole Mirel, Gisèle Grimm
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