Toute la presse nationale du jour est dithyrambique au sujet des records de notre nageur Léon Marchand. Même Causeur s’y colle, alors…
Impérial, en effet, ce gamin qui, tel Lucky Luke Colt au poing, nage plus vite que son ombre. La France n’attendait que cela, un événement transcendant, le truc qui fait qu’on passe soudain de l’événement à l’épopée. Dans ce registre, nous ne pouvions espérer mieux que ce qui se produit sous nos yeux ces heures-ci. Sortis des eaux, à la manière d’une divinité antique, voilà que naissent une légende, un héros, une icône qu’on peut acclamer, admirer, aduler sans partage, sans calcul, avec une joie saine, pure, intègre, une joie d’enfant. Je persiste, la France avait grand besoin de cela. Elle était en manque d’admiration. Je veux dire d’objet ou de sujet digne d’admiration. Elle l’a.
Elle l’a avec ce garçon, Léon Marchand, impérial comme je l’ai dit, souriant, sympathique, sobre dans le triomphe, simple dans sa gloire. Tout s’est arrêté pour le suivre. Les autres épreuves ici ou là ont suspendu leur vol, un match de foot amical a été interrompu. Encore une fois, on est bien au-delà de l’événement proprement dit. Il s’agit du bonheur. Du bonheur dans son acception la plus exceptionnelle : le bonheur national. Dès lors, quoi qu’il advienne au tableau des victoires, des médailles, des échecs, ces Jeux auront été un moment privilégié dans notre France du moment.
Ils ont leur empereur, disais-je. Ils ont aussi leur reine. Paris et ses beautés, ses monuments admirables. Son patrimoine exceptionnel exposé, offert à la terre entière qui s’en émerveille si l’on se réfère à la presse étrangère. Ce patrimoine rare, unique, peut-être bien sauvé grâce à cela, grâce aux Jeux, de la furie déconstructrice de certains. Je veux y croire… Il faudrait citer tous les sites. L’escrime au Grand Palais devient un peu plus que de l’escrime, comme si cet art de grâce avait trouvé enfin le seul lieu vraiment digne de lui. L’équitation sur fond du sublime Versailles nous est donnée en majesté. Et les courses, à vélo, à pied, à la nage, dans les rues, sur les places, dans le fleuve… Car même la Seine, capricieuse jusqu’à la dernière minute ainsi que le sont volontiers les altesses et les stars, a bien voulu jouer le jeu.
De surcroît, je n’oublierai pas un autre roi. Le roi Nadal, qui s’en va certes, mais sans rien perdre de sa couronne. Au contraire. Jusqu’au bout il aura honoré de sa présence la terre ocre de Roland Garros. Il y est né voilà longtemps déjà. Il y a grandi. Il la quitte à présent, géant devenu. Grandissime à jamais.
Cela dit, tous ces sportifs, ces athlètes du monde entier sont à féliciter, à remercier. Ils nous réveillent de l’apathie qui nous gagnait, qui nous grignotait peu à peu. Ils nous invitent, mine de rien, à bouger. À se remuer. Ils nous rappellent que, comme disait en son temps Léonard de Vinci, tout est mouvement, la vie est mouvement. Or, comment prouve-t-on le mouvement de manière irréfutable ? Bien évidemment, en marchant. N’est-ce-pas Léon ?
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